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SECTION IV.

POISONS MÉTALLIQUES-SALINS.

Des préparations d'arsenic, d'antimoine, d'étain, de mercure, de cuivre, de plomb, de bismuth, d'argent, d'or, de chrome, de zinc, de fer, etc., à l'état de métal, d'alliage, d'oxyde, de sulfure, de chlorure, d'iodure, de bromure ou de sel, composent les poisons de cette section. Ces poisons se distinguent des poisons des sections précédentes par leur aspect métal– lique, par leur densité relativement plus grande, par leur saveur âcre, styptique, douceâtre, métallique ou cuivreuse, et surtout, parce que leur soluté précipite par l'acide sulfhydrique ou un sulfhydrate, par la potasse ou par le cyanure jaune de potassium et de fer.

Ces poisons, les préparations arsenicales exceptées, ont une réaction très-marquée sur les matières organiques solides ou liquides, et surtout, sur les matières albumineuses, caséeuses, astringentes, avec lesquelles ils forment, soit par combinaisou directe, soit par décomposition, des composés insolubles; aussi, à défaut des contre-poisons spéciaux, ces derniers liquides, pourraient, en quelque sorte, les remplacer. Comme ces poisons sont alors presque toujours modifiés dans leur composition, on se contente, dans la plupart des recherches toxicologiques, de constater la présence du radical ou du métal, sans s'occuper des corps avec lesquels il était combiné. Le procédé doit varier selon la nature du métal; ainsi, le procédé de l'incinération simple, qui n'est point applicable aux préparations arsenicales, mercurielles, formées par des métaux volatils, pourra convenir au contraire pour les préparations de cuivre, de plomb, de bismuth, etc., dont les métaux sont fixes.

Ces poisons, comme ceux des sections précédentes, ont une action locale âcre, irritante, et, en général, un effet hyposthénisant sur l'organisme, sur la circulation. Plusieurs modifient

aussi le système nerveux d'une manière spéciale, surtout lors-
que
l'effet en est lent. Le traitement doit donc être basé sur
les mêmes données. Comme beaucoup de ces poisons sont
employés dans les arts, et qu'ils peuvent, soit par émanation,
soit par un contact plus ou moins prolongé sur la peau, soit
par leur emploi dans les ustensiles de cuisine, occasionner des
accidents graves ou mortels, nous aurons, de plus, à nous
occuper de ces genres d'intoxication.

De ces poisons, il en est dont le soluté précipite par l'acide sulfhydrique ou un sulfhydrate soluble, 1o en blanc, les sels de zinc, 2o en jaune, les préparations arsénicales, antimoniales, les deuto-sels d'étain; 30 en noir, les préparations de mercure, de cuivre, de plomb, de bismuth, d'argent, d'or, les proto-sels d'étain, etc. On pourrait donc, d'après cette réaction, les diviser en trois sections; mais cette division est plus importante sous le point de vue chimique que médical. Nous l'adopterons cependant, en commençant par les poisons qui offrent le plus d'intérêt.

EMPOISONNEMENT PAR LES PRÉPARATIONS ARSENICALES.

Toutes les préparations arsénicales sont toxiques, ou peuvent le devenir dans des circonstances particulières. En général, elles le sont d'autant plus qu'elles sont plus oxydées ou plus solubles dans l'eau. Les plus importantes sont : 1o l'arsenic métal; 2o l'arsenic cobaltique et l'oxyde noir; 3o l'oxyde blanc d'arsenic ou acide arsénieux; 4o les arsénites; 5o l'acide arsénique et les arséniates; 6o les sulfures; 7° les poudres et les pâtes arsenicales; 8° enfin, le gaz hydrogène arsénié, dont nous parlerons dans l'empoisonnement par les matières gazeuses. Mais, la préparation qu'il importe de connaître, et qui, à elle seule, domine toute la toxicologie, est, sans contredit, l'oxyde blanc d'arsenic.

Oxyde blanc d'arsenic. Acide arsénieux.

L'oxyde blanc d'arsenic, connu aussi vulgairement sous les dénominations d'arsenic, d'oxyde d'arsenic, d'arsenic blanc, de

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mort-aux-rats, récemment, sublimé, est en masses transparentes comme du cristal, incolore ou faiblement coloré en jaune; mais il perd assez promptement sa transparence de l'extérieur à l'intérieur, et on le trouve, dans le commerce, en morceaux irréguliers, durs, pesants, opaques, d'un blanc laiteux, ou ayant l'aspect et la cassure de la porcelaine, parfois transparent à l'intérieur, ou offrant des veines vitreuses d'arsenic non devenu opaque, ou de veines jaunâtres de sulfure jaune d'arsenic. Cependant, on distribue ordinairement l'acide arsénieux en poudre plus ou moins fine, ressemblant par son aspect et sa blancheur, à du sucre pulvérisé ou à de la farine; mais son poids est relativement plus grand, et, vue à la loupe, cette poudre se compose de petits fragments durs, anguleux. L'oxyde d'arsenic est inodore. Sa saveur, d'après la plupart des chimistes, serait âcre, acide, métallique, ou celle des pommes sûres. Christison, qui a expérimenté à cet effet, avec plusieurs de ses amis, dit qu'il est insipide, et qu'il laisse un goût douceâtre dans l'arrière-gorge. Les auteurs s'accordent sur cette dernière impression. Ce qui tendrait à faire croire à son peu de sapidité, c'est que, des personnes l'ont croqué sous la dent comme du sucre, et avalé dans les aliments, sans s'en douter. La facilité avec laquelle on peut masquer ces qualités et se le procurer, est probablement, la cause principale de la fréquence de cette espèce d'empoisonnement. L'acide arsénieux est composé de 24,19 oxygène et de 76,81 d'arsenic. La densité de l'acide transparent est de 3,7385, et celle de l'opaque de 3,699.

Car. chim. 10 L'acide arsenieux, en fragments ou en poudre, déposé sur un charbon ardent, se décompose et se vaporise complétement en vapeurs brunâtres, qui blanchissent à mesure qu'elles s'élèvent dans l'atmosphère, et répandent l'odeur alliacée. Un corps qu'on interpose dans ces vapeurs les condense en poudre brune (arsenic métal) tout près du charbon, et en poudre blanche, granuleuse, à une distance d'environ dix à vingt millimètres et plus. Le charbon agit comme corps désoxydant ou en s'emparant de l'oxygène de l'acide arsénieux.

L'arsenic réduit,forme les vapeurs brunes, lesquelles, deviennent blanches en se combinant avec l'oxygène de l'air, ou parce que l'arsenic passe de nouveau à l'état d'oxyde. L'odeur alliacée, attribuée d'abord à l'acide arsénieux, puis à l'arsenic, se produit au moment même où l'arsenic réduit s'oxyde de nouveau, et résulte évidemment de cette oxydation, comme cela a lieu avec le phosphore; car cette odeur ne se manifeste qu'au bout de quelques instants et à une certaine distance du charbon, par conséquent du lieu de réduction; et, si l'on chauffe l'acide arsénieux sur un fragment de verre, de porcelaine ou de tout autre corps non oxydable, il se vaporise en vapeurs blanches dans toute leur étendue, sans répandre d'odeur alliacée. Lorsque l'oxyde d'arsenic est volatilisé lentement dans un tube de verre fermé à une de ses extrémités, ses vapeurs se condensent sur les parois du tube en petits cristaux, vitreux, brillants, octaédriques, visibles à la vue simple, et surtout à la loupe. Ces divers caractères font bien supposer que c'est de l'oxyde blanc d'arsenic, mais n'en sont pas une preuve directe, comme le procédé de réduction suivant, procédé capital, puisqu'il s'applique à toute préparation arsénicale solide, et auquel on doit recourir dans toute expertise légale.

2o L'acide arsénieux, pulvérisé, mêlé avec deux ou trois parties de flux noir (mélange de charbon et de carbonate de potasse, voyez page 55), chauffé dans un tube de verre fermé à l'une de ses extrémités et effilé à l'autre, est décomposé, réduit en arsenic métal, qui, se volatilise et se condense sur les parois du tube, et offre les caractères suivants.

Caractères de l'arsenic. 10 L'arsenic (métal), ainsi obtenu, forme, sur les parois du tube, des anneaux, des croûtes, des incrustations plus ou moins épaisses et étendues, qui, vues par leur face externe ou adhérente au tube, sont miroitantes, d'un gris blenâtre, et, par leur face interne ou libre, d'un gris d'acier, brillantes, granuleuses. Grattées avec la pointe d'un canif, ces incrustations se détachent par petites lamelles friables, pulvérisab'es, dont les deux faces offrent l'aspect que nous venons d'indiquer; 2o déposées sur un charbon ardent,

ces lamelles se vaporisent complétement en vapeurs brunâtres d'abord, puis blanches, et avec odeur alliacée; 30 chauffées à une douce chaleur, dans une petite capsule de verre, de porcelaine, sur un fragment de fiole, avec un peu d'acide azotique ou d'eau-régale, ces lamelles se dissolvent avec légère effervescence. Le soluté, évaporé lentement jusqu'à siccité, laisse un résidu blanc d'acide arsénique, qui, touché avec quelques gouttes d'un soluté de nitrate neutre d'argent, se colore en rouge-brique (arséniate d'argent). L'acide azotique ou l'acide azoteux de l'eau-régale font passer l'arsenic à l'état d'acide arsenique, en lui cédant de l'oxygène. L'eaurégale est préférable, parce que l'acidification de l'arsenic est plus prompte et plus complète; mais alors, il faut assez chauffer le résidu, pour en dégager complétement l'acide hydrochlorique, autrement le nitrate d'argent donnerait un précipité rouge brique mélangé de blanc, ou formé d'arséniate et de chlorure d'argent. Lorsqu'on se sert de l'acide azotique, l'arsenic n'est souvent qu'en partie acidifié, et le résidu, formé d'acide arsénique et arsénieux, se colore, par le nitrate d'argent, en rouge brique mélangé de jauue (arséniate et arsénite d'argent); quelquefois même une portion de métal reste sans être oxydée; en ce cas, il faut chauffer le résidu avec une nouvelle quantité d'acide azotique. On peut, par ce procédé de réduction, avec 1760me, 1190me de grain, ou environ 112 milligr. d'acide arsénieux, obtenir des croûtes métalliques assez épaisses pour constater ces caractères. Lorsque la quantité de poison est excessivement faible, l'arsenic se condense sous forme de poudre brune-noirâtre et sans aspect métallique. Alors on casse le tube, après en avoir retranché la partie inférieure, et on traite les fragments sur lesquels la poudre est déposée, comme il a été dit pour les incrustations. Il faut même en agir ainsi dans la plupart des cas, parce que, par le grattage, on ne peut détacher complétement tout l'arsenic.

Ces divers caractères, c'est-à-dire, l'aspect physique de l'arsenic, l'odeur alliacée, et surtout, les réactions fournies par l'acide nitrique ou l'eau-régale, et le nitrate d'argent, sont

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