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sante, un lugubre squelette! Voilà ce qui reste d'une vaste domination, un souvenir obscur et vain! Au concours bruyant qui se pressait sous ces portiques, a succédé une solitude de mort. Le silence des tombeaux s'est substitué au murmure des places publiques. L'opulence d'une cité de commerce s'est changée en une pauvreté hideuse. Les palais des rois sont devenus le repaire des fauves 38; les troupeaux parquent au seuil des temples, et les reptiles immondes habitent le sanctuaire des dieux!... Ah! comment s'est éclipsée tant de gloire!... Comment se sont anéantis tant de travaux ! ... Ainsi donc périssent les ouvrages des hommes! Ainsi s'évanouissent les empires et les nations!

Et l'histoire des temps passés se retraçait vivement à ma pensée ; je me rappelais ces siècles anciens où vingt peuples fameux existaient en ces contrées; je me peignis l'Assyrien sur les rives du Tigre, le Chaldéen sur celles de l'Euphrate, le Perse régnant de l'Indus à la Méditerranée. Je dénombrai les royaumes de Damas et de l'Idumée, de Jérusalem et de Samarie, et les États belliqueux des Philistins, et les républiques commerçantes de la Phénicie. Cette Syrie, me disais-je, aujourd'hui presque dépeuplée, comptait alors cent villes puissantes. Ses campagnes étaient couvertes de villages, de bourgs et de hameaux. De toutes parts l'on ne voyait que champs cultivés, que chemins fréquentés, qu'habitations pressées. . . . Oh! que sont devenus ces âges d'abondance et de vie? que sont devenues tant de brillantes créations de la main de l'homme? Où sont-ils ces ramparts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Persépolis, ces temples de Balbeck et de Jérusalem? Où sont ces flottes de Tyr, ces chantiers d'Aradh, ces ateliers de Sidon, et cette multitude de matelots, de pilotes, de marchands, de soldats? et ces laboureurs, et ces moissons, et ces troupeaux, et toute cette création d'êtres vivants dont s'enorgueillissait la face de la terre? Hélas! je l'ai parcourue, cette terre ravagée! j'ai visité les lieux qui furent le théâtre de tant de splendeur; et je n'ai vu qu'abandon et que solitude... . J'ai cherché les anciens peuples et leurs ouvrages, et je n'en

ai vu que la trace semblable à celle que le pied du passant laisse sur la poussière. Les temples se sont écroulés, les palais sont renversés, les ports sont comblés, les villes sont détruites, et la terre, nue d'habitants, n'est plus qu'un lieu désolé de sépulcres. . . . . D'où viennent de si funestes révolutions? Par quels motifs la fortune de ces contrées a-t-elle si fort changé? Pourquoi tant de villes se sontelles détruites? Pourquoi cette ancienne population ne s'est-elle pas reproduite et perpétuée ?

...

Réfléchissant que telle avait été jadis l'activité des lieux que je contemplais; qui sait, me dis-je, si tel ne sera pas un jour l'abandon de nos propres contrées? Qui sait si sur les rives de la Seine, de la Tamise, ou du Swiderzée, là où maintenant, dans le tourbillon de tant de jouissances, le cœur et les yeux ne peuvent suffire à la multitude des sensations; qui sait si un voyageur comme moi ne s'assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre des peuples et la mémoire de leur grandeur? VOLNEY.

VOLNEY (Constantin-François, CHASSEBŒUF, Comte de), Pair de France, membre de l'Académie française, né en 1757 en Bretagne, et mort en 1820. L'étude de l'histoire et des langues orientales fut, jusqu'à sa mort, son occupation constante.

a Voyez la description de cette ville par Fénelon, page 19.

b C'est-à-dire la soie, originaire du pays montueux où se termine la grande muraille, pays qui paraît avoir été le berceau de l'empire chinois, connue des Latins sous le nom de Regio Serarum, Serica.

Cachemire. Ville et province de l'Indostan. On appelle cachemires, les châles faits dans cette province, ou qui en ont la façon. d Lydie. Royaume de l'Asie Mineure.

e Ophir, en Asie, près du Golfe Persique.

f Thulé. Les anciens nommaient ainsi une île qu'ils regardaient comme l'extrémité septentrionale du monde: Ultima Thule, dit Virgile. On croit que c'est l'Islande.

Fauve, adjectif, ne s'emploie substantivement que pour désigner la couleur: le pelage du cerf change du fauve au blanc.

h Arad, ville dans une île du même nom; fondée par les exilés de Sidon, une des plus anciennes villes du monde.

LES RUINES DE POMPÉIA.

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À ROME, l'on ne trouve guère que les débris des monuments publics, et ces monuments ne retracent que l'histoire politique des siècles écoulés; mais à Pompéia, c'est la vie privée des anciens qui s'offre à vous telle qu'elle était. Le volcan qui a couvert cette ville de cendres, l'a préservée des outrages du temps. Jamais des édifices exposés à l'air ne se seraient ainsi maintenus, et ce souvenir enfoui1 s'est retrouvé tout entier. Les peintures, les bronzes, étaient encore dans leur beauté première, et tout ce qui peut servir aux usages domestiques, est conservé d'une manière effrayante. Les amphores sont encore préparées pour le festin du jour suivant; la farine qui allait être pétrie3, est encore là; les restes d'une femme sont encore ornés des parures qu'elle portait dans le jour de fête que le volcan a troublé, et ses bras desséchés ne remplissent plus le bracelet de pierreries qui les entoure encore. On ne peut voir nulle part une image aussi frappante de l'interruption subite de la vie. Le sillon des roues est visiblement marqué sur les pavés dans les rues, et les pierres qui bordent les puits, portent la trace des cordes qui les ont creusées peu à peu. On voit encore sur les murs d'un corps-de-garde les caractères mal-formés, les figures grossièrement esquissées, que les soldats traçaient pour passer le temps, tandis que ce temps avançait pour les engloutir.

Quand on se place au milieu du carrefour des rues, d'où l'on voit de tous les côtés la ville, qui subsiste encore presque en entier, il semble qu'on attende quelqu'un, que le maître soit prêt à venir; et l'apparence même de vie qu'offre ce séjour fait sentir plus tristement son éternel silence. C'est avec des morceaux de lave pétrifiée que sont bâties la plupart de ces maisons qui ont été ensevelies par d'autres laves. Ainsi, ruines sur ruines, et tombeaux sur tombeaux! Cette histoire du monde, où les époques se comptent de débris en débris, cette vie humaine, dont la trace se suit à la lueur des volcans qui l'ont consumée, remplissent le cœur d'une profonde mélancolie. Qu'il y a

longtemps que l'homme existe! Qu'il y a longtemps qu'il vit, qu'il souffre, et qu'il périt! Où peut-on retrouver ses sentiments et ses pensées? L'air qu'on respire dans ces ruines en est-il encore empreint, ou sont-elles pour jamais déposées dans le ciel, où règne l'immortalité? Quelques feuilles brûlées des manuscrits qui ont été trouvés à Herculanum et à Pompéia, et que l'on essaie de dérouler à Portici, sont tout ce qui nous reste pour interpréter les malheureuses victimes que le volcan, la foudre de la terre, a dévorées. Mais en passant près de ces cendres, que l'art parvient à ranimer, on tremble de respirer, de peur qu'un souffle n'enlève cette poussière, où de nobles idées sont peut-être encore empreintes.

MADAME DE STAËL. Corinne, ou l'Italie.

STAEL-HOLSTEIN (Anne-Louise-Germaine-Necker, baronne de), "Née à Paris en 1766, morte en 1818. Madame de Staël, fille de Necker, ministre des finances sous Louis XVI., est une des plus illustres renommées de notre époque; le 19e siècle l'a placée à côté de Châteaubriand, et la considère comme le premier apôtre des nouvelles doctrines littéraires et philosophiques. Nous lui devons Corinne, célèbre roman plein de charme et d'intérêt, et son bel ouvrage sur l'Allemagne. Ce dernier, le plus important de tous, a puissamment contribué à faire naître en France une ère nouvelle pour les arts, la littérature et la philosophie.

“Parmi ses autres productions, on remarque ses Considérations sur les principaux évènements de la révolution française, et un livre intitulé: De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales.

"Son style, qui réunit l'élégance et la force, est en rapport avec l'énergie des pensées et avec l'enthousiasme qui les caractérise très-souvent." BONIFACE.

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L'éruption du Vésuve qui engloutit les villes de Pompéia et d'Herculanum eut lieu dans la 79e année de l'ère chrétienne.

THÉORIE DE L'AURORE.

Les rayons qui se plient pour s'approcher de nous passent au-dessus de nos têtes avant de nous atteindre; ils se

UNE TEMPÊTE DANS LES MERS DE L'INDE.

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réfléchissent sur les particules grossières de l'air pour former d'abord une faible lueur, incessamment augmentée, qui annonce et devient bientôt le jour. Cette lueur est l'aurore. La lumière décomposée peint les nuages, et forme ces couleurs brillantes qui précèdent le lever du soleil: c'est dans ce phénomène coloré de la réfraction que les poètes ont vu la déesse du matin: elle ouvre les portes du jour avec ses doigts de rose, et la fille de l'air et du soleil a son trône dans l'atmosphère. Si cette atmosphère n'existait pas, si les rayons nous parvenaient1 en ligne droite, l'apparition et la disparition du soleil seraient instantanées; le grand éclat du jour succéderait à la profonde nuit, et des ténèbres épaisses prendraient tout à coup la place du plus beau jour. La réfraction est donc utile à la terre, nonseulement parce qu'elle nous fait jouir quelques moments de plus de la présence du soleil, mais parce qu'en nous donnant les crépuscules, elle prolonge la durée de la lumière; et la nature a établi des gradations pour préparer nos plaisirs, pour diminuer nos regrets. Nous voyons poindre le jour comme une faible espérance; il s'échappe sans qu'on y songe, et la lumière se perd comme nos forces, comme la santé, les plaisirs, la vie même, sans que nous nous en apercevions. BAILLY. Astronomie moderne.

BAILLY (Jean-Silvain), maire de Paris,

Né à Paris en 1736, mort en 1793; célèbre par le rôle qu'il a rempli dans la révolution française. On a de lui plusieurs ouvrages scientifiques très-estimés.

UNE TEMPÊTE DANS LES MERS DE L'INDE.

QUAND nous eûmes doublé le cap de Bonne-Espérance, et que nous vîmes l'entrée du canal de Mozambique, le 23 de juin, vers le solstice d'été, nous fûmes assaillis par un vent épouvantable du sud. Le ciel était serein, on n'y voyait que quelques petits nuages cuivrés, semblables à des vapeurs rousses, qui le traversaient avec plus de vitesse que

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