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que toute l'armée avait passé ce fleuve à la nage, en présence d'une armée retranchée, et malgré l'artillerie d'une forteresse imprenable, appelée le Tholus. Il était très-vrai que rien n'était plus important pour les ennemis que ce passage, et que, s'ils avaient eu un corps de bonnes troupes à l'autre bord, l'entreprise eût été très-périlleuse.

a

VOLTAIRE. Siècle de Louis XIV. (Voyez la page 177.)

Henrique Martinet, ingénieur mexicain du XVIIe siècle.

b Paul Pellisson-Fontanier, de l'Académie française, né à Beziers en 1624, mort en 1693.

REGNE DE LOUIS XIV.

D'où viennent tant d'étranges opinions sur le règne de Louis XIV, le plus beau de la monarchie, et qui égale, s'il ne surpasse pas les plus beaux âges de l'esprit humain? c'est toujours de la même cause. Après les troubles d'une orageuse minorité, Louis enfin est roi, et il ne cessera plus de l'être jusqu'au tombeau. Quelle suite de merveilles présente son règne! Pour le bien de ses peuples, il perfectionne les lois; règle les principales branches de l'administration publique par des ordonnances qu'on admire encore; fait fleurir les sciences, les lettres et les arts; étend le commerce; maintient en tous lieux la justice, l'ordre et la paix ; c'est sous ce règne que brillent ce que la France compte d'orateurs, de poètes, de savants, de philosophes, de magistrats, de capitaines, de pontifes les plus illustres.

Louis ajoute six provinces à son royaume, couvre ses frontières de places fortes, établit son petit-fils sur le trône d'Espagne, soutient dans sa vieillesse, avec une magnanimité rare, les efforts de l'Europe conjurée. Par ce prince, la gloire du nom français est portée jusqu'aux extrémités du monde, et la France exerce sur l'Europe une espèce de suprématie d'esprit et de talent, qui, après un siècle et tant de désastres, se fait sentir encore. Quel règne! quels titres à l'admiration publique! Ils n'ont pas été méconnus ces

titres par des hommes dont l'hommage n'est pas suspect, mais qui avaient eux-mêmes trop de talent pour insulter au siècle du génie; je veux parler de Montesquieu, de Voltaire et de Frédéric. Mais aujourd'hui, que fait un esprit préoccupé de nos idées modernes ? il fait un crime à Louis XIV de n'avoir pas régné d'après des formes et des vues qui n'étaient pas celles de son temps. Quelques écarts de politique, quelques erreurs d'ambition, des fautes personnelles qu'il a eu le courage de se reprocher luimême, voilà ce que l'on considère uniquement, et ce qui donne lieu aux plus violentes déclamations. Eh! il n'est pas de simple particulier qui, dans la conduite de ses affaires domestiques, ne fasse quelque faute, et l'on voudrait qu'il n'y eût pas une seule tache dans un règne de soixante ans de gloire et de prospérité! Où est ici l'équité? et que peuvent au reste contre lui les clameurs de la médiocrité ? Les vains détracteurs passent, et la gloire reste. Louis a donné son nom à son siècle pour jamais, et la postérité ne cessera de dire: LE SIÈCLE DE LOUIS XIV, comme, après deux mille ans, elle dit encore: LE SIÈCLE D'AUGUSTE. L'ABBÉ DE FRAYSSINOUS.

FRAYSSINOUS (Denis, comte de),

Né en 1765. Evêque d'Hermopolis, membre de l'Académie française; avant la révolution de 1830, pair de France, ministre des affaires ecclésiastiques et de l'instruction publique; aujourd'hui, resté dévoué à la famille déchue de Charles X, il occupe auprès d'elle d'honorables fonctions.

a La Flandre, la Franche-Comté, l'Alsace, conquises par Louis XIV; l'Artois, le Roussillon, par Louis XIII, mais réunis à la couronne par Louis XIV; le Nivernais, qui y fut aussi réuni par l'extinction de la féodalité.

b Charles II (frère cadet de Marie-Thérèse, voyez la page 314) roi d'Espagne, n'ayant pas d'héritier direct, reconnut, par testament, pour successeur Philippe, duc d'Anjou, second fils du Dauphin fils de Louis XIV.

LE SIÈCLE DE LOUIS XIV.

VEUILLEZ donc, messieurs, embrasser par la pensée cette période historique, qui s'étend depuis la mort de Mazarin jusqu'à celle de Louis XIV. Réunissez, dans cet espace, tant d'actions glorieuses, tant de succès mémorables, des États envahis, des provinces conquises et gardées, des flottes victorieuses, de grands monuments fondés, et, malgré de funestes revers, un descendant de Louis XIV, placé sur un trône étranger. Voyez cette foule de généraux habiles, d'hommes d'État, d'hommes de génie, qui se succèdent sans interruption, pendant un demi-siècle, pour ne manquer jamais au choix du souverain. Condé avait défendu l'enfance de Louis XIV: Villars et Vendôme soutiennent sa vieillesse. Bossuet et Fénelon élèvent ses fils et les enfants de ses fils. Pendant une longue prospérité, il est grand de la gloire de ses sujets; et, quand la fortune l'abandonne, quand ses appuis se brisent, quand sa race est près de s'éteindre, il montre une âme héroïque, porte avec fermeté le poids de l'empire et des revers, et meurt le dernier des hommes illustres de son règne, comme pour annoncer que le grand siècle était achevé.

Certes, messieurs, ce tableau n'est pas sans ombres; cette gloire ne fut pas sans mélange et sans erreurs. Louis XIV a recueilli plus qu'il n'a fait peut-être. Le génie de notre nation fermentait depuis plusieurs siècles, au milieu des restes de la barbarie, et du chaos de la guerre civile. Il était mûr pour enfanter de grandes choses; et toutes les forces du courage, de l'intelligence et du talent semblaient, par un mystérieux accord, éclater à la fois. Mais cette active fécondité de la nature fut réglée, pour ainsi dire, par la fortune et les regards d'un hommed. L'ordre et la majesté se montrèrent en même temps que la vigueur et la richesse; et le souverain parut avoir créé toutes les grandeurs qu'il mettait à leur place. L'enthousiasme s'accrut par cette illusion; et l'idolâtrie des cours devint, pour la première fois, l'inspiration du génie.

Qu'elles sont brillantes, en effet, ces vingt premières années du gouvernement de Louis XIV! Un roi plein d'ardeur et d'espérance saisit lui-même ce sceptre qui, depuis Henri-le-Grand, n'avait été soutenu que par des favoris et des ministres. Son âme, que l'on croyait subjuguée par la mollesse et les plaisirs, se déploie, s'affermit et s'éclaire, à mesure qu'il a besoin de régner. Il se montre vaillant, laborieux, ami de la justice et de la gloire : quelque chose de généreux se mêle aux premiers calculs de sa politique. Il envoie des Français défendre la chrétienté contre les Turcs, en Allemagne et dans l'île de Crète; il est protecteur avant d'être conquérant; et, lorsque l'ambition l'entraîne à la guerre, ses armes heureuses et rapides paraissent justes à la France éblouie. La pompe des fêtes se mêle aux travaux de la guerre; les jeux du Carrousel, aux assauts de Valenciennes et de Lille. Cette altière noblesse, qui fournissait des chefs aux factions, et que Richelieu ne savait dompter que par les échafauds, est séduite par les paroles de Louis, et récompensée par les périls qu'il lui accorde à ses côtés. La Flandre est conquise; l'Océan et la Méditerranée sont réunise; de vastes ports sont creusés; une enceinte de forteresses environne la France; les colonnades du Louvre s'élèvent; les jardins de Versailles se dessinent; l'industrie des Pays-Bas et de la Hollande se voit surpassée par les ateliers nouveaux de la France; une émulation de travail, d'éclat, de grandeur, est partout répandue; un langage sublime et nouveau célèbre toutes ces merveilles, et les agrandit pour l'avenir. Les épîtres de Boileau sont datées des conquêtes de Louis XIV; Racine porte sur la scène les faiblesses et l'élégance de la cour; Molière doit à la puissance du trône la liberté de son génie; La Fontaine lui-même s'aperçoit des grandes actions du jeune roi, et devient flatteur pour le louer. VILLEMAIN.

VILLEMAIN (Abel-François),

Né à Paris en 1791; auteur vivant; pair de France, vice-président du Conseil royal de l'instruction publique, membre de l'Aca

démie française, et professeur d'éloquence à la faculté des lettres. Principaux ouvrages: Histoire de Cromwell; Lascaris, tableau brillant et animé de l'introduction des arts et des sciences en Italie. Le Cours de littérature française de M. Villemain venge noblement notre littérature du moyen âge de l'oubli dédaigneux où l'avaient laissée les siècles classiques qui la suivirent.

a C'est-à-dire de 1661 à 1715.

b L'Espagne. Voyez la note 1, page 318.

• L'auteur veut dire que Louis XIV a recueilli une gloire qui était plutôt l'ouvrage des grands hommes de son siècle que le sien propre. d "Louis de ses regards récompensait leurs veilles :

Un coup d'œil de Louis enfantait des Corneilles." DELILLE. e Par le canal du Languedoc.

LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

L'HISTOIRE de la révolution française commence en Europe l'ère des sociétés nouvelles, comme la révolution d'Angleterre a commencé l'ère des gouvernements nouveaux. Cette révolution n'a pas seulement modifié le pouvoir politique, elle a changé toute l'existence intérieure de la nation. Les formes de la société du moyen âge existaient encore. Le sol était divisé en provinces ennemies, les hommes étaient distribués en classes rivales. La noblesse avait perdu tous ses pouvoirs, quoiqu'elle eût conservé ses distinctions; le peuple ne possédait aucuns droits, la royauté n'avait pas de limites, et la France était livrée à la confusion de l'arbitraire ministériel, des régimes particuliers et des priviléges des corps. À cet ordre abusif, la Révolution en a substitué un plus conforme à la justice et plus approprié à nos temps. Elle a remplacé l'arbitraire par la loi, le privilége par l'égalité; elle a délivré les hommes des distinctions des classes, le sol des barrières des provinces, l'industrie des entraves des corporations et des jurandes, l'agriculture des sujétions féodales et de l'oppression des dîmes, la propriété des gênes des substitutions;

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