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tique, je crois qu'avec le temps, le plus efficace auxiliaire pour cette sorte de travaux, il me sera possible d'améliorer cette traduction et de la rendre plus digne de l'approbation des lecteurs. Je me suis borné dans les notes à ce qui m'a paru indispensable; j'ai pensé que le nombreux public auquel s'adresse cette collection, et le Koran en particulier, ne trouverait qu'un intérêt médiocre dans les noms propres et les détails de l'histoire arabe, que les commentaires m'auraient fournis en abondance pour chaque page. C'est dans le même esprit qu'est écrite la notice biographique sur Mahomet, placée en tête du volume. C'est un résumé succinct et chronologique des principaux événements de la vie de Mahomet. Je me propose de donner plus tard, dans un livre séparé, d'après les sources et surtout d'après l'ouvrage Sirat er reçoul (Vie du prophète), qui jouit d'une grande considération en Orient, la vie complète de Mahomet, avec l'examen du Koran, l'appréciation de l'esprit de ce livre et des questions qui s'y rattachent.

Paris, ce 15 juillet 1844.

A de Biberstein Kazimirski.

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SUR MAHOMET.

Mahomet, ou Mohammed, suivant l'orthographe et la prononciation des Orientaux, naquit le 1er avril 579 de Jésus-Christ, à la Mecque, ville du Hedjaz, province de l'Arabie. Il eut pour père Abdallah, fils d'Abdhal Mottalib, et pour mère Amina, fille de Wahib. Il appartenait ainsi doublement à la tribu des Koreïchites, tribu nombreuse et puissante, qui s'était enrichie par le commerce et rendue importante par l'exercice de la souveraineté de la Mecque et la garde du temple de la Kaaba. Elle devait encore son importance à l'antiquité et à l'éclat de son origine. Ismaël, fils d'Abraham, ce représentant du culte unitaire dans la race sémitique, s'était établi à la Mecque et devint le père d'une tribu qui, à une certaine époque, reçut le nom de Koreich. Les historiens musulmans admettent sans contestation la généalogie de Mahomet à travers vingt et une générations jusqu'à Adnan descendant d'Ismaël; à Adnan, la chaîne généalogique offre une lacune qu'on chercherait vainement à remplir. On ajoute que chacun des ancêtres de Mahomet avait empreinte sur sa figure la lumière prophétique transmise en dernier lieu et éteinte dans la personne du fils d'Abdallah. Si nous n'ajoutons pas foi aux récits des miracles qui ont dû accompagner la naissance de Mahomet ou entourer les jours de son enfance, nous ne trouvons rien d'extraordinaire dans sa vie jusqu'à l'époque de son apostolat. Il perdit son père quand il n'avait que deux mois, et sa mère à l'âge de six ans. Son éducation fut d'abord confiée à son grandpère et ensuite à son oncle Abou Taleb. Ce dernier l'emmena avec lui dans son voyage à Bosra, en Syrie, et c'est là, dit-on, que Mahomet, âgé alors de treize ans, fit rencontre d'un moine nestorien, nommé Bahira, qui, devinant les destinées futures du jeune Koreïchite, aurait recommandé à son oncle de veiller sur lui et surtout de le prémunir contre les artifices des Juifs. A son retour en Arabie, Mahomet prit part à la guerre d'El fidjar (violation du mois sacré), que sa tribu soutenait contre celle de BenouHawazin. Cette participation se réduisait cependant à bien peu de chose; bien jeune encore, Mahomet était chargé de ramasser les flèches lancées par les combattants. A l'âge de vingt-quatre ans, il alla deux fois dans İ'Yémen, et fit, l'année suivante, un second voyage en Syrie avec un certain Meïssara, homme d'affaires d'une riche veuve nommée Khadidja. Cette fois encore, il eut occasion de s'aboucher avec quelques moines chrétiens, et ces entretiens pouvaient exercer une grande influence sur son

On n'est pas d'accord sur le jour et l'année de la naissance de Mahomet. Les chiffres varient de 569 à 571 de Jésus-Christ. Ceux qui optent pour l'année 569 se fondent sur l'opinion qui donnait à Mahomet 63 ans à l'époque de sa mort arrivée en 632. On cite l'année de l'éléphant, ainsi appelée de l'expédition d'Abraha contre la Mecque (voy. chap. CV du Koran), comme celle de la naissance du prophète ; mais la date réelle de cet événement se laisse difficilement entrevoir.

esprit. Dans ce voyage, la conduite de Mahomet fut telle, que Khadidja, à son retour de Syrie, lui offrit sa main et sa fortune; Mahomet, âgé de vingt-cinq ans, donna à son épouse, âgée de quarante ans, vingt jeunes chamelles à titre de don nuptial. Cinq ans apres, les Koreïchites étaient occupés à reconstruire le temple de la Kaaba, dévoré par les flammes lorsqu'il fallut poser dans l'un des côtés du temple la pierre noire, objet d'une grande vénération, toutes les divisions de la tribu briguèrent cet honneur; la contestation pouvait dégénérer en querelle : on résolut enfin de s'en remettre à la décision du premier citoyen qui entrerait par la porte du temple. Mahomet qui travaillait, lui aussi, à la réédification du temple, et qui était absent pendant quelques heures, reparaît, est pris pour arbitre, fait mettre la pierre noire sur un manteau dont un membre de chaque tribu doit tenir un bout, et pose la pierre noire de ses propres mains.

Mahomet, qui s'était déjà acquis la réputation d'un homme de bien et le surnom de Emin (loyal, fidèle), se concilia par cette décision l'approbation et l'estime générales; car, tout en mettant d'accord les prétentions de quatre familles, il sut, sans les blesser, se ménager une part honorable dans une circonstance aussi solennelle pour les Koreïchites. A partir de cette époque, l'histoire de Mahomet ne nous enseigne rien sur sa vie jusqu'à la quarantième année de son âge, qui fut celle de sa mission. Dès sa plus tendre enfance, on lui avait toujours connu un goût marqué pour la solitude. Souvent, avec sa famille, il se retirait sur la montagne de Harra, voisine de la Mecque; là, il passait des nuits entières dans la solitude et la méditation. Les souvenirs que lui laissaient ses voyages en Syrie, les entretiens avec les chrétiens et les Juifs disséminés dans toute l'Arabie, le spectacle de leurs disputes religieuses, la dévotion des moines, la vie bruyante et sauvage des Arabes, tout cela n'était sans doute pas étranger aux graves préoccupations de Mahomet. Bientôt sa tête s'exalta, il sentit couler dans ses veines le sang d'Ismaël, fils d'Abraham et conservateur du dogme de l'unité de Dieu : il se crut aussi appelé à briser, comme son aïeul, les idoles de sa nation. Il était âgé de quarante ans. Un jour, absorbé dans ses méditations, il crut entendre une voix qui lui criait : « Lis. Lis, - Et que lirai-je? au nom de Dieu qui a créé l'homme du sang coagulé, qui a enseigné aux hommes l'Écriture, qui leur a appris ce qu'ils ne connaissaient pas. » (Kor., chap. XCVI.) Il fut au milieu de la montagne et entendit une voix : « 0 Mohammed; tu es l'apôtre de Dieu, et moi je suis Gabriel. » Cette voix décide de sa mission prophétique; il raconte sa vision à sa femme qui, à son tour, fait part de cet événement à Warka ben Naufel, son cousin, homme versé dans les Écritures; celui-ci admet la possibilité de la révélation et voit dans Mahomet le Moïse des Arabes '. Khadidja embrasse la

Parmi les personnages qu'on voit autour de Mahomet au commencement de sa carrière, il en est un qui mérite surtout de fixer l'attention, c'est Warka ben Naufel, cousin de Khadidja, qui devait être un homme très-versé dans la connaissance des Écritures. M. de Hammer, dans son ouvrage publié en 1839 sous le titre de Gemäldesaal ( Portraits des principaux personnages de l'islamisine), s'étonne que les biographes européens de Mahomet aient si peu remarqué un homme qui, comme chrétien, comme moine et, qui plus est, comme premier traducteur de la Bible en arabe, devait avoir une grande part dans l'instruction de Mahomet, et par conséquent dans la création du Koran. Nous ne savons pas sur quelles autorités s'appuie M. de Hammer en donnant ce Warka ben Naufel, qui était Koreïchite, pour moine et traducteur de la Bible; mais il suffit de comparer les récits du Koran sur l'histoire des Juifs et de leurs pro

première la nouvelle foi. Après elle, Ali, fils d'Abou Thaleb, Zaid, affranchi de Mahomet, et Abou-Bekr, plus tard calife, sont regardés comme les premiers musulmans. Mais l'influence morale que Mahomet exerce sur ceux qui l'entourent ne peut encore franchir ce cercle restreint, et ce n'est qu'au bout de trois ans, après bien des entretiens et des initiations secrètes, qu'il déclare ouvertement la guerre aux anciennes croyances de ses concitoyens. Les premières prédications de Mahomet lui attirent d'abord des railleries, puis la haine et l'envie qui le poursuivent jusque dans sa famille. Quoique ces mécomptes fussent largement compensés par l'accession de quelques hommes marquants, tels que Hamza et Omar, un grand nombre de prosélytes furent obliges de quitter la Mecque et de fuir jusqu'en Abyssinic les persécutions des idolâtres. Les Koreïchites s'étaient même engagés par un pacte à ne point avoir de rapports avec les Benou-Hachem qui, par les liens du sang, tenaient à Mahomet. Enfin, forcé lui-même d'abandonner sa ville natale, il passa trois ans dans une gorge de montagne avec ses prosélytes les plus zélés. De là, il se transporta à la ville de Taïef pour y chercher des alliés contre les Mecquois,mais il y fut accueilli par des railleries et des insultes; il retourna encore à la Mecque, et trouva les idolâtres plus hostiles que jamais à la nouvelle foi. Après des démarches infructueuses auprès des différentes tribus arabes réunies à la Mecque à l'époque du pèlerinage, il quitta cette ville et passa à Iatrib, ville du Hedjaz, appelée depuis ce temps Médine (Médinet en 'Nabi, ville du prophète), où l'appelaient des amis déjà nombreux et dévoués à sa cause. Cette retraite de la Mecque, opérée à la faveur d'une ruse, par laquelle Mahomet échappa une mort certaine, fut appelée depuis hégire (hidjret, fuite), et commence l'ère des Mahometans. Mahomet se vit dès lors à la tête des Mohadjers (émigrés) sortis de la Mecque, et des Ansars (auxiliaires), citoyens de Iatrib, qui étaient venus à la Mecque pour lui offrir leur assistance. Développant toujours sa doctrine par des additions successives aux versets déjà révélés du Koran, partout, sur son passage, il fondait des oratoires, et s'occupait à organiser ses forces. Dans la seconde année de l'hégire, il ordonna que chaque musulman se choisît un ami et se liât à lui par une fraternité indissoluble; et, pendant que cette institution touchante établissait des liens étroits au sein même du nouveau culte, diverses autres institutions, qui datent de la même année, tendaient à séparer extérieurement les musulmans des populations qui les entouraient. Un événement important signala cette année. Mahomet, sachant qu'une caravane de Koreïchites, forte de neuf cent cinquante hommes, s'approchait de Médine, sortit de la ville, attaqua (le 1er mars 624) les ennemis à Bedr et les battit complétement. Ce premier avantage, obtenu sur les idolâtres, n'était pas sans doute capable de les désarmer, encore moins de les anéantir; mais il inspira aux musulmans la confiance en leurs forces, et fit passer Mahomet des fonctions de simple apôtre à celles de chef militaire. Quand on considère qu'après douze années de prédication, Mahomet, dans ce premier conflit, ne put opposer à l'ennemi que deux cavaliers et une infanterie de trois cent onze hommes, on doit comprendre combien d'obstacles s'oppo

phètes, avec ceux de la Bible, pour se convaincre qu'ils ne viennent pas directement d'un homme versé dans les Écritures, et que ce ne sont que des réminiscences dans lesquelles le faux et l'apocryphe sont presque toujours à côté du vrai et de l'authentique.

a.

saient à la propagation de la nouvelle doctrine, et de quelle importance était le moindre succès. La victoire de Bedr était un succès décisif et fécond; l'aunée suivante nous trouvons Mahomet à la tête de mille hommes, dont sept cents engagèrent le combat contre trois mille Koreïchites. Cette bataille d'Ohad, d'abord à l'avantage de Mahomet, le mit à deux doigts de sa perté : les musulmans, emportés par une avidité aveugle, se jetèrent sur le butin à la première apparence de succès, et leur désordre leur enleva la victoire. Mahomet fut blessé en se mêlant avec courage au rang des combattants. Les expéditions des années suivantes, celle de Radji, du puits de Maouna, et celle contre la puissante tribu des Benou Mostalak, conduites toutes avec succès, réparèrent les pertes essuyées. La sixième année de l'hégire, Mahomet conclut avec les idolâties une trêve pour dix ans, démarche qui eût pu lui aliéner les plus zélés de ses partisans, ceux qui prenaient trop à la lettre les paroles d'anathème lancées contre toute transaction avec les idolâtres. Mahomet profita de cet armistice pour aller assiéger la tribu juive de Khaibar. La prise de cette place, défendue avec opiniâtreté, livra entre ses mains un grand nombre de prisonniers et plusieurs places d'alentour, entre autres Fadak, qui devint propriété de sa famille. Rassuré par ses dernières victoires sur l'avenir de sa mission en Arabie, Mahomet jugea à propos d'en instruire les princes des pays voisins, et dépêcha vers le roi de Perse, l'empereur romain, le roi d'Abyssinie et quelques autres princes idolâtres ou chrétiens, des envoyés porteurs de lettres, dans lesquelles il exhortait tous ces princes à embrasser l'islamisme. Cet appel, reçu diversement, et sans résultat immédiat, n'en contribua moins à étendre la renommée de l'apôtre des Arabes. Il fallait cependant frapper un coup décisif et se rendre maître de la Mecque. La paix conclue avec les Koreïchites semblait reculer ce moment, et les musulmans, admis, sur la foi de cette trêve de dix ans, dans l'enceinte sacrée de la Mecque pour s'acquitter des cérémonies du pèlerinage, n'osèrent ou ne voulurent point être agresseurs. Il arriva cependant que les Koreïchites envoyèrent des secours à la tribu de Benou Bekr, leur alliée, contre celle des Benou Khozaa, alliée de Mahomet. Celui-ci, envisageant cette assistance comme une violation du pacte juré, fit aussitôt des préparatifs nécessaires, et, malgré l'échec éprouvé récemment par les trois mille musulmans dans l'expédition de Moutah contre les Grecs, s'avança à la tête de dix mille hommes des murs de la Mecque. Les Koreïchites ne pouvant opposer aucune résistance sérieuse, la ville tomba au pouvoir des musulmans presque sans coup férir (12 janvier 650 de Jésus-Christ, 8 de l'hégire). Mahomet y entra monté sur une chamelle, et, après avoir fait sept fois le tour de la Kaaba, entra dans le temple où il abattit de sa main les idoles. Le même jour, à midi, un muezzin annonça l'heure de la prière du haut de la Kaaba. Mahomet, ravi d'un succès si éclatant, obtenu sans aucun sacrifice, se montra généreux envers ces mêmes idolâtres qui l'avaient poursuivi de toute leur haine; la proscription qu'il se croyait obligé de prononcer n'atteignit que six hommes et quatre femmes.

pas

Immédiatement après la prise de la Mecque, il envoya plusieurs détachements de cavalerie pour soumettre les tribus d'alentour, et fit, cette année même, une expédition contre trois tribus réunies à Honaïn. Le succès de ce combat, d'abord défavorable aux musulmans qui s'y trouvaient cependant au nombre de douze mille, ne fut dû qu'à la présence d'es

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