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Quinze jours après le début de la maladie, toute la moitié droite du corps était complétement paralysée et agitée de mouvements convulsifs fréquents, même pendant que la malade était dans son lit. La paralysie, qui s'était établie peu à peu, ainsi que les tremblements, persistèrent pendant six semaines, au bout desquelles, il y eut une amélioration marquée, tant sous ce rapport, que sous celui de l'état général. La malade alla voir son mari à l'hôpital, appuyée sur deux personnes. A son retour, elle était épuisée et tomba dans un état de prostration générale. Il survint un peu de toux avec expectoration mucoso-purulente, des sueurs nocturnes, et la patiente succomba six semaines après sa visite à l'hôpital. Le côté paralysé fut libre de tremblements et soumis à l'empire de la volonté plusieurs semaines avant sa mort. La parole, les facultés intellectuelles restèrent toujours intactes.

Autopsie. Émaciation générale considérable; partie inférieure de l'oreille droite détruite; une cicatrice recouvrait la portion restante; conduit auditif externe plus large que dans l'état normal; la duremère de la partie correspondante au conduit auditif était de couleur foncée dans l'étendue d'une pièce de deux sous, elle n'était ni épaissie, ni adhérente. Un caillot sanguin, du volume d'un pois, bouchait exactement le conduit auditif. Pas d'épanchement de sérosité, de pus, de lymphe dans le cerveau, ni entre ses membranes. La portion du cerveau correspondante au rocher, offrait un peu de ramollissement, sur lequel même on pouvait élever des doutes. Le rocher du temporal était entièrement carié. Le nerf de la septième paire du côté droit, comparé à celui du côté opposé, semblait atrophié. La tête, la poitrine étaient d'ailleurs saines. (Archiv. génér. de Méd., tome II.)

Il est fâcheux que cette observation, très-importante par sa rareté et par les circonstances qu'elle présente ne soit pas plus détaillée. Telle qu'elle est, si elle ne démontre pas que la paralysie d'un côté du corps peut dépendre d'une lésion, d'une compression du même côté du cerveau, elle nous met sur la voie, sur un nouveau mode d'expérimentation, pour éclairer ce point important de physiologie. L'émaciation, l'épuisement général, ainsi que la diminution de température qu'on observe aussi dans les empoisonnements internes par l'acide azotique, dépendaient probablement, en ce cas, des hémorragies répétées et des lésions locales. Malheureusement, l'auteur de cette observation ne dit rien des fonctions digestives.

Dans les empoisonnements internes, l'acide azotique peut borner seulement son action à la gorge, au pharynx, et dans quelques cas atteindre le larynx, occasionner des accidents plus ou moins graves, et quelquefois mortels. Le docteur Arnold a observé un enfant chez lequel les lésions étaient confinées en grande partie au pharynx et au larynx, et chez qui, en outre d'une grande dépression générale, les principaux symptômes consistaient en une respiration croupale et une grande dyspnée qui nécessitèrent l'opération de la laryngotomie. La respiration fut soulagée, mais le malade succomba à un épuisement général, sans présenter de symptômes du côté de l'estomac. Cet organe, distendu par des matières alimentaires, offrait des lésions peu graves. La fente de la glotte était contractée, l'épiglotte enflammée, ainsi que le commencement du larynx. Les boissons administrées au malade passaient par l'ouverture pratiquée au larynx.

Observation II. Le 25 septembre 1827, un jeune homme de dixhuit ans, d'une très-forte constitution, après avoir mangé du pain et du fromage, boit deux petits verres d'eau-de-vie, écrit une lettre à ses parents, et avale, vers onze heures du matin, 2 onces, 60 gram. environ d'acide nitrique du commerce. Aussitôt, douleurs brûlantes à la gorge et à l'épigastre, qui augmentèrent d'intensité avec la plus grande promptitude. Au bout d'un quart d'heure, vomissements d'une partie du déjeuner. Appelé auprès de lui, le docteur Leuret a délayé environ 60 gram. (2 onces) de magnésie dans une grande quantité d'eau, et, après bien des sollicitations, la première dose du contre-poison a été administrée environ vingt-cinq minutes après l'empoisonnement. La déglutition, d'abord gênée, n'a pas tardé à devenir plus facile. La bouche était toute blanche, non douloureuse. On voyait sur le menton une ligne jaune indiquant la nature de l'acide qui avait été avalé. Le pouls était un peu élevé. Une demi-heure après la première dose de magnésie, les vomissements se sont renouvelés, le malade a rendu d'abord des matières d'un blanc jaunâtre, puis quelques aliments, et ensuite un liquide épais de couleur rouge brique. Les premiers efforts ont été accompagnés de douleurs atroces, et d'un état d'anxiété inexprimable. Ces douleurs se sont calmées avec assez de promptitude, et, vers deux heures, l'épigastre ne faisait plus souffrir le malade; la pression sur cette partie déterminait à peine un léger sentiment de malaise; mais la

région ombilicale était devenue le siége des plus vives souffrances. Le malade se plaignait en outre d'un froid général. On lui prépara un lit bien chaud, vers lequel il se dirigea lui-même, après avoir abondamment uriné. Prescription: 30 sangsues sur le ventre, cataplasmes émollients, tisanes et lavements de racine de guimauve. Le soir, les vomissements avaient été encore très-abondants, mais les douleurs étaient moins vives, le malade avait bu beaucoup. Chaque lavement avait paru le soulager. Il s'était promptement réchauffé. Le pouls s'était un peu élevé, et l'épigastre était redevenu douloureux. Saignée du bras de 6 onces, (180 gram.) 12 sangsues à l'épigastre.

Second jour. L'état général est meilleur. Les douleurs de l'épigastre et de la région ombilicale sont supportables. La respiration est moins gênée, il y a peu de soif, mais beaucoup de rapports acides. Les vomissements des matières briquetées se sont renouvelés souvent pendant la nuit, et ces mêmes matières se sont montrées dans les déjections alvines. Tisane de guimauve, donnée par petites quantités, afin de ne pas exciter des vomissements ; lavements émollients; cataplasmes de farine de lin sur le ventre et sur le cou. Le pouls s'élève un peu pendant la journée; la gorge est très-douloureuse; la matière du vomissement contient de la bile jaunâtre. 12 sangsues au cou.

Troisième jour. Amélioration sensible de tous les symptômes. Il n'y a de douleur à la région ombilicale et épigastrique que par intervalles assez éloignés; il survient quelques coliques qui sont calmées par des lavements; l'épiderme de la langue commence à se détacher au bord et à la pointe de cet organe; on trouve dans les matières vomies quelques portions d'un aspect membraneux; le malade a dormi plusieurs heures; le pouls s'élève un peu pendant la journée, le soir il est tendu et plus fréquent; la douleur de la gorge est très-vive; l'épiderme de la langue est entièrement tombé; cet organe est rosé, non douloureux. 10 sangsues au cou.

Quatrième jour. La douleur a diminué beaucoup après l'application des sangsues; le malade a dormi presque toute la nuit ; le ventre est en bon état; la respiration se fait bien; il n'y a plus que des envies de vomir et quelques rapports amers; langue rosée; soif; pouls peu fréquent ; le mieux se soutient pendant toute la journée.

Cinquième jour. La nuit a été bonne, il a eu une selle abondante de couleur brunâtre, et un vomissement de matières briquetées et jaunes. Absence presque complète de douleurs; pouls dans l'état naturel ; langue humide. A dater du septième jour, après l'empoisonnement, on a donné des aliments que le malade a bien digérés, lorsqu'il n'en pre

nait que peu à la fois; les fonctions se sont rétablies progressivement, et depuis huit jours la guérison peut être regardée comme achevée. Néanmoins on recommande un régime adoucissant, l'usage prolongé du lait, et l'abstinence du vin. (M. le docteur Leuret, Journ. des progrès des Scienc. méd., 1827).

La quantité d'acide azotique était certainement plus que suffisante pour produire la mort, ou cette série d'accidents consécutifs ou secondaires que nous présenteront les dernières observations. Le rétablissement complet et aussi prompt est dû probablement : 1o aux aliments que renfermait l'estomac au moment de l'ingestion de l'acide; 20 aux prompts vomissements; 3° au contre-poison et au sage traitement qui ont été promptement et bien administrés. Aussi, l'action caustique a-t-elle été superficielle et presque exclusivement bornée à la bouche, au pharynx, à la partie supérieure de l'œsophage, et l'effet hyposthénisant a-t-il offert peu de durée, puisque la réaction s'est établie le soir même. Cette observation présente cela de particulier, que la sécrétion urinaire n'a point été suspendue, que les déjections se sont manifestées dès le second jour, que les matières des vomissements et des déjections offraient une coloration rouge-brique. L'eau-de-vie prise par le malade avant l'ingestion de l'acide serait en faveur des idées rasoriennes.

Observation III. Un jeune homme de seize ans, aimant par goût l'état de comédien, qui déplaisait à ses parents, et plein de répugnance pour celui de bijoutier, avait menacé plusieurs fois de se noyer. Un jour, poussé à bout par quelque mauvais traitement, il avale, dans son impatience, et à deux reprises différentes, environ une cuillerée chaque fois d'acide nitrique, dont on se servait chez le bijoutier. Aussitôt, co'iques violentes, vomissements de matières noirâtres glairenses ; le malade se contraint, garde un silence opiniâtre avec tout le monde, et surtout avec ses parents. Conduit à l'hôpital, deux heures après, on lui donne sur-le-champ et abondamment du lait, du petit-lait, une chopine d'huile d'amandes douces et des lavements émollients. Le pouls était fréquent, petit, dur, presque imperceptible, le visage plombé, les lèvres pâles, les vomissements très-répétés. Ces accidents durèrent toute la nuit, et le malade ne cessa de rendre par la bouche des flots de matières noirâtres. Le pouls devint excessivement petit, la peau froide; les

urines étaient suspendues; la constipation résista aux lavements; et le patient succomba vingt heures après l'accident.

Autopsie. Ventre très-distendu, ballonné, résonnant comme un tambour; bord libre des lèvres épaissi et un peu jaune; cou tuméfié et comme emphysémateux; membres couverts d'ecchimoses très-étendues ; visage hideux, livide; muqueuse du larynx et de la trachée-artère extrêmement rouge, brune et enflammée; une assez grande quantité de sérosité sanguinolente est épanchée dans la plèvre; une petite ouverture étant faite à l'abdomen, il s'en échappe, avec sifflement, une énorme quantité de gaz très-fétide; la cavité abdominale renfermait environ deux litres d'un liquide ressemblant à de la purée délayée, d'un jaune sale, d'une odeur infecte; il était surnagé par une couche d'huile; viscères abdominaux rouges, enflammés; les gros intestins très-rétrécis renfermaient des matières fécales fort dures; la surface du foie parut jaune, grasse, onctueuse; la muqueuse linguale était jaune, dure, épaissie; celle des amygdales et de la base de la langue était plus altérée et s'eulevait plus facilement; la muqueuse du pharynx et de l'œsophage d'un très-beau janne, sèche, de 5 millimètres d'épaisseur, était sillonné longitudinalement. Estomac racorni, revenu sur lui-même; sa membrane interne, tachée de jaune rougeâtre et de points noirs, se décollait difficilement; les vaisseaux épanouis dans l'épaisseur des parois de cet organe étaient gorgés d'un sang noir coagulé; son petit cul-de-sac présentait une ouverture de 190 millimètres (2 pouces) de diamètre, dont le contour arrondi était fort mince, comme usé et facile à déchirer. C'est par ce trou que s'étaient épanchées, dans l'abdomen, les boissons huileuses et lactées qu'on avait données au malade. Le duodénum généralement taché en jaune à son intérieur, contenait une mucosité d'un jaune verdâtre, de la consistance d'une bouillie.

Cette observation est remarquable par la promptitude des effets toxiques, et surtout par les signes et les altérations pathognomoniques de l'acide azotique, qu'elle présente au plus haut degré. La couleur noirâtre des matières des vomissements, due sans doute à l'extravasation du sang sur la muqueuse gastrique, n'est pas rare dans l'empoisonnement par l'acide azotique et par les autres poisons corrosifs. La perforation de l'estomac s'est opérée probablement après la mort, car, parmi les symptômes, la résistance, le ballonnement du ventre ne sont point indiqués. L'inflammation de la muqueuse laryngée et trachéale

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