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excommuniés.” "Vive Philippe! vive le roi Auguste!" s'écrie toute l'armée; "qu'il règne, et que la couronne lui reste à jamais! nous la lui conserverons aux dépens de nos vies." Le roi prend alors son casque, monte à cheval et vole à la tête de l'armée. Les prêtres entonnent les psaumes, les trompettes sonnent, et la charge commence.

L'ordre de bataille des confédérés était de porter tous leurs efforts contre la personne du roi, persuadés que, lui tué ou fait prisonnier, leurs projets n'éprouveraient ni obstacles, ni retardement. Ainsi trois escadrons d'élite devaient l'attaquer directement, pendant que, de chaque côté, un autre de même force tiendrait en échec ceux qui voudraient venir à son secours.

L'Empereur commandait ces trois escadrons; il marchait précédé d'un chariot qui portait l'aigle d'or sur un pal2 de même métal. Othon fond impétueusement sur la troupe royale. Le choc est soutenu avec fermeté; mais le nombre l'emporte. Philippe est renversé, et foulé aux pieds des chevaux. En vain le chevalier qui portait l'étendard auprès de lui, le haussait et le baissait pour avertir du danger où se trouvait le roi, et appeler du secours; serrés de trop près eux-mêmes par les escadrons qu'on leur avait opposés, les plus voisins du roi se soutenaient à peine, loin de pouvoir courir à son aide. Cependant ils font un effort commun, repoussent les assaillants, et attaquent à leur tour: Philippe est remonté; il tombe comme la foudre sur ses ennemis, le chariot impérial est renversé, l'aigle enlevée. Othon, trois fois démonté, saisi au corps par un chevalier français, et délivré par les siens, prend un des premiers la fuite. Les comtes de Flandre et de Boulogne, qui avaient le plus grand intérêt à ne pas tomber entre les mains du roi, entretinrent longtemps le combat, mais furent enfin faits prisonniers et présentés au roi. Après de durs reproches, il les fit charger de fers. Renaud fut enfermé dans un noir cachot, attaché à une grosse chaîne, qui lui permettait à peine d'en parcourir l'espace; et Ferrand fut traîné à la suite du roi pour servir à son triomphe.

ANQUETIL.

ANQUETIL (Louis-Pierre),

Littérateur et historien distingué; né à Paris en 1723, et mort en 1808. Entr'autres ouvrages historiques ceux qui ont le plus contribué à sa réputation sont le Précis d'histoire universelle et l'Histoire de France depuis les Gaulois jusqu'à la mort de Louis XVI.

LES VÊPRES SICILIENNES.

Les Français étaient maîtres de Palerme, capitale de la Sicile. Charles, comte d'Anjou, frère de Louis IX, avait été, en 1263, investi du royaume de Naples et de Sicile. Les Siciliens, irrités de sa cruauté et des vexations qu'ils éprouvaient de la part des Français, se soulevèrent spontanément, et en firent un massacre général.

Le lendemain de Pâques, lundi 30 mars 1282, les Palermitains, selon leur usage, se mirent en route pour entendre vêpres à l'église de Mont-Réal, à trois milles de leur ville. C'était leur promenade ordinaire les jours de fête, et les hommes et les femmes couvraient le chemin qui conduit à cette église. Les Français établis à Palerme, et le vicaire royal lui-même, prenaient part à la fête et à la procession. Celui-ci cependant avait fait publier qu'il défendait aux Siciliens de porter des armes pour s'exercer à les manier, selon l'ancien usage, dans ces jours consacrés au repos. Les Palermitains étaient dispersés dans la prairie, cueillant des fleurs, et saluant par leurs cris de joie le retour du printemps, lorsqu'une jeune vierge, non moins distinguée par sa beauté que par sa naissance, s'acheminait vers le temple, accompagnée de l'époux auquel elle était promise, de ses parents et de ses frères. Un Français, nommé Drouet, s'avança insolemment vers elle; et, sous prétexte de s'assurer si elle ne portait pas des armes cachées sous ses habits, il la fouilla de la manière la plus indécente. La jeune femme tomba évanouie entre les bras de son époux ; mais un cri de fureur s'élevait autour d'elle: "Qu'ils meurent qu'ils meurent, les Français !" Et Drouet, percé de sa propre épée, fut la première victime de la rage populaire. De tous les Français qui assistaient à la fête, pas un seul

n'échappa; quoique les Siciliens fussent encore désarmés, ils en égorgèrent deux cents dans la campagne, tandis que les cloches de l'église de Montréal sonnaient le service des vêpres. Les Palermitains rentrèrent dans la ville, répétant toujours le même cri: "Qu'ils meurent, les Français !" Et ils recommencèrent le carnage. Hommes, femmes, enfants, tout ce qui appartenait à cette nation détestée, fut mis à mort. Quatre mille personnes périrent dans cette première nuit.....Les habitants de Bicaro, et ensuite ceux de Corileone, se joignirent à ceux de Palerme, en scellant leur alliance du sang des Français qu'ils trouvèrent chez eux, tandis que ceux de Catalasino, gouvernés par le respectable Guillaume des Porcelets, qui n'avait pas méconnu l'humanité ou la justice, renvoyèrent avec honneur, de l'autre côté du phare, cet homme vertueux et toute sa famille.

SIMONDE DE SISMONDI. Histoire des républiques italiennes du moyen-âge,

SISMONDI (Jean-Charles-Léonard SIMONDE DE),

Auteur vivant; né à Genève en 1773. Parmi ses ouvrages, on distingue les Nouveaux éléments d'économie politique, l'Histoire des républiques italiennes, et l'Histoire des Français, travail précieux où l'auteur présente une peinture fidèle et vraie des mœurs, des idées, des sentiments du peuple français, se manifestant par ses actes. Cette manière toute nouvelle de traiter l'histoire servira de modèle aux écrivains du siècle et de l'avenir.

JEANNE DE MONTFORT.

La guerre s'étant déclarée en Bretagne, sous Philippe VI LA de Valoisa, entre le comte de Montfort et Charles de Blois, le roi d'Angleterre fit passer des troupes au comte de Montfort, et le roi de France envoya le duc de Normandie soutenir la cause de son neveu. Le comte de Montfort fut fait prisonnier dans cette guerre sanglante, et laissa à sa femme le commandement de ses troupes et le soin de le venger. Alors tout le poids de la guerre tomba sur elle. Elle se retira dans Hennebon1. Le comte de Blois mit le siége

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devant cette place, persuadé que s'il parvenait à s'en emparer, la guerre serait bientôt terminée. Ce but et cette espérance donnaient une grande activité à ses efforts. La comtesse les repoussait avec la même ardeur. Elle avait accoutumé les femmes et les filles à être intrépides comme elle, à panser les blessés, et à porter des rafraîchissements aux combattants jusque sur la brèche.

À la bravoure du soldat, l'héroïne joignait le coup d'œil du capitaine. Un jour, pendant un assaut, elle remarque qu'une partie de ceux qui étaient préposés à la garde du camp ennemi l'ont abandonné, ou par curiosité, ou pour se joindre aux assaillants. Elle prend trois cents cavaliers, se met à leur tête, sort par une porte opposée à l'attaque, fond sur le camp, renverse tout, et y met le feu. Les clameurs de ceux qui sont surpris, leur fuite et les flammes qui s'élèvent, rappellent les troupes de l'assaut, et le font cesser. Après ce succès, elle reprend le chemin de la ville; mais elle est coupée par un corps supérieur. Sans se déconcerter, elle ordonne à sa troupe de se débander, et marque la réunion dans une ville voisine: quelques jours après, avec ses compagnons d'armes et d'autres qui s'y joignent, elle se présente devant les retranchements des assiégeants, les force, et est reçue en triomphe dans Hennebon. Le renfort qu'elle amène et sa présence renouvellent le courage des assiégés; mais aussi ils sont attaqués avec plus d'ardeur. Des machines plus fortes que celles qu'on avait employées jusqu'alors ébranlent les murailles; elles vont s'écrouler, les brèches s'élargissent, les habitants s'intimident. Cédant à la crainte d'être emportés d'assaut, ils demandent à capituler. La comtesse de Montfort remontre en vain qu'elle attend à chaque instant du secours: le peuple ne voit que le danger présent. Les assiégeants accordaient des conditions avantageuses; elles allaient être signées. Jeanne, livrée à la plus vive inquiétude, craignait, espérait, comptait tous les moments. Dans son impatience, elle monte sur la tour la plus élevée, regarde, aperçoit des vaisseaux dans le lointain. Elle descend précipitamment, s'écriant: "Voilà le secours, enfants! nous sommes sauvés!" Elle court au port, reçoit

les Anglais, fait une sortie avec eux, renverse les travaux, brûle les machines; les assiégeants se retirent en désordre, et Hennebon est délivré.

ANQUETIL. Histoire de France. (Voyez la page 288.)

3 Philippe VI de Valois monta sur le trône en 1328, à la mort de son cousin Charles-le-Bel. Il mourut en 1350. C'est sous son règne, en 1346, que les Français perdirent la bataille de Crécy, dans laquelle périrent, selon quelques historiens, 30,000 hommes, et où, pour la première fois, les Anglais, commandés par Edouard III, firent usage de l'artillerie, ce qui leur assura la victoire.

b Hennebon, petite ville de Bretagne, dans le département du Morbihan.

BATAILLE D'AZINCOURT ET SES RÉSULTATS EN FAVEUR DE HENRI V, ROI D'ANGLETERRE.

Henri V, né en 1388, monta sur le trône d'Angleterre en 1413. C'était le temps où la démence de Charles VI, roi de France, livrait ce pays aux déchirements de deux factions rivales: les Bourguignons et les Armagnacs; les premiers dévoués au duc de Bourgogne, Jean-sans-Peur, et les autres au duc d'Orléans, ayant pour chef le connétable d'Armagnac. Le duc d'Orléans, frère de Charles VI et amant de la reine, fut assassiné par la faction des Bourguignons. Henri, voulant profiter de cette situation des choses sur le continent, traverse la Manche avec une armée formidable, et gagne la bataille d'Azincourt le 25 octobre 1415.

HENRI V, prince rempli de prudence et de courage, négocie et arme à la fois. Il descend en Normandie avec une armée de près de cinquante mille hommes; il prend Honfleur, et s'avance dans un pays désolé par les factions; mais une dyssenterie contagieuse fait périr les trois quarts de son armée. Cette grande invasion réunit cependant contre l'Anglais tous les partis: le Bourguignon même, quoiqu'il traitât déjà secrètement avec le roi d'Angleterre, envoie cinq cents hommes d'armes et quelques arbalétriers au secours de sa patrie; toute la noblesse monte à cheval: les communes marchent sous leurs bannières. D'Albret, connétable de France, se trouva bien

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