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la coagulation de ces liquides, et agit, par conséquent, en sens inverse des acides. La potasse ramollit les aliments, les tissus mons, la peau, les muqueuses, les transforme en bouillie; elle altère aussi les vêtements, leur couleur, etc. Quel que soit le procédé en usage, pour déceler la potasse dans ces matières, il importe avant, de constater leurs caractères physiques, leur consistance, leur couleur, et surtout si elles n'offrent pas l'onctuosité, l'odeur de la lessive, la réaction alcaline; si elles ne dégagent pas l'odeur ammoniacale; si enfin, par la chaleur, elles ne perdent pas la réaction alcaline, ce qui aurait lieu si celle-ci était due à l'ammoniaque.

Procédé Devergie. Si les matières suspectes sont liquides, évaporez-les jusqu'à siccité dans une capsule de porcelaine; traitez le résidu par l'alcool, qui, dissoudra la potasse si elle y existe à l'état libre; évaporez; dissolvez le résidu alcoolique dans l'eau; faites passer à travers un courant de chlore, jusqu'à décoloration complète; concentrez par évaporation, et traitez Je résidu par les réactifs de la potasse, l'hydrochlorate de platine, l'acide perchlorique. Comme le résidu indissous par l'alcool peut retenir du carbonate de potasse, sel qui se serait formé par l'exposition de la matière à l'air, dissolvez-le dans l'eau, constatez la réaction alcaline, s'il fait effervescence avec un acide, et ensuite, traitez-le par le chlore, comme le résidu alcoolique. Quant aux matières solides (aliments, tube intesti nal, etc.), faites-les bouillir dans l'eau distillée, filtrez et soumettez les liqueurs au procédé analytique précédeminent indiqué.

Procédé Orfila. S'étant assuré expérimentalement que l'alcool très-concentré et bouillant n'enlevait pas sensiblement les sels de potasse naturellement contenus où accidentellement ajoutés aux matières organiques, que ce liquide leur enlevait au contraire la potasse qui peut s'y trouver soit à l'état caustique, soit à l'état de savon, ou dans tout autre état de combinaison organique, M. Orfila propose le procédé suivant : introduisez les matières suspectes, liquides et solides (aliments, canal di

gestif, etc.), dans une cornue, après les avoir délayées dans de l'eau distillée; adaptez un récipient contenant un peu d'eau et entouré de linges froids; faites bouillir jusqu'à réduction au tiers; constatez si le résidu offre la réaction alcaline (ce qui aura lieu si la réaction n'était pas due à l'ammoni que); passcz; évaporez à siccité dans une capsule de porcelaine; laissez refroidir; agitez le résidu pendant 8 à 10 minutes avec de l'alcool à 44; faites bouillir pendant 5 autres minutes, en ajoutant de l'alcool à mesure qu'il s'évapore; épuisez le résidu par de nouvel alcool bouillant; filtrez es liqueurs encore chaudes; évaporez les immédiatement à sic‹ité; carbonisez le résidu jusqu'a ce qu'il ne se dégage plus de fumée; incinérez le charbon dans un creuset d'argent; laissez refroidir; traitez les cendres dans le creuset même, par de l'alcool à 44° bouillant; laissez refroidir; filtrez; évaporez à siccité; reprenez le résidu par l'eau distillée, constatez la réaction alcaline, et, dans de petits tubes, les caractères de la potasse. Les cendres restées dans le creuset sont traitées à chaud par un peu d'eau distillée, afin de dissoudre le carbonate de potasse qui aurait pu se former pendant l'incinération, et qui n'aurait pas été dissous par l'alcool, et ensuite on constate la réaction de cette base.

Réflexions. Les matières organiques contenant normalement des sels de potasse, ces sels étant employés en médecine, MM. Devergie et Orfila, dans le but d'éviter ces causes d'erreur, de savoir si c'est de la potasse qui a été ingérée, emploient l'alcool, qui, enlèverait seulement la potasse à ces matières, non les sels de cette base. Cependant, et ces chimistes ne se le dissimulent point, on ne remédie qu'incompletement à ces causes d'erreur, puisque le carbonate de potasse mêlé aux matières organiques, d'après M. Orfila, l'acétate et même le tartrate, sels si répandus dans le règne organique, sont solubles dans l'alcool, et que l'alcalinité des liqueurs pourrait dépendre de la soude. A la vérité, on pourrait s'en assurer par l'acide antimonique, lequel, d'après M. Frémy, précipite cette base, non la potasse, et qui sert par conséquent à les distinguer. Si, comme

par le procédé Orfila, on néglige le résidu indissous par l'alcool, on perd ainsi la portion de potasse p ssée en partie à l'état de sel par les acides de l'estomac, etc. Ce chimiste compte, d'ai!leurs, si peu sur la valeur toxicologique de ce procédé, qu'il a le soin d'observer, et avec raison, qu'on ne pourra affirmer qu'il y a empoisonnement qu'autant qu'on aura constaté les lésions, les symptômes propres a ce poison. Dans le cas contraire, il sera peruis seulement d'établir de grandes probabi ités, l'individu ayant pu prendre des matières alimentaires contenant une plus grande quantité de sels de potasse solubles dans l'alcool que celles sur lesquelles il a opéré. Par toutes ces raisons, et comme, dans la majorité des cas, il sera bien difficile, pour ne pas dire impossible de résoudre cette question; il faudra donc traiter le résidu indissous par l'alcool, comme l'indique M. Devergie, ou mieux encore, l'incinérer dans un creuset d'argent, afin de décomposer plos complétement la matière organique, qui, donnant aussi, par l'hydrochlorate de platine, un précipité jaune, pourrait induire en erreur. A la vente ce précipité, au lieu d'être lourd, pesant, grenu, comme celui obtenu par la potasse, est d'un jaune plus clair, flocoaneux. On peut encore carboniser ce résidu par l'acide sulfurique (page 328), calciner fortement le charbon, traiter les cendres par l'acide chlorhydrique affaibli, évaporer à siccité, reprendre par l'eau, etc. Nous avons obtenu ainsi des liqueurs parfaitement limpides qui ont donné les réactions caractéristiques de la potasse. Il est inutile d'ajouter que, quel que soit le procédé, les expériences doivent être comparatives avec des matières vierges et autant que possible de mène nature.

Potasse absorbée. Par l'usage de la potasse, de ses carbonates, on peut rendre les urines alcalines. M. Orfila intoxique des chiens avec 4 gram. de potasse, soumet, 6 heures après, le foie, la rate, les reins, à son procédé analytique, et constate manifestement les réactions de cette base. Les mêmes organes des chiens non intoxiqués n'ont pas offert ces réactions. Ces résultats seuls auraient bien peu de valeur en toxicologie légale, car il faudrait s'assurer si l'individu n'a pas pris de la potasse,

dans un carbonate, ou des aliments renfermant des sels qui, l'organisme, sont transformés en carbonate, tels que le tartrate, etc.

Effets toxiques et altérations pathologiques.

L'intoxication par la potasse, sans être trop commune, est assez fréquente. C'est presque toujours par erreur et avec le carbonate pris pour d'autres sels, et surtout, avec les potasses du commerce tombées en deliquium, ou à l'état d'huile de tartre par défaillance. Quoique les observations que nous possédions soient fort peu détaillées, elles démontrent cependant l'extrême analogie que la potasse offre avec les acides, quant aux effets et aux altérations pathologiques; ainsi son action locale est âcre, caustique, et ses effets éloignés de nature hyposthénique, sans modification bien marquée du système nerveux. Enfin, la potasse donne lieu aussi aux mêmes effets consécutifs. Les observations précédentes, ainsi que les expériences sur les animaux, viennent à l'appui de cette assertion,

Obs. Ire. Une jeune blanchisseuse avale, par mégarde, sur les six heures du matin, environ une cuillerée de potasse d'Amérique, tombée en deliquium. Immédiatement après, sensation de brûlure, depuis la bouche jusqu'à l'estomac, avec resserrement considérable de ces parties. L'épiderme des lèvres, de la langue, des joues, du palais sé détache et tombe par lambeaux. Bientôt, succèdent des nausées, des vomissements, accompagnés de douleurs dans l'estomac, et ensuite, auxiété continuelle; abdomen très-sensible au toucher; sueurs froides, visqueuses, inondant tout le corps; membres agités de mouvements convulsifs, de tremblements. Le hoquet et la faiblesse se succèdent rapidement. Quatre minutes après l'accident, on donna une grande quantité de lait et d'huile, boissons qui procurèrent un peu de soulagement. Cependant, le hoqnet et les vomissements persistèrent toute la journée, et furent ensuite remplacés par de violentes coliques, des déjections alvines très-abondantes, dans lesquelles flottaient des lambeaux membraneux noirâtres et des stries de sang. La malade eut de 36 à 40 selles dans les

24 heures. Le surlendemain, les accidents persistèrent, mais avec moins d'intensité; la fièvre se déclara; il y eut des frissons généraux, un froid des plus vifs aux extrémités inférieures. Le hoquet et les vomissements reparurent.

La malade qui futamenée à Paris six semaines après l'accident (4 octobre 1817), offrait les symptômes consécutifs suivants. Elle était pâle, décolorée et dans le marasme le plus complet. Ses yeux étaient caves, cernés. Les aliments, même liquides, ne passaient que très-difficilement, occasionnaient des douleurs fort vives, et sortaient souvent par régurgitation. Les vomissements n'avaient lieu qu'après l'ingestion des aliments ou des boissons. La malade dormait peu, éprouvait continuellement dans tout le ventre, et surtout à l'épigastre, des douleurs brûlantes, qui augmentaient par la pression. Les selles étaient li quides, purulentes, parfois sanguinolentes; les urines rares et très-colorées; les membres habituellement froids; elle ne se réchauffait qu'avec la plus grande peine. L'épiderme de la langue et des autres parties de la bouche s'était régénéré, et la sensation de saveur, qui avait été abolie pendant assez longtemps, s'était rétablie. On introduisit une sonde de gomme élastique dans le pharynx et jusque dans l'estomac, son contact excita de si violentes douleurs et des vomissements si fatigants, qu'on fut obligé de la retirer; elle était couverte de pus, ce qui fit connaître l'état d'ulcération de l'œsophage. On prescrivit de l'eau d'orge sucrée, des lavements, du bouillon et du lait. Depuis cette époque on n'a plus eu des nouvelles de la malade. (Communiquée à M. Orfila, par M. J. Cloquet.)

Il est fâcheux qu'ou ait perdu la malade de vue, car, si elle a succombé, ce qui est probable, on aurait sans doute trouvé les mêmes lésions que dans l'empoisonnement chronique par les acides. Chez deux demoiselles, qui prirent 15 grammes chacune de carbonate de potasse pour un sel laxatif, et dont l'une succomba environ un mois après, et l'autre trois semaines, on trouva le péritoine noir, condensé, gonflé, les intestins collés. ensemble, la membrane externe de l'estomac épaissie et sa muqueuse presque détruite; ce qui en restait était rouge et ulcéré

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