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Non, non, debout, Lyciscas, debout. Pour la chasse ordonnée il faut préparer tout. Vite, debout, dépêchons, debout.

LYCISCAS.

Hé bien! laissez-moi, je vais me lever. Vous êtes d'étranges gens de me tourmenter comme cela! Vous serez cause que je ne me porterai pas bien de toute la journée; car, voyez-vous, le sommeil est nécessaire à l'homme; et, lorsqu'on ne dort pas sa réfection, il arrive... que... on n'est... (Il se rendort,)

PREMIER.

Lyciscas!
DEUXIÈME.
Lyciscas!

TROISIÈME,

Lyciscas!

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Lyciscas!

LYCISCAS.

Diables soient les brailleurs! Je voudrois que vous eussicz la gueule pleine de bouillie bien chaude.

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Ah! quelle fatigue de ne pas dormir son soùl!

PREMIER.
Hola! ho!

DEUXIÈME.

Hola! ho!

TROISIÈME.

Hola! ho!

TOUS TROIS ENSEMBLE.

He! ho! ho! bo! ho!

LYCISCAS.

Ho! ho! La peste soit des gens avec leurs chiens de hurlements! Je me donne au diable si je ne vous assomme. Mais voyez un peu quel diable d'enthousiasme il leur prend de me venir chanter aux oreilles comme cela. Je...

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Quoi! toujours? A-t-on jamais vu une pareille furie de chanter? Par la sambleu! j'enrage. Puisque me voilà éveillé, il faut que j'éveille les autres, et que je les tourmente comme on m'a fait. Allons, ho, messieurs, debout, debout, vite; c'est trop dormir. Je vais faire un bruit de diable partout. (1) crie de toute sa force.) Debout, debout, debout! Allons vite, ho!

ho! ho! debout! debout! Pour la chasse ordonnée, il faut préparer tout debout! debout! Lyciscas, debout! Ho! ho! ho! ho! ho!

(Plusieurs cors et trompes de chasse se font entendre: les valets de chiens que Lyciscas a réveillés dansent une entrée; ils reprennent le son de leurs cors et trompes à certaines cadences.)

ACTE PREMIER.

SCÈNE I. EURYALE, ARBATE.

ARBATE.

Ce silence rêveur, dont la sombre habitude
Vous fait à tous moments chercher la solitude;
Ces longs soupirs que laisse échapper votre cœur,
Et ces fixes regards si chargés de langueur,

Disent beaucoup, sans doute, à des gens de mon âge;
Et je pense, seigneur, entendre ce langage;
Mais, sans votre congé, de peur de trop risquer
Je n'ose m'enhardir jusques à l'expliquer.

EURYALE.

Explique, explique, Arbate, avec toute licence
Ces soupirs, ces regards, et ce morne silence.
Je te permets ici de dire que l'Amour

M'a rangé sous ses lois, et me brave à son tour;

Et je consens encor que tu me fasses honte

Des foiblesses d'un cœur qui souffre qu'on le dompte.

ARBATE.

Moi, vous blâmer, seigneur, des tendres mouvements
Où je vois qu'aujourd'hui penchent vos sentiments!
Le chagrin des vieux jours ne peut aigrir mon ame
Contre les doux transports de l'amoureuse flamme;
Et bien que mon sort touche à ses derniers soleils,
Je dirai que l'amour sied bien à vos pareils;
Que ce tribut qu'on rend aux traits d'un beau visage
De la beauté d'une ame est un clair témoignage,
Et qu'il est malaisé que, sans être amoureux,

Un jeune prince soit et grand et généreux.
C'est une qualité que j'aime en un monarque;
La tendresse du cœur est une grande marque
Que d'un prince à votre âge on peut tout présumer,
Dès qu'on voit que son ame est capable d'aimer.
Oui, celte passion, de toutes la plus belle,
Traîne dans un esprit cent vertus après elle;
Aux nobles actions elle pousse les cœurs,
Et tous les grands héros ont senti ses ardeurs.
Devant mes yeux, seigneur, a passé votre enfance,
Et j'ai de vos vertus vu fleurir l'espérance;
Mes regards observoient en vous des qualités
Où je reconnoissois le sang dont vous sortez;
J'y découvrois un fond d'esprit et de lumière;
Je vous trouvois bien fait, l'air grand, et l'ame fière;
Votre cœur, votre adresse, éclatoient chaque jour;
Mais je m'inquiétois de ne voir point d'amour;
Et, puisque les langueurs d'une plaie invincible
Nous montrent que votre ame à ses traits est sensible,
Je triomphe, et mon cœur, d'allégresse rempli,
Vous regarde à présent comme un prince accompli1.

EURYALE.

Si de l'Amour un temps j'ai bravé la puissance,
Ilélas! mon cher Arbate, il en prend bien vengeance!
Et, sachant dans quels maux mon cœur s'est abîmé,
Toi-même tu voudrois qu'il n'eût jamais aimé.
Car enfin, vois le sort où mon astre me guide:
J'aime, j'aime ardemment la princesse d'Élide;
Et tu sais que l'orgueil, sous des trails si charmants,
Arme contre l'amour ses jeunes sentiments,
Et comment elle fuit en cette illustre fêle
Cette foule d'amants qui briguent sa conquête.

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Ah! qu'il est bien peu vrai que ce qu'on doit aimer,
Aussitôt qu'on le voit, prend droit de nous charmer,
Et qu'un premier coup d'œil allume en nous les flammes
Où le ciel, en naissant, a destiné nos ames!

A mon retour d'Argos, je passai dans ces lieux,

'Ces vers, répétés dans une fète donnée par Louis XIV à mademoiselle de La Vallière, dont il était si vivement épris, sont une allusion très transparente la passion du monarque. Quoi qu'on ait dit pour justifier Molière, et tout en faisant une large part à l'esprit du dix-septième siècle, on ne peut s'empêcher, en admirant le poëte, de blamer le courtisan.

Et ce passage offrit la princesse à mes yeux;
Je vis tous les appas dont elle est revêtue,
Mais de l'œil dont on voit une belle statue.
Leur brillante jeunesse observée à loisir
Ne porta dans mon ame aucun secret desir,
Et d'Ithaque en repos je revis le rivage,
Sans m'en être en deux ans rappelé nulle image.
Un bruit vient cependant à répandre à ma cour
Le célèbre mépris qu'elle fait de l'amour;
On publie en tous lieux que son ame hautaine
Garde pour l'hyménée une invincible baine,
Et qu'un arc à la main, sur l'épaule un carquois,
Comme une autre Diane elle hante les bois,
N'aime rien que la chasse, et de toute la Grèce
Fait soupirer en vain l'héroïque jeunesse.
Admire nos esprits, et la fatalité!

Ce que n'avoient point fait sa vue et sa beauté,
Le bruit de ses fiertés en mon ame fit naître
Un transport inconnu dont je ne fus point maître :
Ce dédain si fameux eut des charmes secrets
A me faire avec soin rappeler tous ses traits;
Et mon esprit, jetant de nouveaux yeux sur elle,
M'en refit une image et si noble et si belle,
Me peignit tant de gloire et de telles douceurs
A pouvoir triompher de toutes ses froideurs,
Que mon cœur, aux brillants d'une telle victoire,
Vit de sa liberté s'évanouir la gloire :

Contre une telle amorce il eut beau s'indigner,
Sa douceur sur mes sens prit tel droit de régner,
Qu'entraîné par l'effort d'une occulte puissance,
J'ai d'Ithaque en ces lieux fait voile en diligence
Et je couvre en effet de mes vœux enflammés1
Du desir de paroître à ces jeux renommés,
Où l'illustre Iphitas, père de la princesse,
Assemble la plupart des princes de la Grèce 2.

Ces vers n'ont aucun sens. Il y a sans doute ici une faute d'impression. On pourroit corriger ainsi :

Et je couvre en effet tous mes vœux enflammés, etc.

(Aimé Martin.)

Iphitas pour Iphitus, roi d'Élide, contemporain de Lycurgue, et fameux dans la Grece pour avoir rétabli les jeux olympiques.

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