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elle paraît à l'infortuné un poste tranquille, d'où il voit s'écouler les passions des autres hommes sans en être ébranlé; mais pendant qu'il se félicite de son immobilité, le temps l'entraîne lui-même. On ne jette point l'ancre dans le fleuve de la vie; il emporte également celui qui lutte contre son cours, et celui qui s'y abandonne, le sage comme l'insensé; et tous deux arrivent à la fin de leurs jours, l'un après en avoir abusé, et l'autre sans en avoir joui.

ST.-PIERRE. (Voyez la page 54.)

Il y a deux choses qui forment le style, l'invention et l'expression. L'invention dépend de la patience; il faut voir, regarder longtemps son sujet, alors il se déroule et se développe peu à peu, vous sentez comme un petit coup d'électricité qui vous frappe la tête, et en même temps vous saisit le cœur; voilà le moment du génie, c'est alors qu'on éprouve le plaisir de travailler, plaisir si grand que je passais douze heures, quatorze heures à l'étude; c'était tout mon plaisir. . . . . Mais voulez-vous augmenter le plaisir, et en même temps être original? Quand vous aurez un sujet à traiter, n'ouvrez aucun livre, tirez tout de votre tête, ne consultez les auteurs que lorsque vous sentirez que vous ne pouvez rien produire de vous-même. BUFFON. (Voyez la page 61.)

L'HONNÊTE ENFANT FAIT L'HONNÊTE HOMME.

LES premiers jugements que nous portons sur une personne pendant les années de collége ne s'effacent guère dans notre esprit. Après avoir perdu de vue un ancien camarade d'études, si nous le retrouvons dans la vie, nous le jugeons, sans y songer, d'après l'opinion qu'il nous aura donnée de lui dans son enfance; notre estime ou notre mépris, notre admiration ou notre dédain, notre amitié ou notre haine lui seront acquis d'avance, suivant le souvenir qu'il nous aura laissé. Les circonstances et l'âge auront en vain modifié depuis sa nature, et l'auront rendu différent de ce que nous l'avons connu; l'impression qu'il a faite autrefois sur nous est restée, et ne pourra s'effacer que bien difficilement: c'est

chez nous, désormais, un préjugé d'enfance, c'est quelque chose de semblable à ces goûts de nourriture, à ces habitudes de vêtement, à ces formes, à ces idées que l'on prend dans l'âge des premières perceptions, et qui s'incorporent à notre être au point d'en faire partie.

Les parents ne sauraient trop réfléchir à cette vérité, l'enfant devrait l'avoir sans cessé devant les yeux, sa conduite d'écolier a une importance qu'on ne lui suppose pàs: c'est un surnumérariat de la vie; ses condisciples d'aujourd'hui seront ses concitoyens de demain. Ses défauts ou ses vices ne lui sont pas seulement préjudiciables pour le présent, ils lui préparent sa bonne ou mauvaise réputation dans le monde: s'il veut que plus tard, son existence soit facile et honorée, il faut qu'il se conduise dès maintenant de manière à trouver partout, à sa rencontre, des visages joyeux et des mains amicales. Écolier, il pose les premiers fondements de sa bonne renommée; car comme l'a dit un auteur célèbre, avec une originalité piquante : "L'honnête enfant est un honnête homme qui n'a pas fini sa croissance." Extrait du Magazin pittoresque.

MORCEAUX ORATOIRES.

INVOCATION À LA PAIX.

GRAND Dieu, dont la seule présence soutient la nature et maintient l'harmonie des lois de l'univers, vous qui', du trône immobile de l'empyrée, voyez rouler sous vos pieds toutes les sphères célestes sans choc et sans confusion; qui, du sein du repos, reproduisez à chaque instant leurs mouvements immenses, et seul régissez dans une paix profonde ce nombre infini de cieux et de mondes; rendez enfin le calme à la terre agitée; qu'elle soit dans le silence! qu'à votre voix la discorde et la guerre cessent de faire retentir leurs clameurs orgueilleuses!

Dieu de bonté, auteur de tous les êtres, vos regards paternels embrassent tous les objets de la création; mais l'homme est votre être de choix ; vous avez éclairé son âme d'un rayon de votre lumière immortelle; comblez vos bienfaits en pénétrant son cœur d'un trait de votre amour: ce sentiment divin, se répandant partout, réunira les nations ennemies; l'homme ne craindra plus l'aspect de l'homme, le fer homicide n'armera plus sa main; le feu dévorant de la guerre ne fera plus tarir3 la source des générations ; l'espèce humaine, maintenant affaiblie, mutilée, moissonnée dans sa fleur, germera de nouveau, et se multipliera sans nombre; la nature, accablée sous le poids des fléaux, stérile, abandonnée, reprendra bientôt avec une nouvelle vie son ancienne fécondité; et nous, Dieu bienfaiteur, nous la seconderons, nous la cultiverons, nous l'observerons sans cesse, pour vous offrir à chaque instant un nouveau tribut de reconnaissance et d'admiration. BUFFON. (Voyez p. 61.)

a C'est le lieu le plus élevé du ciel. (en) dans, et de πuρ (pur) feu.

Empyrée est dérivé du grec év

EXHORTATION À L'ÉTUDE DES SCIENCES NATURELLES.

ET comment ne conserveriez-vous pas à jamais votre ardeur pour les sciences naturelles? Quelque destinée qui vous attende, dans quelque contrée du globe que vos jours doivent couler, la nature vous environnera sans cesse de ses productions, de ses phénomènes, de ses merveilles. Dans les vastes plaines et au milieu des bois touffus, sur le haut des monts et dans le fond de la vallée solitaire, vers le bord des ruisseaux paisibles et sur l'immense surface de l'Océan agité, vous serez sans cesse entourés des objets de votre étude.

Elle vous suivra partout, cette collection que la nature déploie avec tant de magnificence devant les yeux dignes de la contempler, et qui est si supérieure à toutes celles que le temps, l'art et la puissance réunissent dans les temples consacrés à l'instruction. Et quel est le point de la terre où la science aux progrès de laquelle nous nous sommes voués ne nous montre pas un nouvel être à décrire, une nouvelle propriété à reconnaître, un nouveau phénomène à dévoiler? Quel est le climat où transportant, multipliant, perfectionnant les espèces ou les races, et donnant à l'agriculture des secours plus puissants, au commerce des productions plus nombreuses ou plus belles, aux nations populeuses des moyens de subsistance plus agréables, plus salubres, plus abondants, vous ne puissiez bien mériter de vos semblables?

Ah! ne renoncez jamais à la source la plus pure du bonheur qui peut être réservé à l'espèce humaine. Tout ce que la philosophie a dit de l'étude en général, combien nous devons nous le dire, avec plus de raison, de cette passion constante et douce qui s'anime par le temps, échauffe sans consumer, entraîne1 avec tant de charme, imprime à l'âme des mouvements si vifs et cependant si peu tumultueux, s'empare de l'existence tout entière, l'arrache au trouble, à l'inquiétude, aux regrets, l'attache avec tant de force à la conquête de la vérité, a pour premier terme l'observation des actes de la faculté créatrice, pour dernier but

le perfectionnement, pour jouissance une paix intérieure, un contentement secret et inexprimable, et pour récompense l'estime de son siècle et de la postérité! Comme elle embellit tous les objets avec lesquels elle s'allie! À quel âge, à quel état, à quelle fortune ne convient-elle pas? Elle enchante nos jeunes années, elle plaît à l'âge mûr, elle pare la vieillesse de fleurs, dissipant les chagrins, calmant les douleurs, écartant les ennuis, allégeant le fardeau du pouvoir, soulageant du souci des affaires pénibles, faisant oublier jusques à la misère, consolant du malheur d'une trop grande renommée; quelle adversité ne diminue-t-elle pas ?

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Jetez les yeux sur les hommes célèbres dont on nous a transmis les actions les plus secrètes. Quels ont été les plus heureux? ceux qui se sont livrés à la contemplation de la nature. J'en atteste Aristote, Linnée, Buffon, Bonnet, et ce Bernard de Jussieua, dont la tendre sollicitude pour la conservation d'une plante nouvelle peignait si bien la paisible félicité; et ce naturaliste que nous possédons encore parmi nous, et dont la vieillesse, si justement honorée, jouit, au milieu du calme d'une vie très-prolongée, heureuse et sereine, de la reconnaissance de ses contemporains, et de l'affection de mes savants collègues. J'en atteste même les illustres victimes de leur passion sacrée : Pline, qui meurt au milieu du Vésuvef; tant de célèbres voyageurs qui expirent pour la science sur une terre étrangère; ces infortunés compagnons de La Peyrouse &, dont la mer a tout dévoré, excepté leurs droits sur la postérité. Et les sacrifices utiles, le dévouement généreux, le saint enthousiasme, n'ont-ils pas aussi leur bonheur suprême?

Non, après la vertu, rien ne peut nous conduire plus sûrement à la félicité que l'amour des sciences naturelles. Et vous qui m'écoutez, et qui, jeunes encore, formez notre plus chère espérance; vous, devant qui s'ouvre une carrière que vous pouvez illustrer par tant de travaux; ah! lorsque vous aurez éprouvé cette vérité consolante que le bonheur est dans la vertu qui aime, et dans la science qui éclaire; lorsqu'au milieu de l'éclat de la gloire, ou dans l'obscurité d'une retraite paisible, vous jouirez du charme attaché à

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