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flattes de je ne sais quelle immortalité? à la mort. . . . Où allons-nous tous, mes chers auditeurs? à la mort. La mort respecte-t-elle les titres, les dignités, les richesses? Où est Alexandre? où est César? où sont les hommes dont le nom seul faisait trembler l'univers? Ils ont été, mais ils ne sont plus..

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Abaissement que cause la mort.

DANS cet auditoire, quels cris n'entendrait-on point, si, au lieu de ces discours vagues que nous vous adressons, Dieu nous donnait dans ce moment de pénétrer dans l'avenir, de lire dans ses décrets, d'y voir la destinée des personnes qui nous écoutent, et de vous dire à chacun ce qui vous intéresserait dans cette révélation nouvelle! Là, vous verriez cet homme superbe qui s'enfle par le vent de sa vanité, confondu dans la même poudre avec le plus vil d'entre les hommes. Ici, cette femme voluptueuse qui ne refuse rien à ses sens, vous la verriez couchée dans un lit d'infirmité, placée entre les douleurs d'une maladie mortelle, et la juste crainte de tomber entre les mains d'un Dieu vengeur.

Ailleurs, cet homme de guerre qui est couronné de lauriers, et qui en cherche une moisson nouvelle dans la campagne prochaine, vous le verriez couvert d'une tragique poussière, baigné dans son propre sang, et trouvant sa sépulture dans ce même lieu où son imagination lui offrait un champ de victoire.

Par tous les endroits de cet auditoire, à droite, à gauche, devant, derrière, à vos côtés, à votre place, je vous montrerais des cadavres; et dans cette supposition, celui qui nous écoute peut-être avec le plus d'indolence, et qui se moque en secret de ceux que notre voix épouvante, servirait lui-même de preuve aux vérités que nous prêchons, et occuperait la première place dans cette liste fatale.

SAURIN (Jacques),

SAURIN.

Né en 1677, mort en 1730. Ce ministre a été surnommé par son éloquence, le Bossuet de la chaire protestante.

LA MÉDISANce.

LA médisance est un feu dévorant qui flétrit1 tout ce qu'il touche, qui exerce sa fureur sur le bon grain comme sur la paille, sur le profane comme sur le sacré; qui ne laisse, partout où il a passé, que la ruine et la désolation ; qui creuse jusque dans les entrailles de la terre, et va s’attacher aux choses les plus cachées; qui change en de viles cendres ce qui nous avait paru, il n'y a qu'un moment, si précieux et si brillant; qui, dans le temps même qu'il paraît couvert et presque éteint, agit avec plus de violence et de danger que jamais; qui noircit ce qu'il ne peut consumer, et qui sait plaire et briller quelquefois avant que de nuire.

La médisance est un orgueil secret qui nous découvre la paille3 dans l'œil de notre frère, et nous cache la poutre qui est dans le nôtre; une envie basse, qui, blessée des talents ou de la prospérité d'autrui, en fait le sujet de la censure, et s'étudie à obscurcir l'éclat de tout ce qui l'efface; une haine déguisée, qui répand sur ses paroles l'amertume cachée dans le cœur; une duplicité indigne, qui loue en face et déchire en secret; une légèreté honteuse, qui ne sait pas se vaincre et se retenir sur un mot, et qui sacrifie souvent sa fortune et son repos à l'imprudence d'une censure qui sait plaire; une barbarie de sang-froid, qui va percer notre frère absent; un scandale pour ceux qui nous écoutent; une injustice où vous ravissez à votre frère ce qu'il a de plus cher.

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La médisance est un mal inquiet qui trouble la société, qui jette la dissension dans les cités, qui désunit les amitiés les plus étroites, qui est la source des haines et des vengeances, qui remplit tous les lieux où elle entre de désordres et de confusion; partout ennemie de la paix, de la douceur et de la politesse. Enfin, c'est une source pleine d'un venin mortel : tout ce qui en part est infecté, et infecte tout ce qui l'environne; ses louanges même sont empoisonnées, ses applaudissements malins, son silence criminel; ses

gestes, ses mouvements, ses regards, tout a son poison, et le MASSILLON.

répand à sa manière.

MASSILLON (Jean-Baptiste),

Né en 1663, mort en 1742. L'un des plus grands prédicateurs du siècle de Louis XIV. Il fut promu en 1717 à l'évêché de Clermont, et ce fut l'année suivante qu'il prononça son PetitCarême, chef-d'œuvre de raison, de style et d'éloquence. On remarque aussi son Oraison funèbre de Louis XIV, dont l'exorde commence ainsi : Dieu seul est grand, mes frères. "C'est un beau mot que celui-là," dit Châteaubriand, "ainsi prononcé devant le tombeau de Louis-le-Grand."

NÉCESSITÉ DE LA RELIGION.

L'ORDRE qui préside à l'univers est un grand modèle offert par la Divinité aux faibles humains. L'homme le plus parfait, le plus religieux, est celui qui sait le mieux dominer ses passions, diriger celles des autres, égaler ses besoins à ses ressources, placer son bonheur dans celui des siens, de ses semblables, et contribuer, par l'ordre particulier qu'il établit dans sa famille, à l'ordre, à la félicité générale; car la religion est le traité d'alliance universelle, le lien d'amour qui unit l'homme à son Dieu, l'épouse à son époux, le fils à son père, et tous les hommes entre

eux.

La religion embellit la vie, et réchauffe la mort: l'âme religieuse remonte avec confiance vers la source divine d'où découlent tous les plaisirs purs de ce monde ; elle ose croire que le Dieu qui fit de l'amour sa plus sublime vertu sur la terre en fera aussi sa céleste récompense. La religion est la garantie de toutes les vertus; elle efface les fautes par le repentir, et place l'espérance à côté du malheur. L'homme faible devient fort en s'appuyant sur Dieu; l'homme de génie étonne par sa puissance, lorsqu'il cherche une gloire immortelle, et non les biens, les honneurs périssables de ce monde. MADAME SIREY.

Auteur vivant.

MADAME SIREY,

Elle a publié plusieurs ouvrages dont le but est l'éducation morale et religieuse des jeunes personnes qui entrent dans le monde. Madame Sirey est actuellement, à Paris, directrice du journal intitulé La mère de famille.

CONTEMPLATION DU CIEL ÉTOILÉ.

Le temps était serein; la voie lactée, comme un léger nuage, partageait le ciel; un doux rayon partait de chaque étoile pour venir jusqu'à moi, et lorsque j'en examinais une attentivement, ses compagnes semblaient scintiller plus vivement pour attirer mes regards. C'est un charme pour moi que de contempler le ciel étoilé, et je n'ai pas à me reprocher d'avoir fait un seul voyage, ni même une simple promenade nocturne, sans payer le tribut d'admiration que je dois aux merveilles du firmament. Quoique je sente toute l'impuissance de ma pensée dans ces hautes médita tions, je trouve un plaisir inexprimable à m'en occuper; j'aime à penser que ce n'est point le hasard qui conduit jusqu'à mes yeux cette émanation des mondes éloignés, et chaque étoile verse avec sa lumière un rayon d'espérance dans mon cœur. Eh quoi! ces merveilles n'auraient-elles d'autre rapport avec moi que celui de briller à mes yeux? Et ma pensée qui s'élève jusqu'à elles, mon cœur qui s'émeut à leur aspect, leur seraient-ils étrangers ? ...Spectateur éphémère d'un spectacle éternela, l'homme lève un instant les yeux vers le ciel, et les referme pour toujours; mais, pendant cet instant rapide, qui lui est accordé, de tous les points du ciel, et depuis les bornes de l'univers, un rayon consolateur part de chaque monde, et vient frapper ses regards pour lui annoncer qu'il existe un rapport entre l'immensité et lui, qu'il est associé à l'éternité,

LE COMTE X. DE MAISTRE.

DE MAISTRE (Xavier),

Né en 1759. Auteur vivant.

Nous avons de cet écrivain

plusieurs ouvrages estimés, dont les principaux sont Le voyage autour de ma chambre et Le preux de la cité d'Aoste.

a Idée aussi grande que juste et noblement exprimée. On pourrait appliquer ce jugement à toutes les parties de cet extrait, aussi remarquable pour la beauté du style que pour la grandeur des pensées.

L'ÉTUDE DE LA NATURE.

LES âmes aimantes cherchent partout un objet aimable qui ne puisse plus changer: elles croient le trouver dans un livre; mais je pense qu'il vaut mieux pour elles s'attacher à la nature, qui, comme nous, change toujours. Le livre le plus sublime ne nous rappelle qu'un auteur mort, et la plus humble plante nous parle d'un auteur toujours vivant; d'ailleurs, le meilleur ouvrage sorti de la main des hommes peut-il égaler jamais celui qui est sorti de la puissance de Dieu ? L'art peut produire des milliers de Théocrites et de Virgiles; mais la nature seule crée des milliers de paysages nouveaux en Europe, en Afrique, aux Indes, dans les deux mondes. L'art nous ramène en arrière dans un passé qui n'est plus: la nature marche avec nous en avant, et nous porte vers un avenir qui vient à nous. Laissonsnous donc aller comme elle au cours du temps; cherchons nos jouissances dans les eaux, les prés, les bois, les cieux, et dans les révolutions que les saisons et les siècles y amènent. Ne portons point, dans notre vieillesse caduque1, nos regards et nos regrets vers une jeunesse fugitive; mais avançons-nous avec joie, sous la protection de la Divinité, vers des jours qui doivent être éternels.

L'étude de la nature est si étendue, que chaque enfant peut y trouver de quoi développer son talent particulier. On dit que d'Anville, étant au collége, n'étudia, dans Virgile, que les seuls voyages d'Énée. Il en fit un fort bon itinéraire; toutes les beautés de la poésie disparurent pour lui; il ne vit dans le poëte qu'un géographe, et il prouva ainsi qu'il le deviendrait lui-même.

Mais la nature offre à l'homme un poëme bien plus étendu

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