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devant lequel ils sont obligés de passer à cinq pas, en fait une effroyable boucherie: tout le reste périt ou se noie. Mourad-Bey n'emmène dans sa retraite que deux mille cinq cents Mameluks sauvés comme lui du carnage. Le camp des ennemis enlevé à la baïonnette, les cinquante pièces de canon qui le défendaient, quatre cents chameaux, les vivres, les trésors, les bagages de cette noble milice d'esclaves, l'élite de la cavalerie de l'Orient, et la possession du Caire, furent les trophées de la victoire d'Embabeh. Bonaparte, qui connaissait toute la puissance des anciens souvenirs, et aspirait sans cesse à semer sa vie de glorieuses comparaisons avec les grandes choses, voulut donner à cette brillante journée le nom de bataille des Pyramides.

DE NORVINS.

NORVINS (Jacques, MARQUET de MONTBRETON de),

Né à Paris en 1769. Auteur vivant. Nous avons de cet écrivain plusieurs ouvrages historiques d'un grand mérite. Le plus important est l'Histoire de Napoléon.

a

Village de la Basse-Egypte, sur la rive gauche du Nil.

b Les Fellahs sont les indigènes ou cultivateurs égyptiens.

ca Desaix, Vial, Dugua, Reynier, &c., célèbres généraux français. e Gizeh, ville de la Moyenne-Egypte, sur la rive gauche du Nil, un peu au dessus du Caire.

PASSAGE DES ALPES PAR BONAPARTE.

Le 16 mai 1800 Bonaparte, à la tête d'une armée de 50,000 hommes, passe le grand Saint-Bernard. Ce passage s'opère en six jours malgré les plus grands obstacles.

POUR frapper les grands coups qu'il prépare, Napoléon a les Hautes-Alpes à franchir; et le grand Saint-Bernard, qui de tous les points de la vaste chaîne lui livrerait de plus près le cœur de l'Italie, est aussi celui où la nature a semblé réunir le plus de difficultés insurmontables pour défendre ses forteresses contre les conquérants. Il est inaccessible à une armée....On l'a cru jusqu'à ce jour; les

soldats français le croient encore. Les têtes de colonne, en se rencontrant à Martigny, s'arrêtent, étonnées, aux pieds de ces gigantesques boulevards. Comment pousser plus avant dans ces gorges, qui semblent murées par ces abîmes sans fond! Il faudrait longer les précipices effroyables, gravir les glaciers immenses, surmonter les neiges éternelles, vaincre l'éblouissement, le froid, la lassitude; vivre dans cet autre désert, plus aride, plus sauvage, plus désolant que celui de l'Arabie, et trouver des passages au travers de ces rocs entassés jusqu'à dix mille pieds audessus du niveau des mers. Il y a bien entre les escarpements et les abîmes, suspendu sur les torrents, dominé par les crêtes d'où roulent à flots les neiges homicides, et taillé dans les anfractuosités de la roche vive, un sentier qui monte pendant plusieurs lieues, raide, inégal, étroit jusqu'à n'avoir parfois que deux pieds à peine, tournant à angles si aigus, qu'on marche droit au gouffre, et glissant, chargé de frimas, perdu, d'intervalle en intervalle, sous les avalanches. Chemin si terrible, qu'il a fallu préposer de charitables cénobites à la garde de cette rampe meurtrière, afin d'enhardir le voyageur isolé par la promesse de lui donner un chien pour guide, un fanal pour secours, un hospice pour repos et une prière pour aide ou pour funéraille. Là passera aussi une armée: Bonaparte l'a dit; il a marqué du doigt la route. Martigny et Saint-Pierre sont encombrés d'apprêts qui attestent aux soldats que leur chef a pensé à tout. Aux mulets rassemblés de toute la Suisse ont été ajoutés les traîneaux, les brancards, tous les moyens de transport que le génie de l'administration française ou les habitudes de la contrée ont pu fournir. Pendant trois jours l'armée démonte ses canons, ses forges de campagne, ses caissons. Marmont et Gassendi placent leurs bouches à feu dans des troncs d'arbres creusés, les cartouches dans des caisses légères, les affûts, les provisions, les magasins sur des traîneaux faits à la hâte ou sur ceux du pays; puis, le 17 mai, tout s'élance; les soldats montent, au cri de Vive le premier consul! à l'assaut des Alpes; la musique des corps marche en tête de chaque

régiment. Quand le glacier est trop escarpé, le pas trop périlleux, le labeur trop rude, même pour ces fanatiques de gloire et de patrie, les tambours battent la charge, et les retranchements de l'Italie sont emportés. C'est ainsi que la colonne s'étend, monte, s'attache aux crêtes des Alpes, les étreint de ses anneaux mouvants. C'est un seul corps qui n'a qu'une pensée, qu'une âme; une même ardeur, une même joie court dans les rangs; les mêmes chants apprennent aux échos de ces monts la présence, la gaité, la victoire de nos soldats: la victoire! car voilà le sommet atteint, le drapeau tricolore arboré, le grand SaintBernard vaincu!......Le premier consul a promis par pièce 1000 francs aux soldats qui se sont dévoués à cette tâche : tous refusent; ils n'acceptent pour récompense que les périls et l'Italie. SALVANDY.

SALVANDY (Narcisse-Achille de),

Né en 1796. Auteur vivant. Conseiller d'Etat, et membre de la chambre des députés de France. Nous avons de cet écrivain : Alonzo ou l'Espagne, histoire contemporaine; Islaor ou le Barde chrétien, nouvelle gauloise; et d'autres ouvrages d'un mérite distingué.

LA BATAILLE DE MONTEREAU.

UNE partie de l'armée des Alliés occupait les environs de Montereau, et se préparait à marcher sur la capitale. Le maréchal de Bellune, à la tête de 3000 hommes, s'était égaré en poursuivant 25,000 Russes, et Napoléon, presque sans secours, écrasa avec son artillerie un corps considérable de Wurtembergeois et de Russes (le 18 Février 1814).

CEPENDANT Napoléon balaie l'ennemi, comme l'ouragan la poussière, le dépasse, et, se retournant aussitôt, le refoule sur Montereau, où Bellune et ses trois mille hommes doivent l'attendre. Cette cavalerie qui hennit, c'est la sienne; ces canons qui tonnent, ce sont les siens; cet homme qui, au milieu de la poudre, du bruit et du feu, apparaît aux premiers rangs des vainqueurs, chassant

vingt-cinq mille Russes avec sa cravache1, c'est lui, c'est Napoléon.

Russes et Wurtembergeois se sont reconnus : les fuyards s'adossent à un corps d'armée de troupes fraîches. Ой Napoléon croit trouver trois mille Français, et prendre les Russes entre deux feux, il rencontre dix mille ennemis et heurte un mur de baïonnettes; de la hauteur de Surville, où devait flotter le drapeau tricolore, dix-huit pièces de canon s'apprêtent à le foudroyer.

La garde reçoit l'ordre d'enlever le plateau de Surville; elle s'élance au pas de course; après la troisième décharge, les artilleurs wurtembergeois sont tués sur leurs pièces : le plateau est à nous.

Cependant les canons, que l'ennemi a eu le temps d'enclouer, ne peuvent pas servir. On traîne à bras l'artillerie de la garde; Napoléon la dirige, la place, la pointe; la montagne s'allume comme un volcan; la mitraille enlève des rangs entiers de Wurtembergeois et de Russes; les boulets ennemis répondent, sifflent et ricochent sur le plateau; Napoléon est au milieu d'un ouragan de fer. On veut le forcer de se retirer:-"Laissez, laissez, mes amis," dit-il en se cramponnant à un affût; "le boulet qui doit me tuer n'est pas encore fondu." En sentant la poudre de si près, l'empereur a disparu; le lieutenant d'artillerie s'est remis à l'oeuvre: "Allons, Bonaparte, sauve Napoléon."

Protégées par le feu de cette redoutable artillerie, dont l'œil de Napoléon semble conduire chaque boulet, diriger chaque coup de la mitraille, les gardes nationales bretonnes s'emparent à la baïonnette du faubourg de Melun, tandis que du côté de Fossard le général Pajol pénètre avec sa cavalerie jusqu'à l'entrée du pont; là, ils trouvent Russes et Wurtembergeois tellement entassés, que ce ne sont plus les baïonnettes ennemies, mais les corps mêmes des hommes qui les empêchent d'avancer; il faut se faire avec le sabre un chemin dans cette foule, comme avec la hache dans une forêt trop pressée. Alors Napoléon ramène tout le feu de son artillerie sur un seul point;

ses boulets enfilent la longue ligne du pont; chacun d'eux enlève des rangs entiers d'hommes dans cette masse qu'ils labourent comme la charrue un champ; et cependant l'ennemi se trouve encore trop pressé, il étouffe entre les parapets; le pont déborde: en un instant la Seine et l'Yonne sont couvertes d'hommes et rouges de sang.

Cette boucherie dura quatre heures.

"Et maintenant," dit Napoléon lassé en s'asseyant sur l'affût d'un canon, "je suis plus près de Vienne, qu'ils ne le sont de Paris."

Puis il laissa tomber sa tête entre ses mains, resta dix minutes absorbé dans la pensée de ses anciennes victoires et dans l'espérance de ses victoires nouvelles.

Quand il releva le front, il avait devant lui un aide-decamp qui venait lui annoncer que Soissons, cette poterne de Paris, s'était ouverte, et que les ennemis n'étaient plus qu'à dix lieues de sa capitale.

Il écouta ces nouvelles comme choses que, depuis deux ans, l'impéritie ou la trahison de ses généraux l'avait habitué à entendre: pas un muscle de son visage ne bougea, et nul de ceux qui l'entouraient ne put dire qu'il avait surpris une trace d'émotion sur la figure de ce joueur sublime qui venait de perdre le monde.

Il fit signe qu'on lui amenât son cheval; puis, indiquant du doigt la route de Fontainebleau, il ne dit que ces seules paroles :-" Allons, messieurs, en route."-Et cet homme de fer partit impassible, comme si toute fatigue devait s'émousser sur son corps, et toute douleur sur son âme.

ALEXANDRE DUMAS.

DUMAS (Alexandre),

Né en 1803. Auteur vivant. Parmi ses pièces de théâtre, on remarque Henri III et sa cour; Christine; La tour de Nesle, &c. Les ouvrages historiques de cet écrivain, Gaule et France, Isabeau de Bavière, &c., jouissent d'une réputation brillante et méritée.

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