Images de page
PDF
ePub

que ce prince lui fit crever les yeux, et que le sauveur de l'état fut obligé de mendier son pain dans les rues de Constantinople. La postérité a répété avec attendrissement le fameux mot: Date obolum Belisario (donnez une obole à Bélisaire).

Justinien, empereur d'Orient, né en 483, mort en 565. Le règne de Justinien est illustre par des travaux importants de jurisprudence. L'empereur fit faire sous ses yeux, par les plus habiles jurisconsultes de son temps, la rédaction et la compilation de toutes les constitutions des empereurs ; ces ouvrages nous ont été transmis sous les titres suivants : les Institutes; le Code dit de Justinien; le Digeste ou Pandectes et les Novelles.

BATAILLE DE HASTINGS 2.

SUR le terrain qui porta depuis, et qui aujourd'hui porte encore le nom de Lieu de la Bataille, les lignes des AngloSaxons occupaient une longue chaîne de collines fortifiées de tous côtés par un rempart de pieux et de claies d'osier1.

Dans la nuit du 13 octobre (1066), Guillaume fit annoncer aux Normands que le lendemain serait jour de combat. Des prêtres et des religieux qui avaient suivi en grand nombre l'armée envahissante, attirés, comme les soldats, par l'espoir du butin, se réunirent pour faire des oraisons et chanter des litanies, pendant que les gens de guerre préparaient leurs armes et leurs chevaux. Dans l'autre armée, la nuit se passa d'une manière toute différente: les Saxons se divertissaient avec grand bruit, et chantaient leurs vieux chants nationaux, en vidant, autour de leurs feux, des cornes remplies de bière et de vin.

Au matin, dans le camp normand, l'évêque de Bayeux, fils de la mère du duc Guillaume et d'un bourgeois de Falaise, célébra la messe et bénit les troupes, armé d'un haubert sous son rochet; puis il monta un grand coursier blanc, prit une lance et fit ranger sa brigade de cavaliers. Toute l'armée se divisa en trois colonnes d'attaque: à la première étaient les gens-d'armes venus du comté de Boulogne et du Ponthieu avec la plupart des hommes engagés

personnellement pour une solde; à la seconde se trouvaient les auxiliaires bretons, manceaux et poitevins; Guillaume, en personne, commandait la troisième, formée des recrues de Normandie. En tête de chaque corps de bataille marchaient plusieurs rangs de fantassins à légère armure, vêtus d'une casaque matelassée3, et portant des arcs longs d'un corps d'homme ou des arbalètes d'acier. Le duc montait un cheval espagnol qu'un riche Normand lui avait amené d'un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Galice f. II tenait suspendues à son cou les plus révérées d'entre les reliques, sur lesquelles Harold1 avait juré, et l'étendard bénit était porté à côté de lui par un jeune homme appelé Toustain-le-Blanc.

L'armée se trouva bientôt en vue du camp saxon, au nordouest de Hastings. Les prêtres et les moines qui l'accompagnaient se détachèrent, et montèrent sur une hauteur voisine, pour prier et regarder le combat. Un Normand, appelé Taillefer, poussa son cheval en avant du front de bataille, et entonna le chant des exploits, fameux dans toute la Gaule, de Charlemagne et de Roland. En chantant, il jouait de son épée, la lançait en l'air avec force, et la recevait dans sa main droite; les Normands répétaient ses refrains ou criaient: "Dieu aide! Dieu aide!”

À portée de trait, les archers commencèrent à lancer leurs flèches, et les arbalétriers leurs carreauxk; mais la plupart des coups furent amortis1 par le haut parapet des redoutes saxonnes. Les fantassins, armés de lances, et la cavalerie, s'avancèrent jusqu'aux portes des redoutes, et tentèrent de les forcer. Les Anglo-Saxons, tous à pied autour de leur étendard planté en terre, et formant derrière leurs redoutes une masse compacte et solide, reçurent les assaillants à grands coups de hache, qui, d'un revers, brisaient les lances et coupaient les armures de maille. Les Normands, ne pouvant pénétrer dans les redoutes, ni en arracher les palissades, se replièrent, fatigués d'une attaque inutile, vers la division que commandait Guillaume. Le duc alors fit avancer de nouveau tous ses archers, et leur ordonna de ne plus tirer droit devant eux, mais de lancer

leurs traits en haut, pour qu'ils descendissent par dessus le rempart du camp ennemi. Beaucoup d'Anglais furent blessés, la plupart au visage, par suite de cette manœuvre; Harold lui-même eut l'œil crevé d'une flèche, et il n'en continua pas moins de commander et de combattre. L'attaque des gens de pied et de cheval recommença de près, aux cris de: "Notre-Dame1! Dieu aide! Dieu aide!"

Mais les Normunds furent repoussés à l'une des portes du camp, jusqu'à un grand ravin recouvert de broussailles et d'herbes, où leurs chevaux trébuchèrent et où ils tombèrent pêle-mêle, et périrent en grand nombre. Il y eut un moment de terreur panique dans l'armée d'outre-mer; le bruit courut que le duc avait été tué, et, à cette nouvelle, la fuite commença. Guillaume se jeta lui-même au devant des fuyards et leur barra le passage, les menaçant et les frappant de sa lance; puis, se découvrant la tête : "Me voilà!" leur cria-t-il; "regardez-moi; je vis encore, et je vaincrai avec l'aide de Dieu."

au cou.

Les cavaliers retournèrent aux redoutes; mais ils ne purent davantage en forcer les portes ni faire brèche. Alors le duc s'avisa d'un stratagême pour faire quitter aux Anglais leur position et leurs rangs; il donna l'ordre à mille cavaliers de s'avancer, et de fuir aussitôt. La vue de cette déroute simulée fit perdre aux Saxons leur sangfroid; ils coururent tous à la poursuite, la hache suspendue À une certaine distance, un corps, posté à dessein, joignit les fuyards, qui tournèrent bride; et les Anglais, surpris dans leur désordre, furent assaillis de tous côtés à coups de lances et d'épées dont ils ne pouvaient se garantir, ayant les deux mains occupées à manier leurs grandes haches. Quand ils eurent perdu leurs rangs, les clôtures des redoutes furent enfoncées, cavaliers et fantassins y pénétrèrent; mais le combat fut encore vif, pêlemêle, et corps à corps. Guillaume eut son cheval tué sous lui; le roi Harold et ses deux frères tombèrent morts au pied de leur étendard, qui fut arraché et remplacé par le drapeau envoyé de Rome. Les débris de l'armée anglaise, sans chef et sans drapeau, prolongèrent la lutte

jusqu'à la fin du jour, tellement que les combattants des deux partis ne se reconnaissaient plus qu'au langage.

AUGUSTIN THIERRY. Histoire de la conquête

d'Angleterre par les Normands.

AUGUSTIN THIERRY,

Auteur vivant. Membre de l'Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres, auteur de plusieurs ouvrages historiques très-estimés parmi lesquels on remarque: La conquête d'Angleterre par les Normands, Etudes sur l'histoire de France, Dix années d'études historiques. Ces ouvrages, fruits de longues et pénibles recherches, sont écrits avec une conscience rare et un talent très-remarquable. M. A. Thierry vient d'être chargé, par le ministre de l'instruction publique, de diriger la publication des documents inédits de l'Histoire du Tiers-Etat, ouvrage d'une très-grande importance pour la France.

a

Hastings, ville et port d'Angleterre dans le comté de Sussex. Elle est bâtie en amphithéâtre sur la côte: vue de la mer, l'aspect en est admirable.

b Guillaume-le-Conquérant, duc de Normandie, né à Falaise en 1027, partit de Saint-Valery, le 30 septembre 1066, avec une flotte de 300 vaisseaux et une armée de 60,000 hommes, pour conquérir l'Angleterre, au trône de laquelle il n'avait d'autre droit qu'un prétendu testament d'Edouard-le-Confesseur. Il mourut en 1087.

C

Haubert, sorte de cuirasse ancienne, ou cotte de mailles.

a Ponthieu, petit pays à l'ouest de la Picardie; Abbeville en était la capitale.

e Les Bretons, habitants de la Bretagne; les Manceaux, ceux du Maine; Poitevins, ceux du Poitou.

f Santiago ou Compostela (Saint-Jacques-de-Compostelle), ville d'Espagne, capitale de la Galice. C'est le chef-lieu de l'ordre des chevaliers de Saint-Jacques. Les reliques du saint et de ses disciples y attiraient autrefois une affluence considérable de pèlerins.

8 Ces reliques étaient des ossements que l'on croyait sacrés.

h Harold II, fils aîné du comte de Godwin, grand-maître de la maison du roi, monta sur le trône d'Angleterre à la mort d'Edouard-le-Confesseur, le 5 janvier 1066.

i Roland, prétendu neveu de Charlemagne, était, selon Eginard, préfet des frontières de Bretagne. Une ancienne tradition nous a conservé le

souvenir d'un chant guerrier sous le nom de ce paladin; mais le texte en est perdu. L'idée principale en a été reproduite dans une romance du comte de Tressan.

Le carreau d'arbalète était une flèche dont le fer avait quatre pans ; de là l'expression figurée : Les carreaux vengeurs de Jupiter.

1 C'était le cri de ralliement des Croisades.

GUILLAUME TELL.

Geslerb ayant, selon la chronique, fait dresser sur la place publique d'Altorf, capitale du canton d'Uri, une perche au haut de laquelle il avait fait placer le chapeau ducal d'Autriche, enjoignit à tous les Suisses de rendre à ce chapeau les honneurs prescrits envers le prince lui-même. Tell, dénoncé pour avoir désobéi à ce décret de servitude, fut condamné par Gesler à abattre d'un coup de flèche, sur la tête de son propre fils, une pomme que le tyran y avait fait placer.

IL regarde son fils, s'arrête, lève les yeux vers le ciel, jette son arc et sa flèche, et demande à parler à Gemmi. Quatre soldats le mènent vers lui: "Mon fils," dit-il, “j'ai besoin de venir t'embrasser encore, de te répéter ce que je t'ai dit. Sois immobile, mon fils; pose un genou en terre, tu seras plus sûr, ce me semble, de ne point faire de mouvement; tu prieras Dieu, mon fils, de protéger ton malheureux père. Ah! ne le prie que pour toi ; que mon idée ne vienne pas t'attendrir, affaiblir peut-être ce mâle courage que j'admire sans l'imiter. O mon enfant! oui, je ne puis me montrer aussi grand que toi. Soutiens, soutiens cette fermeté dont je voudrais te donner l'exemple. Oui, demeure ainsi, mon enfant, te voilà comme je te veux.... Comme je te veux! malheureux que je suis !...Écoute.... Détourne la tête... Tu ne sais pas, tu ne peux prévoir l'effet que produira sur toi cette pointe, ce fer brillant dirigé contre ton front. Détourne la tête, mon fils, et ne me regarde pas."" "—"Non, non," lui répond l'enfant, "ne craignez rien, je veux vous regarder, je ne verrai point la flèche, je ne verrai que mon père."-"Ah! mon cher fils," s'écrie Tell,

M

« PrécédentContinuer »