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merveilleuse que leur science. Comme ils ne connaissent à fonds que l'harmonie des plus petits objets, celle des grands doit leur échapper. Ils ignorent, sans doute, qu'il y a des hommes, et parmi les hommes, des savants qui connaissent tout, qui expliquent tout; qui, passagers comme eux, s'élancent 32 dans un infini en grand où ils ne peuvent atteindre; tandis qu'eux, à la faveur de leur petitesse, en connaissent un autre dans les dernières divisions de la matière et du temps. Parmi ces êtres éphémères, se doivent voir des jeunesses d'un matin, et des décrépitudes d'un jour. S'ils ont des histoires, ils ont des mois, des années, des siècles, des époques proportionnées à la durée d'une fleur. Ils ont une autre chronologie que la nôtre, comme ils ont une autre hydraulique et une autre optique. Ainsi, à mesure que l'homme s'approche des éléments de la nature, les principes de sa science s'évanouissent.

DE SAINT-PIERRE. Etudes de la nature. (Voyez la page 54.)

a Chatoyant, dont la couleur varie comme les yeux d'un chat.

b Du grec παρéуxvμa (paregchuma), effusion. Le parenchyme est un tissu cellulaire, tendre et spongieux, qui, dans les feuilles et les tiges, remplit les intervalles entre les plus fines ramifications.

c Du latin glandula (glande), partie spongieuse du corps, destinée à filtrer les humeurs. En botanique, on appelle glandes de petits mamelons qui se trouvent sur diverses parties des plantes.

d Physicien hollandais (1710).

e Du grec ȧvenpòs (anthéros), fleuri: on appelle anthère le sommet des étamines d'une fleur.

f Du grec kopávŋ (koróné), couronne: la corolle est la partie la plus apparente des fleurs, c'est l'enveloppe immédiate des étamines et du pistil.

• Nectaire, réservoir faisant partie de la corolle, organe qui dissille une humeur visqueuse dont les abeilles font leur miel.

MERVEILLES DE LA NATURE, MÊME DANS LES PLUS

PETITS OBJETS.

PRENEZ une loupe1, et voyez la nature redoubler, pour ainsi dire, de soins à mesure que ses ouvrages diminuent de

volume. Voyez l'or, la pourpre, l'azur, la nacre et tous les émaux dont elle embellit quelquefois la cuirasse du plus vil insecte. Voyez le réseau chatoyant dont elle tapisse3 l'aile du ciron1. Voyez cette multitude d'yeux, ce diadème clairvoyant dont elle s'est plu à ceindre la tête de la mouche. Il semble à qui contemple la création sous tous ses rapports, que la délicatesse essaie partout de l'emporter sur la magnificence. L'œil de la baleine ou de l'éléphant présente à l'examen des détails que leur petitesse dérobe à l'œil de l'observateur; et ces détails ne sont pas, à beaucoup près, les derniers où le travail s'arrête; et ces mêmes parties, et celles dont elles se composent, se retrouvent dans la rétine6a, dans la cornée7b du moucheron, que dis-je? de l'animalcule dont, avant les inventions de l'optique, on n'avait pas soupçonné l'existence !

À mesure que le microscope s'est perfectionné, on a vu la vie poindre de toutes parts. Les moindres atomes sont devenus des mondes habités, et les moindres gouttes de liqueur, des mers poissonneuses, et tous ces êtres imprévus ont des organes dont les moindres pièces sont à leurs masses totales dans les mêmes proportions que chez les animaux gigantesques: car enfin ils ont leurs besoins, leurs intérêts, leur instinct, leurs mœurs, leurs amours, leurs guerres; ils s'agitent, ils se nourrissent, ils se conservent, ils se reproduisent. C'est un monde aussi réel que le nôtre, aussi ancien que le nôtre; un monde qui a peut-être au-dessous de lui d'autres mondes qui lui sont ce qu'il est pour nous.

Oserez-vous croire, après cela, que la nature néglige quelque chose? Non, elle est la même en tout; et un tourbillon d'atomes confusément agités au gré du moindre souffle, n'est pas plus indifférent pour la puissance qui les régit, que tout un tourbillon solaire; un grain de poussière est pesé aussi rigoureusement dans le devis de la création, que l'astre qui roule dans les cieux; il presse, il cède, il résiste, il influe sur tout ce qui l'entoure; il exerce, en raison de sa masse, tous les attributs qui appartiennent à la masse totale de la matière; la nature ne l'abandonnera

pas plus au hasard que le globe de Jupiter ou de Saturne. En effet, supposez-le ce grain, de plus ou de moins dans la somme totale des choses, tout s'en ressent, tout est changé, et l'univers cesse d'être ce qu'il est. BOUFFLERS.

a

BOUFFLERS (le marquis de),

De l'Académie française, né en 1737, mort en 1815.

Rétine, sorte de lacis, formé dans le fond de l'œil par les filets du nerf optique, et sur lequel se peignent les objets.

b La cornée est la tunique externe et la plus épaisse de l'œil.

LES DÉSERTS DE L'ARABIE-PETREEa.

Qu'on se figure un pays sans verdure et sans eau, un soleil brûlant, un ciel toujours sec, des plaines sablonneuses, des montagnes encore plus arides, sur lesquelles l'œil s'étend, et le regard se perd, sans pouvoir s'arrêter sur aucun objet vivant; une terre morte, et pour ainsi dire écorchée par les vents, laquelle ne présente que des ossements, des cailloux jonchés1, des rochers debout ou renversés, un désert entièrement découvert2 où le voyageur n'a jamais respiré sous l'ombrage, où rien ne l'accompagne, rien ne lui rappelle la nature vivante: solitude absolue, mille fois plus affreuse que celle des forêts; car les arbres sont encore des êtres pour l'homme qui se voit seul plus isolé, plus dénué3, plus perdu dans ces lieux vides et sans bornes: il voit partout l'espace comme son tombeau; la lumière du jour, plus triste que l'ombre de la nuit, ne renaît que pour éclairer sa nudité, son impuissance, et pour lui présenter l'horreur de sa situation, en reculant à ses yeux les barrières du vide, en étendant autour de lui l'abîme de l'immensité qui le sépare de la terre habitée; immensité qu'il tenterait en vain de parcourir; car la faim, la soif et la chaleur brûlante pressent tous les instants qui lui restent entre le désespoir et la mort.

BUFFON. (Voyez la page 61.)

a Pétrée, du grec πéτра (pétra), pierre.

MOYEN DE CONNAÎTRE LES GRANDS EFFETS DES
VARIÉTÉS DE LA NATURE.

Ce n'est point en se promenant dans nos campagnes cultivées, ni même en parcourant toutes les terres du domaine de l'homme, que l'on peut connaître les grands effets des variétés de la nature; c'est en se transportant des sables brûlants de la zône torride aux glacières des pôles; c'est en descendant du sommet des montagnes au fond des mers; c'est en comparant les déserts avec les déserts que nous la jugerons mieux, et l'admirerons davantage. En effet, sous le point de vue de ses sublimes contrastes, et des majestueuses oppositions, elle paraît plus grande en se montrant telle qu'elle est. Nous avons ci-devant peint les déserts arides de l'Arabie-Pétrée; ces solitudes nues où l'homme n'a jamais respiré sous l'ombrage, où la terre, sans verdure, n'offre aucune subsistance aux animaux, aux oiseaux, aux insectes, où tout paraît mort, parce que rien ne peut naître1, et que l'élément nécessaire au developpement des germes de tout être vivant ou végétant, loin d'arroser la terre par des ruisseaux d'eau vive, ou de la pénétrer par des pluies fécondes, ne peut même l'humecter d'une simple rosée.

Opposons ce tableau d'une sécheresse absolue dans une terre trop ancienne, à celui des vastes plaines de fange, des savanes noyées du nouveau continent; nous y verrons par excès ce que l'autre n'offrait que par défaut2; des fleuves d'une largeur immense, tels que l'Amazone, la Plata, l'Orénoque, roulant à grands flots leurs vagues écumantes, et se débordant en toute liberté, semblent menacer la terre d'un envahissement, et faire effort pour l'occuper tout entière. Des eaux stagnantes et répandues près et loin de leur cours, couvrent le limon vaseux3 qu'elles ont déposé; et ces vastes marécages, exhalant leurs vapeurs en brouillards fétides, communiqueraient à l'air l'infection de la terre, si bientôt elles ne retombaient en pluies précipitées par les orages, ou dispersées par les vents. Et ces plages, alternativement sèches et noyées, où la terre et l'eau semblent se disputer

des possessions illimitées, et ces broussailles de mangles', jetées sur les confins indécis de ces deux éléments, ne sont peuplées que d'animaux immondes qui pullulent dans ces repaires, cloaques de la nature, où tout retrace l'image des déjections monstrueuses de l'antique limon.

11

Les énormes serpents tracent de larges sillons sur cette terre bourbeuse; les crocodiles, les crapauds, les lézards, et mille autres reptiles à larges pattes, en pétrissent 9 la fange ; des millions d'insectes enflés par la chaleur humide en soulèvent la vase 1o, et tout ce peuple impur rampant sur le limon ou bourdonnant dans l'air qu'il obscurcit encore, toute cette vermine dont fourmille la terre, attire de nombreuses cohortes d'oiseaux ravisseurs dont les cris confondus, multipliés, et mêlés aux coassements des reptiles, en troublant le silence de ces affreux déserts, semblent ajouter la crainte à l'horreur, pour en écarter l'homme et en interdire l'entrée aux autres êtres sensibles; terres d'ailleurs impraticables, encore informes 12, et qui ne serviraient qu'à lui rappeler l'idée de ces temps voisins du13 premier chaos où les éléments n'étaient pas séparés, où la terre et l'eau ne faisaient qu'une masse commune, et où les espèces vivantes n'avaient pas encore trouvé leur place dans les différents districts de la nature.

BUFFON. (Voyez la page 61.)

LE CHIEN.

Le chien, indépendamment de la beauté de sa forme, de la vivacité, de la force, de la légèreté, a par excellence toutes les qualités intérieures qui peuvent lui attirer les regards de l'homme. Un naturel ardent, colère, même féroce et sanguinaire, rend le chien sauvage redoutable à tous les animaux, et cède, dans le chien domestique, aux sentiments les plus doux, au plaisir de s'attacher, et au désir de plaire. Il vient, en rampant, mettre aux pieds de son maître, son courage, sa force, ses talents; il attend ses ordres pour en faire usage; il le consulte, il l'interroge, il le supplie: un coup d'œil suffit, il entend les signes de sa

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