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trique employé s'est volatilisé, et, lorsque le liquide contenu dans la cornue n'a plus dégagé d'acide nitrique, et a eu acquis la consistance d'une huile, dégageant d'abondantes vapeurs blanches très-irritantes, on a arrêté l'opération, et on l'a versée dans un flacon préalablement taré. Le poids de ce liquide était de 45 grammes.

Ce liquide noircit les allumettes; chauffé dans un tube de verre avec du mercure, il dégage d'abondantes vapeurs d'acide sulfureux. C'était de l'acide sulfurique (huile de vitriol) concentré.

Conclusions. La quantité d'acide sulfurique, trouvée dans le café que le sieur Q... a déposé chez le commissaire de police, est plus que suffisante pour déterminer promptement la mort de plusieurs individus qui l'auraient prise dans l'état de concentration où l'analyse a amené cet acide; et je suis persuadé que, dans l'état de dilution où il se trouvait, s'il n'avait tué immédiatement le sieur Q... et sa femme, s'ils l'eussent avalé, il aurait infailliblement déterminé chez ces personnes une inflammation des plus violentes de toutes les voies digestives, et que la mort en aurait probablement été le terme.

D. L'action de défigurer ou de mutiler, en lançant sur les individus un liquide corrosif, et surtout les acides minéraux, est un crime récent en Écosse. Il paraît avoir pris naissance dans les districts manufacturiers de ce pays, pendant les querelles qui eurent lieu, il y a quelques années, entre les chefs des établissements et leurs ouvriers, à l'occasion du salaire. Plusieurs crimes de ce genre ont été commis à Glascow. Depuis qu'il a paru une loi qui condamne les coupables à la peine capitale, ces crimes ont cessé dans ce pays. En France, on en rapporte quelques cas dans les journaux, mais ils ne sont seulement qu'énoncés. Les journaux de Londres en citent encore quelques exemples. En voici un très-remarquable sous tous les rapports.

Observation I. Le 17 décembre 1837, Hugh Macmillan et Euphemia Lawson sa femme, furent accusés d'avoir, le 17 octobre, mutilé, défiguré et estropié Archibald Compbell, en jetant sur lui de l'acide snlfurique.

Les Macmillan demeuraient dans la même maison que Campbell, avec lequel ils étaient depuis longtemps très-mal. Quelques jours avant l'accident, la femme Lawson avait été condamnée par jugement à vivre en paix avec lui. Mécontente de cette condamnation, cette femme et son mari dirent hautement et à plusieurs reprises, qu'ils en tireraient vengeance sur Campbell: plusieurs témoins entendirent ces menaces. La femme s'était informée de la propriété corrosive de l'acide sulfurique. Dans la soirée du 27 octobre, on la vit sortir, rentrer, et porter un flacon qu'elle plaça sous son lit. Vers minuit, Campbell monta chez lui; arrivé près du logement des Macmillan, la porte s'entrouvrit ; il vit alors sortir le bras d'une femme tenant quelque chose de blanc; s'imaginant qu'on voulait lui faire quelque méchanceté, il se retournait pour redescendre l'escalier, lorsqu'il se sentit inondé par un liquide qu'il soupçonna être de l'acide sulfurique, à cause des douleurs brûlantes qu'il ressentit. La police fut avertie. On ne découvrit rien dans la chambre des Macmillan; mais on trouva sous la fenêtre des morceaux d'un bocal qui avaient une saveur acide, et une grande quantité de liquide répandue sur l'escalier et la muraille, dans tout l'intervalle compris entre la porte des Macmillan et le lieu où s'était trouvé Campbell.

Campbell, transporté à l'infirmerie à deux heures du matin, présenta l'état suivant: peau du côté gauche de la face enlevée en partie et de couleur blanche; paupières des deux yeux très-enflammées et trèsgonflées; l'œil gauche paraissait fortement attaqué, l'œil droit était sain. Tégument de l'intérieur des lèvres tuméfié et de couleur blanche; le dos de la main gauche, et jusque dans l'intervalle des doigts, offrait des excoriations blanchâtres de forme allongée. Dans l'espace de quinze heures toutes les taches blanches devinrent brunes. La douleur que le malade ressentait à la figure et aux yeux, qui, d'abord était des plus violentes, se calma peu à peu sous l'influence des applications appropriées. Comme au moment de la visite (douze heures après l'accident) la douleur de l'œil gauche s'étendait à toute la tête et faisait craindre une violente ophthalmie, on fit un esaignée du bras, qui, fut répétée le lendemain. Le soulagement fut très-marqué; toutefois l'inflammation et la désorganisation de l'œil continuèrent et se terminèrent au bout de peu de temps, par la rupture de la cornée et la sortie de l'humeur aqueuse et du cristallin. Le 22 octobre, vers la fin du cinquième jour, le malade paraissait aller très-bien, lorsqu'il fut pris tout à coup d'un frisson violent. Le lendemain, il se plaignit de douleurs très-vives au pli du bras droit, dans le point où l'on avait pratiqué la saignée. L'in

flammation s'étendit rapidement autour de la petite plaie. Le gonflement s'empara du bras et augmenta progressivement pendant les trois jours suivants. Une fièvre très-forte, puis de la difficulté de respirer avec quelques autres symptômes d'inflammation des organes pulmonaires, vinrent encore aggraver l'état du malade, qui déclina graduellement et mourut le 30 octobre au matin.

Autopsie (31 octobre). Veine du bras droit fortement enflammée dans le point où elle avait été divisée par la lancette. L'inflammation s'étendait en haut jusqu'aux veines du bras et de l'épaule, et en bas jusqu'aux petites veines de l'avant-bras; les vaisseaux étaient presque complétement remplis de matière purulente. Grosses veines de la partie supérieure de la poitrine dans leur état normal. Cœur sain; un peu de sérosité dans la cavité du péricarde; plèvre costale et pulmonaire enflammée et recouverte en arrière d'une production pseudomembraneuse. Liquide sero-purulent dans les deux cavités thorachiques. Les deux poumons, surtout les lobes supérieurs et inférieurs fortement enflammés, offraient une hépatisation rouge et une grande quantité de tubercules, disséminés en masses irrégulières, dont quelques-unes avaient le volume d'un œuf de pigeon, et dont la totalité pouvait égaler à peu près le tiers du volume total des poumons. Toute la partie antérieure de l'œil gau che était détruite ; l'humeur aqueuse et le cristallin s'étaient échappés ; l'organe entier était complétement désorganisé. Sérosité en grande quantité dans le crâne, tant à la surface du cerveau que dans ses cavi

tés. Le cerveau était d'ailleurs sain.

Conclusions. De ce qui précède, nous pensons qu'Archibald Campbell a succombé à une inflammation des veines du bras et des poumons; cette dernière, autant qu'on peut en juger, étant le résultat de la blessure de la veine par l'opération de la saignée.

HUNTER ET NESbitt.

A la demande de l'autorité, Turner et Christison ont fait l'analyse des objets suivants, qui, leur furent remis, quinze jours après l'accident: 1° un morceau de chapeau, altéré çà et là, et de part en part; 2o un autre morceau du même chapeau non altéré; 3o une portion d'un col noir avec sa garniture et sa doublure, le tout fortement attaqué par l'acide; 4° un morceau de la manche d'un habit brun avec sa doublure, également corrodé et rougi, et un autre morceau du même habit non altéré.

Le chapeau et le col altérés étaient humides et avaient une saveur très-aigre. On coupa par morceaux la portion de chapeau attaquée, et on

la fit bouillir dans de l'eau distillée. Le liquide filtré était de couleur brune rougeâtre, d'une saveur acide, rougissait fortement le papier de tournesol, donnait avec l'acétate de baryte un précipité brunâtre trèsabondant, qui devenait blanc par l'addition de l'acide azotique; réuni et desséché à la chaleur rouge, ce précipité pesait 4 grains 3/10o. Une petite partie étant mêlée avec du charbon, chauffée pendant 10 minutes, à la flamme du chalumeau, dans une cuillère de platine; le résidu, traité par un peu d'acide hydrochlorique étendu, a dégagé avec effervescence l'odeur d'hydrogène sulfuré; un papier à filtrer, imbibé d'une dissolution d'acétate de plomb, suspendu dans le tube, s'est coloré en noir en quelques instants.

Une série d'expériences comparatives avec le morceau du chapeau qui n'avait pas subi d'altération, a fourni un liquide brun-rougeâtre, qui rougissait faiblement le papier de tournesol, et qui, par l'acétate de baryte, n'a donné qu'un léger nuage insoluble dans l'acide azotique, mais qui au bout de plusieurs heures ne produisit aucun dépôt.

Le morceau de col préalablement réduit en fil, soumis au même traitement que les portions de chapeau altérées, donna exactement les mêmes résultats; le sulfate de baryte précipité pesait 9 grains.

Les morceaux de la manche et de la doublure de l'habit donnèrent aussi les mêmes résultats; le sulfate de baryte obtenu ne pesait que 0,9 grain.

Ces expériences démontrent que le liquide employé par Euphémia Lawson était de l'acide sulfurique. L'accusée fut condamnée à la peine capitale; mais, comme c'était le premier cas, depuis la promulgation de la loi, la peine fut commuée en celle du bannissement perpétuel. (Annales d'hygiène, tome II, P. Vavasseur).

Observation II. Un homme de trente-un ans, d'une constitution athlétique, n'ayant fait dans la journée qu'un léger repas, mais ayant bu beaucoup, avale d'un seul trait 3 onces ou environ 90. gram. d'acide sulfurique du commerce, le 24 juillet, à dix heures du soir, au lieu d'un verre d'eau-de-vie qu'il prenait habituellement. Aussitôt, vive chaleur à la gorge, et trois ou quatre minutes après, il tombe, se roule sur le carreau, vomit des matières acides, mêlées de sang, et va deux fois en dévoiement; il éprouve un sentiment de brûlure insupportable dans la bouche, la gorge, et tout le long de la poitrine. Il se rend à pied, de la rue Bonne-Nouvelle, à l'hôpital Saint-Louis. Sa faiblesse extrême l'obligeait de s'asseoir sur chaque borne ; il éprouvait des vomissements, des tremblements, des douleurs à la région épigastrique. Deux heures

après l'ingestion du poison, il présentait l'état suivant : vomissements sans beaucoup d'efforts de la tisane qu'on lui donnait ; elle était mêlée à du sang, à des mucosités, à un peu de bile, et d'un goût acide trèsprononcé; pouls lent, faible; face pâle, extrémités froides; épigastre un peu plus chaud que le restant du corps, mais non sensible à une pression modérée; voix faible, altérée. Prescription: lait; 1 once ou 30 gram. de magnésie, administrée en 10 prises. A partir de sept heures du matin, les vomissements consistèrent en lait coloré en jaune par de la bile. A neuf heures, face légèrement colorée; respiration accélérée; anxiété précordiale; pouls concentré, irrégulier, 105 pulsations; température du corps normale, seulement un peu plus élevée à l'épigastre, qui était un peu plus douloureux à la pression. La moitié postérieure de la voûte palatine, les piliers du voile du palais, la face supérieure de la langue, les amygdales, la partie postérieure du pharynx, sont recouverts d'un enduit blanchâtre et considérablement tuméfiés, surtout les amygdales et les piliers; déglutition très-difficile; sentiment de brûlure tout le long de la poitrine. Dans la matinée, selles liquides d'un brun verdâtre, remplissant la moitié du bassin.—lait, eau magnésienne, lavement de son et de magnésie, 3 ventouses scarifiées sur l'épigastre.

Le lendemain 26, salivation d'un demi-litre d'un liquide blanc, filant, mêlé à des pellicules épidermiques; pouls fréquent, faible; même difficulté d'avaler; auxiété précordiale; légères douleurs à l'épigastre, lorsque le diaphragme s'abaisse; point de douleurs dans le restant du ventre qui n'est point ballonné; crampes à la plante des pieds pendant une demi-heure; langue, amygdales, voûte palatine et pharynx gonflés et à moitié couverts par des pellicules blanchâtres; quatre selles liquides depuis hier; insomnie.,

Le 27, salivation d'un litre et demi d'un liquide blanc, spumeux; les pellicules blanches se sont détachées; les parties cautérisées sont rouges, tuméfiées; déglutition plus facile; oppression moindre; pouls faible, 56 pulsations; température normale; sentiment de constriction. dans la poitrine; point de douleur à la région épigastrique à la plus forte pression; une selle jaunâtre, semi-solide; urines ordinaires; in somnie à cause de la nécessité de cracher à tout moment.

Le 28, salivation d'un litre; rougeur et douleur de la gorge beaucoup moindres; pas de douleurs épigastriques à la plus forte pression; éructations; pouls faible, 56 pulsations; - un œuf à l'eau.

Le 29, salivation un peu moindre; déglutition facile; huit selles Tiquides dans la nuit: 1/4 de lavement avec 8 gouttes de laudanum.

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