Images de page
PDF
ePub

ment et l'historien, se vit nommé, malgré lui, à l'évêché de Trévise, en 1437, par le pape Eugène IV 1.

[ocr errors]

Un des religieux les plus distingués de cette congrégation, fut le bienheureux Nicolas de Prusse, dont la vie a été écrite par un de ses disciples et de ses confidents, Julien de Gênes. Il naquit en Prusse, de parents bien catholiques, qui le firent instruire dans les lettres, mais l'instruisirent encore mieux dans la piété et la vertu. Parvenu de l'adolescence à la jeunesse, il cherchait comment il pourrait le mieux plaire au Seigneur. Il forma le dessein de quitter sa famille, d'aller en Italie, et de s'attacher à quelque prélat de la cour romaine; car, dit son biographe, tous ceux des Allemands qui n'ont pas été à cette cour ont des prélats de l'Eglise une grande opinion de sainteté. Il était dans une hôtellerie, non loin de l'Italie, lorsque se présenta tout d'un coup une dame vénérable, qui lui demanda qui il était et où il allait. Il répondit modestement: Je suis serviteur d'un certain maître, et je vais à Rome. - Bon jeune homme, lui dit la dame, prenez garde à vous; car de cet endroit à tel autre, le chemin est rempli de voleurs, qui non-seulement dépouillent les passants, mais les tuent: c'est pourquoi je suis venue vous en prévenir. Nicolas rendit grâces à la dame, qui aussitôt disparut de ses yeux. En y réfléchissant, il soupçonna que c'était la sainte Vierge Marie ou la sainte martyre Dorothée, pour laquelle il avait une grande dévotion et à laquelle il s'était beaucoup recommandée en quittant la maison paternelle.

Ayant poursuivi sa route par un autre chemin, il vint à Pise, où était le souverain Pontife et les autres prélats. Leurs mœurs, qu'il étudia de près, n'ayant pas répondu à la haute opinion qu'il s'en était faite, il en fut très-affligé et ne savait à quoi se résoudre. Il pria Dieu de l'éclairer, et résolut de se faire moine. Amené par la Providence à Padoue, il entendit parler et fut témoin par lui-même de la régularité et de la ferveur des moines de Sainte-Justine. Il demanda, obtint d'y être reçu, et fut un modèle de perfection religieuse. Il avait un attraît spécial pour la contemplation, et fut favorisé de bien des grâces extraordinaires..

Devenu sacristain, il remplit cet office avec une dévotion et une révérence souveraines. Comme presque tout ce qu'il y avait à faire concernait l'honneur de Dieu et la passion de notre Rédempteur, dans la méditation de laquelle il se plaisait extrêmement, son esprit n'était point détourné de sa dévotion; au contraire, chaque jour il

Bernard Pez. Thesaurus anecdotorum novissimus, t. 2, pars 3, p. 269

et seqq.

devenait plus fervent dans l'amour de Jésus-Christ. Un jour, on venait de chanter la messe après tierce : l'homme de Dieu, suivant sa coutume, allait couvrir le grand autel : comme il faisait la génuflexion, tout d'un coup notre Seigneur Jésus-Christ lui apparaît en la même forme qu'il conversait avec ses disciples, et lui dit : Suivez-moi. L'autre le suivit, transporté de ferveur, jusque derrière l'autel, où il s'arrêta en extase à le contempler. On chantait sexte. Un noble Vénitien, alors prieur de Saint-Benoit près de Mantoue, se trouvait par hasard au choeur. Ne voyant pas revenir le bienheureux Nicolas, il alla derrière l'autel, l'y vit à genoux, immobile, et attendit l'issue de l'événement. Il eut beau le questionner ensuite, il n'en tira jamais d'autre réponse, sinon qu'il était un pécheur, un homme imparfait et indigne d'aucune vision divine. Ce ne fut que sur son lit de mort qu'il fit connaître cette merveilleuse apparition, ainsi que d'autres, à son biographe.

Après quatre ans de profession, il fut envoyé à Saint-Nicolas-deBousquet, près de Gênes, où il demeura trente-quatre ans, et fut maître des novices. Entre ceux qu'il reçut, il y en eut un de qui la conversion est assez extraordinaire. Un jeune Lombard fut incarcéré pour crime et condamné à mort. Désespéré de la sentence, il invoque le diable, et lui dit : Si tu me délivres de cette prison, je serai à toi pour jamais. Et de fait, le diable venu; il renie le Christ, renonce au baptême, et se donne à lui pour toujours. Aussitôt le diable le transporte par la fenêtre. Se trouvant en un lieu secret, le malheureux se met à réfléchir à ce qu'il vient de faire. Misérable que je suis! j'ai renié mon Seigneur, pour éviter momentanément la mort temporelle. Mais si on me retrouve, je subirai l'une et l'autre mort, et celle du temps et celle de l'éternité. Que ferai-je? quel parti prendre? Il résolut de s'abandonner à la miséricorde divine, et vint à Saint-Nicolas-de-Bousquet, où il supplia avec larmes de le recevoir. Les pères, considérant que rien n'est impossible à Dieu, y consentirent et le confièrent à ce bienheureux Nicolas de Prusse, qui lui apprit à bien espérer de la miséricorde divine, et à pratiquer toutes les vertus d'un bon religieux : ce que le jeune homme faisait avec une dévotion merveilleuse. Mais le démon, furieux de voir échapper sa proie, l'attaquait jour et nuit par des tentations innombrables, et souvent visibles. Un jour que les frères travaillaient à la boulangerie, il le saisit pour le jeter dans le four. Le bienheureux Nicolas l'arracha du péril, en invoquant le nom de Jésus. Comme ces tentatives réitérées du malin esprit troublaient le repos du monastère, les pères convinrent d'en informer discrètement le magitrat de la ville d'où le jeune homme s'était

échappé de prison. Le magistrat, qui était un bon catholique, fut extrêmement surpris de la chose, et dit aux pères d'amener le jeune homme sans rien craindre. Ils lui lièrent donc les mains derrière le dos, sous le manteau, et l'amenèrent devant le magistrat, pour qu'il y confessât Jésus-Christ qu'il avait renié en prison. Cela fait, lenovicé fut délivré des assauts du diable, vécut encore plusieurs années, et mourut en bon religieux 1.

Parmi ses disciples, le bienheureux Nicolas de Prusse en avait un, François de Noris, qui n'était pas d'une haute science, mais d'une haute perfection. La peste ayant commencé de sévir à Gênes, cet excellent religieux en fut attaqué et mourut vers le soir. Le lendemain, comme on préparait les obsèques, à la grande surprise de tout le monde, il apparut vivant, et, ayant demandé son confesseur, le bienheureux Nicolas, il lui dit: Mon père, lorsque mon âme fut sortie du corps, je fus conduit devant le tribunal de JésusChrist, et parce que j'ai douté quelque peu que le souverain Pontife pût accorder une indulgence plénière, ce qui m'arrivait, non par malice, mais par une certaine ignorance, le juge me réprimanda, voulant que je retournasse au corps, et qu'ayant reçu l'indulgence plénière par la confession, j'entrasse ensuite entièrement libre dans la patrie céleste. Ce que le Seigneur a peut-être voulu faire connaître, afin d'ôter toute ambiguité du cœur de ceux qui douteraient; car il assurait dans cette sainte assemblée, que, sans aucun doute, le souverain Pontife a le pouvoir d'accorder l'indulgence plénière à ceux qui sont vraiment pénitents et confessés, comme il l'a donnée à l'apôtre saint Pierre. Ayant ainsi parlé et reçu l'absolution, la bienheureuse âme retourna sur l'heure même à Jésus-Chrit. Voilà ce que le bienheureux Nicolas apprit de sa propre bouche à son disciple et biographe, Julien de Gênes, qui, après lui, fut prieur du même monastère 2.

2

Vers l'âge de soixante-dix-sept ans, le bienheureux Nicolas de Prusse, ayant dit la messe un vendredi, conduisit dans sa cellule Julien de Gênes, son disciple et son biographe, et lui dit : Je vais vous dire certaines choses que je n'ai jamais découvertes à personne; mais, parce que la fin de ma vie est proche, pour l'honneur de Dieu et pour votre consolation, j'ai résolu de yous les faire connaître maintenant, la sainte Ecriture m'y exhortant elle-même, quand elle dit: Il est bon de garder le secret du roi, et utile de révéler les merveilles de Dieu. Seulement, je vous en prie, ne les

Vita B. Nicolai de Prussid, cap. 9, t. 2. Bernardi Pez. Ibid.,

cap. 10.

ditès à personne de mon vivant. Sur quoi il se mit à raconter les grâces extraordinaires que Dieu lui avait faites pendant sa vie. II promit de lui dévoiler le reste le jour suivant; mais, le jour même, il fut attaqué de pleurésie, de manière à ne pouvoir plus parler long-temps, et mourut saintement le troisième jour, vingt-trois février 1456, jour auquel il est mentionné comme bienheureux dans quelques martyrologes. Il se fit un grand nombre de miracles par son intercession et par l'attouchement de ses reliques. Son disciple et son biographe en rapporte onze, dont il fut témoin oculaire' 1..

Dans une autre province de la Péninsule italique, en Ombrie, vers le milieu du quatorzième siècle, habitaient deux vertueux époux près de la petite ville de Cascia. Ils étaient avancés en âge, et n'avaient pas d'enfants; mais ils adressèrent à Dieu des prières si ferventes, qu'à la fin il leur naquit une fille qui reçut au baptême le nom de Marguerite, et que l'on s'accoutuma à nommer Rite, par abréviation. Ce fut un enfant de bénédiction, prévenue dès son berceau des grâces et des faveurs du ciel les plus signalées: A douze ans, elle voulut faire le vœu de chasteté; mais ses parents l'en détournèrent, et lui firent contracter un mariage qui fut pour elle une source d'épreuves et de mérites. Le mari qu'elle épousa était un homme d'un caractère féroce, la terreur de tout le voisi- : nage. On juge aisément ce que Rite en eut à souffrir dans les commencements; mais elle employa tant de douceur et de patience pour le convertir et le gagner à Dieu, qu'elle eut la consolation d'en faire à la fin un véritable chrétien. Elle le perdit au bout de dixhuit ans, et vit bientôt mourir les deux fils qu'elle en avait eus. Ces événements, si tristes pour la nature, réveillèrent dans cette sainte femme l'attrait qu'elle avait eu autrefois pour la vie religieuse. Elle sollicita avec beaucoup d'instances la grâce d'être admise chez les Augustines du couvent de Sainte-Marie-Magdeleine à Cascia; et, quoiqu'on n'eût pas l'usage d'y recevoir des veuves, on trouva quelque chose de si extraordinaire et de si frappant dans sa vocation, qu'on dérogea à la règle en sa faveur.

Rite, au comble de ses vœux, s'empressa de vendre tout ce qu'elle possédait et d'en distribuer le prix aux pauvres. Devenue alors l'épouse d'un Dieu crucifié, elle se crucifia aussi par les plus rigoureuses pratiques de la mortification. Les jeûnes, le cilice et la discipline n'avaient rien qui pût l'effrayer. Elle ne mangeait qu'une

1 Bernard Pez. Thesaurus anecdotorum novissimus, t. 2, p. præfat., n. 11..

311-342. Et

fois le jour, et ne prenait que du pain et de l'eau pour toute nourriture. Elle disait que le meilleur moyen de se délivrer des tentations contre la pureté, était de ne pas s'occuper de son corps et de n'avoir pour lui aucune compassion. Son obéissance à ses supérieurs égalait son ardeur pour la pénitence, et pendant assez long-temps, pour obéir à son abbesse, qui voulait éprouver sa vertu, elle alla sans se plaindre arroser chaque jour avec fatigue un morceau de bois sec qui se trouvait dans le jardin du couvent.

[ocr errors]
[ocr errors]

Une âme si mortifiée et si obéissante ne pouvait manquer d'être très-agréable à Dieu, et d'en recevoir de précieuses faveurs. Rite posséda bientôt le don d'oraison, et se livrait sans cesse à ce saint exercice. La passion de notre Seigneur et les tourments qu'il y a soufferts étaient l'objet habituel de sa méditation depuis minuit jusqu'au lever du soleil. Elle s'en occupait avec tant d'attention, qu'elle fondait en larmes et qu'elle paraissait près de succomber à la vivacité de ses douleurs. On rapporte qu'un jour, après avoir entendu un sermon sur les souffrances de Jésus-Christ, prêché par saint Jacques de la Marche, célèbre missionnaire franciscain, Rite s'étant retirée dans sa cellule pour en occuper son esprit, et demandant au Sauveur la grâce de partager ses douleurs, elle sentit les pointes d'une couronne qui lui firent une plaie incurable, de la: quelle sortait un pus d'odeur infecte, et qu'elle eut à supporter le reste de ses jours. Afin de ne pas incommoder ses compagnes par sa présence, elle se tenait à l'écart, vivait solitaire et passait quelquefois quinze jours de suite sans parler à personne, ne s'entretetenant qu'avec Dieu.

Une maladie, qui dura quatre ans, vint achever de purifier la servante de Dieu, par la résignation qu'elle montra au milieu de ses souffrances; elle ne prenait presque aucune nourriture, et ses sœurs, qui en étaient surprises, croyaient que c'était plutôt la sainte eu, charistie que les aliments matériels qui la soutenait. Lorsqu'elle se sentit près de sa fin, elle demanda les derniers sacrements; après ́les avoir reçus, elle exhorta ses sœurs à la fidèle observance de leur règle; puis, ayant mis ses mains en croix, et l'abbesse lui ayant donné sa bénédiction, elle expira tranquillement le vingt-deux mai 1407. Une grande multitude assista à ses obsèques, et bientôt on commença à l'invoquer. Plusieurs miracles ayant prouvé le pouvoir de Rite auprès de Dieu, le pape Urbain VIII la mit au rang des bienheureux le onze octobre 16271..

La Hollande voyait un exemple de sainteté dans une vierge, la

Acta SS., et Godescard, 22 mai.

« PrécédentContinuer »