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nérait dans les provinces en langage romaïque ou grec moderne; 2o. la langue slave, d'où dérivent le russe, le polonais, le bohémien, &c., encore informes dans le moyen âge; 3°. la langue teutonique, d'où viennent l'allemand, le flamand, l'anglais, le danois, le suédois, l'islandais; 4o. la langue romane rustique, corrompue du latin, qui fut longtemps commune à tous les peuples de l'Europe latine; c'est de là que sont nés le provençal (langue d'oc), le français (langue d'oil), l'italien (langue de si), le castillan, le portugais, le valaque.

Le roman provençal eut ses troubadours, et le roman français ses trouvères. La poésie naquit au onzième siècle, dans le midi de la France, d'où le goût s'en répandit dans les provinces du Nord. Les troubadours imaginèrent la chanson, la ballade, le sonnet, la pastourelle, &c.; les trouvères, le conte ou nouvelle, le poème allégorique, le fabliau, le lay d'amour, &c.a

a Voyez les extraits de la poésie des Troubadours dans la partie poétique faisant suite au Répertoire.

Langue romane.

Henri I que la
Alors on com-

CE ne fut guère que sous le règne de langue romane prit une nouvelle forme. mença à se servir des articles, et à donner aux mots une terminaison différente du latin. Peu à peu notre langue eut ses inflexions; mais ce ne fut que par des progressions presque insensibles qu'elle parvint à ce que nous appelons du français. Elle s'était déjà bien fortifiée sous Philippe Auguste; c'est pendant son règne qu'on vit paraître les premiers poètes de la nation, les troubadours, et les premiers contes de chevalerie, composés pour l'amusement des croisés. Cependant elle devint plus régulière sous St. Louis ; et Alain Chartier, l'un des plus savants hommes du 15° siècle, en avança singulièrement les progrès, sous le règne de Charles VII. Enfin sous François I et Henri II la langue changea presque de face. Les auteurs de ce temps-là l'enrichirent extrêmement. Mais la langue n'est parvenue au point où elle est aujourd'hui, que sous le règne de Louis

XIV. C'est encore sous le règne de ce prince que la poésie, qui avait reçu de Malherbe son harmonie et sa régularité, parvint au degré où elle fut portée, et produisit des chefsd'œuvres dans presque tous les genres.

PROGRÈS DE LA LANGUE FRANÇAISE.

POUR développer les progrès de la langue française, nous en offrons des extraits à différentes époques.

Les deux morceaux suivants peuvent être considérés comme les premiers monuments de la langue.

NEUVIÈME SIÈCLE.

Serment de Louis, roi de Germanie, en roman, adressé aux seigneurs français et sujets de Charles-le-Chauve,

Pro Deo amur, et pro christian poblo, et nostro commun salvament, d'ist di in avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai jeo cist meon fradre Karlo, et in adjudha et in cadhuna cosa si com om per dreit son fradre salvar dist. Et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai qui meon vol cist meon fradre Karle in damno sit.

Traduction.

Pour l'amour de Dieu et du peuple chrétien, et pour notre commune sûreté, dorénavant, autant que Dieu me donnera de savoir, et de pouvoir, je défendrai ce mien frère Charles, lui donnant aide et secours dans chaque chose, comme un homme par droit doit défendre son frère. je ne ferai aucun traité avec Lothaire qui puisse être préjudiciable à mon frère Charles.

Et

Serment des seigneurs français et sujets de Charles-le-Chauve2. Si Lodhuigs sagrament que son fradre Karlo jurat, conservat, et Karlus meos sendra, de suo part non lo stanit, si jo returnar non lint pois, ne jo, ne neuls cui eo returnar int pois, in nulla adjudha contrà Loduwig nun li iver.

Traduction.

Si Louis observe le serment que son frère Charles lui jure, et que Charles mon seigneur, de son côté, ne le tienne

point, et que je ne puisse détourner Charles de cette violation, ni moi ni aucuns, ne serons en aide à Charles contre Louis.

a Deux des petit-fils de Charlemagne, après la mort de ce grand homme, se réunirent pour lutter contre l'ambitieux Lothaire, qui fut vaincu à Fontenay, le 25 juin 841. Malgré cette victoire, Charles-le-Chauve et Louis-le-Germanique, toujours en péril, renouvelèrent leur alliance à Strasbourg. Il est à remarquer que les deux princes cherchèrent à intéresser le peuple en parlant, non la langue des clercs, mais les idiomes usités en Gaule et en Germanie.

Ce serment fut prêté le 16 des calendes de mars 842. Louisle-Germanique jura en langue romane ou française; Charles-leChauve en langue germanique.

DIXIÈME SIÈCLE.

Extrait d'une traduction du symbole de saint Athanase. Kikumkes vult salf estre devant totes choses besoing est qu'il tienget la comune foi.

ONZIÈME SIÈCLE.

Extrait des quatre livres des Rois.

Ce morceau est tiré d'un manuscrit de la Bibliothèque Royale de Paris. Et li reis cumendad a Joab ki esteit maistre cunestable de la chevalerie le rei, que il alast par tutes les lignées de Israel dès Dan jesque Bersabée e anumbrast le pople.2 SAMUEL, chap. xxiv. v. 2.

DOUZIÈME SIÈCLE.

Extrait de L'explication du Pater, par MAURICE de Sully, évêque de Paris, mort en 1196.

En trestotes les paroles et les orisons qui furent onques establies ne dites en terre, si est li plus sainte et li plus haute la Patre nostre, &c.

TREIZIÈME SIÈCLE.

Extrait des Chroniques de Saint-Denis, attribuées à Suger, abbé de Saint-Denis. L'époque de la traduction suivante est fixée à

l'an 1274.

Mort de Brunehault, femme de Sigebert, roi d'Austrasie. Li rois (Clotaire II) se torna vers les barons et leur dist: "Seignor, noble Prince de France, mi compagnon, et mi

chevaliers, jugiez par quel mort et par quex tormenz doit morir fame, qui tant de dolours a faites?"

a Elle vécut en même temps que Frédégonde, mère de Clotaire II: leurs horribles querelles ont ensanglanté toute une époque de notre histoire.

QUATORZIÈME SIÈCLE.

Extrait des Chroniques de FROISSART, historien célèbre, mort en

1401.

Reddition de la ville de Calais (1347), assiégée par Edouard III, roi d'Angleterre, après la bataille de Crécy. (Voyez la notea, page 291.)

Eustache de Saint-Pierre et puis les aultres se dévêtirent en leurs braies et leurs chemises, en la ville de Calais, et mirent hars en leur col, ainsi que l'ordonnance le portoit, et prirent les clefs de la ville et du châtel, &c.

QUINZIÈME SIÈCLE.

Extrait de l'Histoire de Louis XI (voyez la page 296), par PHILIPPE DE COMINES, mort en 1509.

Il est vray que le roy nostre maistre avoit fait de rigoureuses prisons, comme cages de fer, et autres de bois, couvertes de plaques de fer par le dehors et par le dedans, avec terribles ferrures de quelques huict pieds de large, et de la hauteur d'un homme, et un pied plus. Le premier qui les devisa, fut l'évesque de Verdun, qui en la première qui fut faite, fut mis incontinent, et a couché quatorze

ans.

SEIZIÈME SIÈCLE.

Extrait des Essais de MONTAIGNE (voyez la note c, page 157). L'aucteur au lecteur: C'est icy un livre de bonne foy. Ie l'ay voué à la commodité particuliere de mes parents et amis à ce que m'ayants perdu (ce qu'ils ont à faire bientost), ils y puissent retrouver quelques traicts de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entiere et plus vifve la cognoissance qu'ils ont euë de moy.

Au dix-septième siècle la langue parvint à ce dégré de pureté, d'élégance et d'harmonie dont elle est redevable à la plume de Corneille, de Racine, de Pascal (voyez la page 182), de Bossuet (page 185), de Fénelon, &c.

SCÈNES DRAMATIQUES.

FRAGMENTS DES COMÉDIES DE MOLIÈRE.

Scènes tirées de l'AVARE.

HARPAGON, homme riche et très-avare; LA FLÈCHE, valet de CLEANTE, fils d'HARPAGON.

HARP. Hors d'ici tout à l'heure, et qu'on ne réplique pas. Allons, que l'on détale de chez moi1, maître juré filou, vrai gibier de potence 2.

La Flèche, [à part.] Je n'ai jamais rien vu de si méchant que ce maudit vieillard ; et je pense, sauf correction3, qu'il a le diable au corps.

Harp. Tu murmures entre tes dents!

La Flèche. Pourquoi me chassez-vous ?

Harp. C'est bien à toi, pendard, à me demander des raisons! Sors vite, que je ne t'assomme1.

La Flèche. Qu'est-ce que je vous ai fait ?

Harp. Tu m'as fait, que je veux que tu sortes.

La Flèche. Mon maître, votre fils, m'a donné ordre de l'attendre.

Harp. Va-t'en l'attendre dans la rue, et ne sois point dans ma maison planté tout droit comme un piquet, à observer ce qui se passe, et faire ton profit de tout. Je ne veux point voir sans cesse devant moi un espion de mes affaires, un traître dont les yeux maudits assiégent toutes mes actions, dévorent ce que je possède, et furètent de tous côtés pour voir s'il n'y a rien à voler.

La Flèche. Comment diantre voulez-vous qu'on fasse pour vous voler? Êtes-vous un homme volable, quand vous renfermez toutes choses, et faites sentinelle jour et nuit?

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