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tent d'intensité; elles sont déchirantes. Le poids des couvertures, sur cette région, devient insupportable. Quelquefois cependant elles sont sourdes, obscures; le patient accuse peu de souffrance. Ce calme trompeur, qui pourrait en imposer à un médecin peu expérimenté, s'il est lié à l'état hypothénique général, et surtout à l'altération des traits, à la dépression du pouls, au froid externe, etc., annonce une profonde désorganisation, que les parties ont été profondément cautérisées, que la sensibilité y a été anéantie, et présage une terminaison promptement funeste. Enfin, ces divers symptômes persistent, s'aggravent de plus en plus, et le malade succombe au milieu d'une agitation et d'une anxiété inexprimables, ou d'une prostration extrême, dans l'espace de 12 à 48 heures, et plus rarement de 2 à 6 heures, en conservant l'intégrité parfaite des facultés intellectuelles. Les mouvements restent assez souvent libres. On a vu des malades faire des trajets assez longs à pied, ou s'habiller seuls, dans la première période de l'intoxication (Acid. sulf., observ. II et IV). Quelquefois cependant, ils éprouvent des lassitudes et des crampes dans les membres. MM. Bouchardat et Couriard ont observé une malade, chez laquelle, le deuxième jour de l'intoxication par l'acide sulfurique, et au moment où tout faisait présager une heureuse terminaison, avoir des crampes atroces dans les membres inférieurs, qui ne pouvaient la supporter. La jambe droite devint froide et complétement insensible; on n'y sentait plus la circulation. La malade succomba le troisième jour, sans souffrir. Cette terminaison funeste peut avoir lieu, quoique le poison n'ait pas pénétré dans l'estomac, et que son action se soit bornée à la bouche, au pharynx, ou au larynx, comme dans l'observation d'Arnold. Les malades meurent alors par une véritable asphyxie, résultant de la tuméfaction de ces parties.

La terminaison dans la période des effets primitifs n'est pas toujours aussi promptement et fatalement funeste. Deyeux a vu souvent des ouvriers, ayant pris de l'eau-forte par inadvertance, la rejeter immédiatement, et avant qu'elle n'ait pénétré dans l'estomac, se rétablir promptement. Dans la cli

nique des hôpitaux, on rapporte un cas analogue, d'un enfant auquel on put accorder des aliments dès le second jour, et chez lequel, l'acide s'était répandu sur les bras, les mains, et avait occasionné des brûlures, du gonflement, etc. Le rétablissement peut aussi être complet, quoique l'acide ait pénétré dans l'estomac, soit que cet organe, avant l'ingestion du poison, renfermat beaucoup d'aliments ou de boissons; soit que des vomissements immédiats aient eu lieu; soit enfin que des secours aient été promptement et bien administrés. En ces cas, les organes ne sont que superficiellement cautérisés; aussi la réaction s'opère-t-elle très-promptement. Les symptômes indiqués dans le paragraphe précédent sont beaucoup moins prononcés, ou diminuent peu à peu d'intensité. Le faciès est moins altéré; le pouls se relève peu à peu; le froid externe est moins intense. Le malade se réchauffe promptement; la peau même conserve quelquefois sa chaleur normale. Le cours des excréments, des urines, n'est point suspendu ; il y a même quelquefois diarrhée et élimination par cette voie d'une portion de poison. A ces symptômes s'en ajoutent d'autres qui résultent de l'action cautérisante. Les parties cautérisées se colorent en jaune ou en brun; la muqueuse buccale, pharyngienne, etc., s'exfolient par fragments, par lambeaux plus ou moins volumineux, qui sont rendus par expuition, avec une plus ou moins grande quantité de salive, ordinairement trèsfétide, ou par les vomissements. Les parties dénudées deviennent rouges, tuméfiées et plus sensibles; mais, peu à peu cette sensibilité s'apaise, ainsi que les douleurs épigastriques ; les vomissements sont moins répétés. Les boissons sont d'abord gardées, puis les aliments liquides, et enfin, le rétablissement peut être complet du huitième au douzième jour (Acid. nitriq. observ. II. Acid. sulfuriq., observ. II).

Effets consécutifs ou secondaires. Si les malades survivent aux effets immédiats du poison, et si le rétablissement n'est pas complet, ils continuent à rendre par expuition ou par les vomissements des lambeaux membraneux ou charnus plus ou moins larges, avec des flots de salive écumeuse d'une féti

dité extrême. Dans quelques cas, et du huitième au vingtième jour, les muqueuses œsophagienne et gastrique s'exfolient en masse, et sont rendues avec des efforts plus ou moins grands par l'anus (Acid. nitriq., observ. V.), ou, séparément, par la bouche et l'anus (Acid. sulf., observ. V), ou en tuyaux plus ou moins longs. Les organes gastriques acquièrent alors une nouvelle sensibilité. Les malades crachottent continuellement, éprouvent des frissons irréguliers, des douleurs erratiques vagues, une soif intense, des douleurs profondes, obscures, à la région épigastrique. La constipation, la suspension de la sécrétion urinaire persistent ou s'exécutent à des intervalles très-éloignés; après plusieurs efforts répétés, les malades ne rendent que quelques crotins et quelques gouttes d'urine. Le froid externe est toujours intense. Les efforts de vomissement se calment peu à peu ; mais l'estomac peut à peine conserver les aliments liquides. Enfin les malades tombent dans le marasme le plus complet, deviennent d'une maigreur extrême; la peau est sèche, terreuse, et en quelque sorte collée sur les os. Ils sont impatients, irascibles, à charge à eux-mêmes et à ceux qui les entourent, et succombent dans un affaiblissement extrême, par suite de défaut d'alimentation, dans l'espace de quinze jours, un, deux mois et plus.

Quelquefois cependant, dans le cours de cette longue agonie, les symptômes gastriques disparaissent successivement, les vomissements cessent, des aliments liquides et même solides sont supportés; tout semble faire présager une bonne convalescence; on accorde plus d'aliments; les malades sortent des hôpitaux se croyant en voie complète de guérison; mais, par suite de ces essais ou par quelque imprudence, survient une nouvelle récrudescence, qui devient promptement fatale.

La terminaison, dans cette période de l'intoxication, n'est point toujours aussi funeste; quelques malades, après une amélioration lente et progressive, peuvent se rétablir complétement (acide nitriq., obs. VI), ce qui est plus rare qu'on ne le pense habituellement, parce qu'en général, on perd les malades de vue, une fois qu'ils sont sortis des hôpitaux. D'autres, au

contraire, ne recouvrent qu'une santé incomplète; ils conservent des douleurs vagues, obscures, à la gorge ou à la région épigastrique, de la constipation, des indispositions habituelles, une sensibilité telle de l'estomac, qu'il ne peut supporter que des boissons, des aliments très-doux, un état de malaise continuel; ils mènent enfin une vie de valétudinaire.

Tels sont les symptômes et les divers modes de terminaison de l'intoxication par les acides minéraux. Ces généralités s'appliquent surtout aux acides sulfurique, nitrique, hydrochlorique, phosphorique et même à l'acétique. Quant à l'acide oxalique, il diffère tellement par ses effets et leur promptitude, qu'il n'est guère possible de le comprendre dans ce cadre. Nous n'avons pas besoin de faire remarquer que des circonstances, soit individuelles ou acquises, soit accidentelles, soit relatives aux poisons, peuvent apporter quelques modifications dans l'ordre, la succession, l'intensité des symptômes et dans les résultats toxiques, circonstances sur lesquelles nous reviendrons dans l'histoire de chaque acide.

Les acides donnés comme médicaments, pendant trop longtemps ou à dose trop élevée, troublent la digestion et l'assimilation, produisent des affections chroniques graves de l'estomac, l'amaigrissement, le marasme et même la mort (voyez acide acétique). Appliqués ou répandus à l'extérieur, ils donnent lieu à des accidents plus ou moins graves, qui résultent de leurs effets caustiques. D'après M. Orfila, si l'on cautérise une plaie avec une grande quantité d'acide sulfurique, les animaux meurent au bout d'un temps variable. Les organes internes ne présentent aucune altération.

Quel est le mode d'action des acides? produisent-ils la mort par leur effet local ou par leur effet éloigné, ou par ces deux causes réunies? tel est la question à l'ordre du jour. MM. Orfila, Devergie, Tartra et Christison pensent que c'est par leur effet local ou caustique. Les médecins rasoriens attribuent au contraire l'intoxication aux effets dynamiques ou à l'acide absorbé. M. Bouchardat, d'après les symptômes de l'intoxication et l'analyse du sang, croit que, dans quelques cas,

la mort résulte de la lésion locale, et, dans d'autres, de l'acide absorbé qui agirait en coagulant le sang. Il a trouvé l'acide sulfurique dans le sang coagulé de l'artère crurale chez la femme déjà citée, et Carus, dans le liquide amniotique d'un fœtus, dont la mère s'était empoisonnée par cet acide. Thompson a constaté la réaction acide du sang des animaux intoxiqués par l'acide oxalique. Nous-même, avec notre ami M. Jobert de Dôle, par des expériences comparatives sur le sang d'un lapin, avant, pendant et après l'intoxication, par l'acide sulfurique du commerce, nous croirions pouvoir affirmer que cet acide est absorbé. Nous nous sommes assurés que le sang du lapin intoxiqué n'offrait aucune différence miscroscopique, de celui à l'état normal. Ces analyses nous éclairent fort peu sur la part du poison absorbé dans les effets toxiques, sur les modifications particulières qu'éprouve le sang. N'existeraient-elles même pas, qu'on en devrait admettre l'absorption, parce que toutes les parties du tube intestinal ne sont pas également cautérisées, et que le poison se trouve assez délayé par les liquides de l'esto mac, par les boissons administrées, pour que la fonction absorbante puisse s'exercer.

Altérations pathologiques. Les lésions sont différentes dans la période des effets primitifs et consécutifs. Dans le premier cas, et surtout, lorsque la mort a été prompte, les for mes sont arrondies, la peau et les chairs conservent encore leur aspect ordinaire. Les bords libres des lèvres, les gencives, la muqueuse de la bouche, du pharynx, sont comme brûlées, blanches, grisâtres, et le plus souvent colorées en jaune ou en brun-noirâtre; cette membrane s'en détache par morceaux. De semblables taches s'observent assez souvent sur le menton, les doigts et même les dents qui sont quelquefois vacillantes. Un liquide jaune ou brun s'échappe parfois par la bouche ou le nez. L'œsophage est assez souvent rétréci, resserré, plissé, et comme disposé par colonnes longitudinales; sa muqueuse est réduite en une matière pultacée, brune ou noire, ou s'exfolie par lambeaux. Les membranes externes sont souvent brunes et ecchimosées. L'estomac, s'il n'est point perforé, offre un vo

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