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l'estomac des chiens, non empoisonnés par l'acide sulfurique, donne, par ce procédé, des produits qui, traités par l'eau régale et le nitrate de baryte laissent déposer un sulfate de cette base, ce qui est dû probablement au soufre que contiennent normalement les tissus, lequel serait transformé en hydrosulfate d'ammoniaque et ensuite en sulfate par l'eau régale. M. Orfila ayant détruit les matières organiques sulfuriques par un courant de chlore; les liquides filtrés et évaporés ont donné des résultats affirmatifs par l'éther; mais, ce procédé ne pourrait être employé, puisque les matières albumineuses non sulfuriques donnent des résultats identiques. M. Orfila pense que le soufre qu'elles contiennent normalement, est transformé en acide sulfurique par l'action combinée du chlore et de l'eau.

L'acide sulfurique était imprimé lorsque M. Orfila a publié son procédé. Quelques essais comparatifs sur deux solutés d'alun et d'acide sulfurique, nous ont démontré que l'alun n'était pas dissous par l'éther, tandis que l'acide sulfurique l'était au contraire, mais en bien petite quantité; aussi, dans des cas d'expertise légale, il serait peut-être nécessaire d'épuiser à plusieurs reprises les liquides sulfuriques par de nouvelles quantités d'éther.

Procédé Christison. Délayez les matières dans suffisante quantité d'eau, pour en faire une bouillie claire ; introduisez le tout dans un matras, auquel est adapté un tube recourbé, suivi d'un récipient d'eau distillée et constamment refroidi; distillez jusqu'à ce qu'elles aient acquis la consistance sirupeuse. Si le produit distillé contient de l'acide acétique ou hydrochlorique, ce qu'on reconnaît à l'odeur, et par le nitrate d'argent, délayez le résidu dans une nouvelle quantité d'eau, et distillez alors au bain de chlorure de calcium (Voyez acide hydrochlorique), une, deax, trois fois, jusqu'à ce qu'enfin le produit distillé ne renferme plus les acides indiqués. La branche du tube qui s'adapte au matras doit être renflée en boule, afin de condenser l'acide sulfurique qui pourrait se volatiliser. Séparez alors les liquides des solides par la filtration, et si les liquides filtrés précipitent par le nitrate de baryte, ce qui indique

qu'ils contiennent de l'acide sulfurique, faites-les bouillir avec du carbonate de plomb pur. Il se forme un sulfate de plomb insoluble, qu'on traite par l'acide azotique, pour le priver du carbonate de plomb indécomposé; on lave le précipité; on le délaye exactement dans un mortier avec suffisante quantité d'eau distillée pour faire une bouillie; on fait passer à travers, et pendant une demi-heure, un courant d'hydrogène sulfuré, qui, en réagissant sur l'oxyde de plomb, forme de l'eau et du sulfure de plomb insoluble; on filtre, et l'on précipite l'acide sulfurique resté en dissolution par le nitrate de baryte, à l'état de sulfate de baryte insoluble, dont on constate les caractères.

Christison se propose: 10 d'enlever par l'eau l'acide sulfurique aux matières organiques, et de les priver autant que possible, par la distillation, des acides volatils. Il s'est assuré, en agissant sur des mélanges artificiels, qu'il était quelquefois nécessaire de distiller jusqu'à quatre fois pour arriver à ce résultat, et que toutefois, on ne perdait presque pas d'acide sulfarique; 2o de reconnaître si l'acide sulfurique existe dans ces matières à l'état libre ou combiné, se fondant sur ce que, dans le premier cas, cet acide serait précipité par le carbonate de plomb, non dans le second. Cependant, comme le fait trèsbien remarquer M. Devergie, les sulfates neutres, d'après Dulong, et surtout le sulfate d'ammoniaque, d'après ses propres expériences, qu'on fait bouillir avec du carbonate de plomb, sont décomposés et donnent du sulfate de plomb insoluble. Il en est de même des sulfates acides. Par conséquent, le carbonate de plomb n'indique pas si l'acide sulfurique se trouve dans les mélanges organiques à l'état libre ou à celui de sulfate neutre ou acide.

C. Taches d'acide sulfurique. Four déceler l'acide sulfurique sur les tissus du tube intestinal, sur la peau, sur les vêtements, etc., il faut : 1o constater si ces tissus rougissent le papier tournesol, les modifications qu'ils ont subies; s'ils sont noircis, carbonisés, ramollis; si la tache est humide, moite à son centre, etc.; 20 diviser ces parties, les mettre à macérer, ou même si elles ne sont pas trop ramollies, les faire bouillir

dans une petite quantité d'eau; filtrer et constater si les liquides filtrés ont la réaction acide, s'ils donnent, par le nitrate de baryte, un précipité caractéristique, s'ils laissent dégager à chaud de l'acide sulfureux, par la limaille de cuivre, après les avoir concentrés jusqu'à consistance sirupeuse. Par les raisons que nous avons précédemment indiquées, ce dernier caractère n'est pas toujours facile à constater, mais, dans plusieurs expertises légales, Barruel et Christison se sont contentés des deux premiers caractères. En effet, ces deux réactions, lorsqu'elles concordent avec les altérations propres à l'acide sulfurique, nous paraissent suffisantes. Par ce procédé, Christison et Turner ont pu reconnaître des taches d'acide sulfurique sur les vêtements, 14 jours après (observation 1re), et Christison, deux petites taches faites avec environ un 6/10me de grain d'acide, 7 semaines après, sur une couverture blanche. M. Orfila suit aussi ce procédé. M. Devergie, le trouvant insuffisant pour distinguer si les taches sont produites par l'acide sulfurique libre ou par un sulfate acide, propose de les soumettre à son procédé. Quel que soit le procédé qu'on adopte, il faut ne pas oublier que, les tissus colorés peuvent contenir des sulfates d'alumine, de fer, d'indigo, etc., produits si fréquemment employés en teinture; que l'acide sulfurique sert à préparer les peaux, les cuirs; par conséquent, on ne devra se prononcer qu'après des expériences comparatives sur d'égales portions des mêmes tissus non tachés

Tels sont les procédés en usage pour décéler l'acide sulfu rique dans les matières organiques. Nous citerons encore celui qui consiste à détruire ces matières par l'acide nitrique, et tel que l'a employé Barruel dans un cas d'expertise légale, pag. 182. Tous ces procédés sont plus ou moins sujets à erreur, lorsqu'il s'agit de démontrer si l'acide sulfurique y existe à l'état libre ou combiné, mais heureusement, dans la majorité des cas, le procédé ordinaire suffit et les altérations propres à cet acide viennent corroborer le résultat des analyses.

MM. Orfila et Lesueur, ayant mêlé des quantités données d'acide sulfurique avec des matières organiques, et les ayant

placées dans les mêmes circonstances que celles que nous avons indiquées en parlant de l'acide azotique, ont obtenu à peu près les mêmes résultats.

Effets toxiques. Il serait à désirer que nous eussions une monographie toxico-médicale sur l'acide sulfurique, aussi conplète que celle de Tartra sur l'acide nitrique. D'après les auteurs, ces deux acides donneraient lieu aux mêmes effets immédiats et consécutifs. C'est ce dont on pourra se convaincre, en comparant les observations d'empoisonnement. Nous n'avons donc qu'à indiquer ce que l'acide sulfurique offre de spécial. Les rapports sont bien moins abondants, ou plutôt, n'offrent pas, ainsi que les matières des vomissements, l'odeur, la saveur particulière de l'acide nitreux. Ces dernières matières sont, le plus souvent, colorées en brun ou en noir, et n'atta quent pas les vases en cuivre à froid. La constipation, le froid externe, la suspension de la sécrétion urinaire sont des symptômes moins constants et moins persistants; il y a même quelquefois diarrhée. Les parties externes atteintes, les lèvres, le menton, les doigts, la muqueuse buccale, etc., d'abord grisâtres, prennent, au bout de 12 à 18 heures, une couleur brune ou noire. Dans la clinique des hôpitaux, on rapporte un cas où il y a eu éruption de plaques rouges sur les avant-bras, le vingtième jour de l'intoxication.

Altérations pathologiques. Elles offrent, en général, des différences bien tranchées d'avec celles que produit l'acide azotique. Les lèvres, le menton, les doigts, les parties enfin qui ont reçu l'action de l'acide sulfurique sont brunes ou noires. Les taches des vêtements sont rouges ou carbonisées, moites au centre, et plus étendues que ne le comporte la quantité d'acide, ce qui est dû à son hygrométricité. La muqueuse buccale, pharyngée, œsophagienne, stomacale, sont aussi brunes ou noires, réduites en bouillie, ou s'enlèvent par lambeaux de même couleur. La muqueuse duodénale peut offrir aussi de semblables altérations; quelquefois cependant, elle est tapissée, ainsi que la stomacale, d'un enduit jaunâtre plus ou moins épais, séparé par les villosités dont les bords libres sont noircis, carbonisés.

Cet enduit est probablement le résultat de la décomposition de la bile. La muqueuse est assez souvent noire et carbonisée audessous. Ce caractère permettrait peut-être de distinguer ce genre d'altérations d'avec celles de même nature qu'on observe dans l'empoisonnement par l'acide azotique. Cependant, on trouve quelquefois des colorations jaunes de la muqueuse œsophagienne et pharyngée, et même laryngée. Cela tiendrait-il, à ce que, l'acide sulfurique du commerce serait mêlé en ce cas à de l'acide nitrique ? Lorsqu'il existe des ulcerations, des perforations, les bords en sont noircis, carbonisés. Les matières contenues dans l'estomac ou épanchées dans le péritoine, ont ordinairement l'aspect d'une bouillie brunâtre. Le foie, la rate, les reins, le diaphragme, la base des poumons, etc., surtout lorsque l'autopsie a été différée, offrent aussi des colorations grisâtres ou brunes, et sont quelquefois durcis et comme cuits. (Obse. III;.

Faits pratiques.

La découverte de l'acide sulfurique date du moyen âge. On le trouve dans le commerce à l'état 1° d'acide sulfurique anhydre solide et liquide; 2o d'acide sulfurique de Saxe, d'Allemagne, de Nordhausen ou fumant, d'Angleterre ; 5o d'acide sulfurique hydraté pur et du commerce. Mais, c'est ce dernier qu'on désigne aussi sous les noms d'esprit, d'huile, ou d'acide de soufre, d'acide vitriolique, d'huile de vitriol, qui est employé comme poison. L'usage de l'acide sulfurique est assez fréquent dans les arts. il sert au blanchîment, au tannage, à l'épuration des huiles, à dissoudre l'indigo dans la teinture, à la fabrication du cirage et de plusieurs produits chimiques, à sophistiquer les acides végétaux, et en particulier le vinaigre, à composer l'alcool sulfurique, les élixirs vitrioliques, etc.

L'acide sulfurique est bien plus fréquemment employé de nos jours comme toxique que l'acide nitrique, car, on en trouve des observations dans la plupart des journaux français, et, en Angleterre, sur 545 cas d'empoisonnements mortels, recueillis en 1838 et 1839, on en cite 41 par l'acide sulfurique. Cela

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