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moins modifié; ainsi, il n'altère pas dans leur couleur, leur consistance, etc., le vin, le cidre, la bière, les liquides albumineux, gélatineux, caséeux, le lait, le bouillon, les matières alimentaires, celles des vomissements; il n'est pas non plus altéré par les substances minérales que renferment habituellement les matières organiques. Comme il est peu soluble dans l'eau, et surtout dans les liquides organiques, d'après les expériences de Schéele, de Guibourt, etc., et qu'il est presque toujours donné en poudre assez grossière, on le trouvera en nature dans les parties solides et liquides, et, dans la majorité des cas, dix-neuf fois sur vingt, en poudre ou en petits fragments, dans les dépôts, dans les matières solides, ou à la surface du tube intestinal; c'est du moins ce qui résulte de la plupart des expertises légales. Cependant, par l'altération spontanée des matières organiques, il peut se former, soit de l'hydrogène sulfuré, qui transforme l'acide arsénieux en sulfure insoluble, soit de l'ammoniaque, qui le fasse passer à l'état d'arsénité d'ammoniaque soluble, soit de l'hydrogène, qui le dégage à l'état d'hydrogène arséniqué; mais ces cas sont excessivement rares, et ne se présentent guère que dans les exhumations longtemps différées, ou par un contact assez prolongé de mélanges organiques avec l'acide arsénieux.

Analyse. Des considérations précédentes, il résulte que, dans tous les cas d'expertise légale, il faut examiner si les matières organiques solides ou liquides, ne sont point sur nagées par une poudre blanche, qui quelquefois est en petits pelotons; si, dans les dépôts, sur les parois ou au fond des vases, n'existe pas de l'acide arsénieux en poudre ou en petits fragments, qu'on isolerait par des lavages, comme il sera indiqué ci-après, pour en constater les caractères. Quant à l'acide arsénieux dissous ou en poudre trop fine pour être séparé ainsi, il faut soumettre les matières organiques à l'un des procédés suivants. Comme nous l'avons fait jusqu'ici, pour les poisons importants, nous considérerons les matières organiques arsénicales d'après leur état d'agrégation.

A. Liquides organiques. Après avoir séparé les liquides des

dépôts, des précipités, et examiné si ceux-ci ne contiennent pas d'acide arsénieux solide, on soumet les premiers aux réactions suivantes : 1o si les liqueurs sont incolores et peu chargées de matière organique, ce qui est indiqué par leur peu de consistance, de viscosité, après les avoir acidulés par quelques gouttes d'acide chlorhydrique, on précipite l'acide arsénieux, à l'état de sulfure, en faisant passer à travers un excès de gaz sulfhydrique, et on réduit le sulfure par le flux noir, comme nous l'avons déjà indiqué, ou comme nous l'indiquerons ci-après, si le sulfure était mêlé à des matières organiques; 20 si les liquides sont colorés, tel que le vin, il convient de les décolorer préalablement par le charbon, le chlore ayant pour inconvénient, d'après Devergie, de transformer l'acide arsénieux en acide arsénique, lequel est moins facilement précipité à l'état de sulfure par l'acide sulfhydrique; 30 si les liquides sont albumineux ou caséeux (le lait, les solutés d'albumine), on les coagule par la chaleur et quelques gouttes d'acide acétique ou hydrochlorique, et on soumet les coagulés et les liquides aux mêmes analyses que les parties solides et liquides des matières des vomissements, etc. C'est ce qu'on ferait aussi pour les liquides chargés de beaucoup de matière organique, le bouillon, les consommés, les solutions de gélatine, etc. Dans tous ces cas, il faut peu compter sur les autres réactifs des solutés d'acide arsénieux, parce que les matières organiques, les sels qu'elles renferment habituellement, s'opposent à ce que les réactions soient nettes, caractéristiques, et même, dans quelques cas, donnent lieu à des réactions qui peuvent induire en erreur. Ainsi, le sulfate de cuivre ammoniacal colore en vert les liquides organiques jaunes ou jaunesbrunâtres, et surtout les décoctés de café non brûlé, d'oignons, et y produit des précipités de la même couleur. Le nitrate d'argent ammoniacal donne aussi, avec le décocté d'oignons, un précipité jaune, qui ressemble beaucoup à l'arsénite d'argent. D'ailleurs, comme nous l'avons déjà dit, si les liquides renfermaient des chlorures, le précipité, au lieu d'être jaune, serait blanc-jaunâtre, et les phosphates précipitent aussi en jaune

par le même réactif. Enfin l'eau de chaux forme, avec les matières organiques non arsenicales, des précipités blancs, ainsi qu'avec les carbonates, les phosphates qu'elles renferment. A cause de ces inconvénients, de ces erreurs, on ne doit employer ces réactifs que comme confirmatifs des réactions plus caractéristiques. Ces réflexions sont applicables à tout liquide organique arsenical.

B. Matières solides. La viande la farine, le pain et autres aliments solides servent quelquefois d'excipient à l'acide arsenieux solide, soit dans le but de masquer le crime, soit par inadvertance, soit pour servir d'appâts aux animaux qu'on veut empoisonner, et, dans ces deux derniers cas, il peut y avoir empoisonnement par imprudence. Dans tous ces cas, ou sépare l'acide arsenieux solide, en délayant, en agitant ces matières dans de l'eau distillée froide, et on soumet ensuite les matières aux mêmes procédés analytiques que les parties solides des vomissements, le tube intestinal, etc.

C. Matières solides et liquides: celles des vomissements, ou renfermées dans le tube intestinal, potages, bouillies, etc. Il faut examiner, comme dans les deux cas précédents, si à la surface des matières, si sur les parois et au fond des vases, dans lesquels elles sont déposées, ne se trouve pas de l'acide arsenieux solide. Pour l'en séparer, on délaye le tout dans suffisante quantité d'eau distillée froide pour faire une bouillie très-claire, et l'on décante pendant que les matières sont encore en suspension. Le résidu, délayé dans un peu d'eau des lavages, est décanté de nouveau. Après trois ou quatre opérations de cette nature, on peut ainsi isoler l'acide arsenieux solide, qui serait simplement mêlé aux matières organiques, et qui, étant plus pesant, se dépose an fond du vase. Si les matières sont en fragments trop gros pour être décantées, on les divise préalablement, ou bien on les sépare de l'eau, après les avoir agitées dans ce liquide, pour en détacher toutes les parties adhérentes.

D. Acide arsenieux dans le tube intestinal. Après avoir enlevé les matières contenues dans l'estomac, et s'être assuré si elles ne sont point mêlées à de l'acide arsenieux, comme nous

l'avons indiqué dans le paragraphe précédent, on examine, soit à la vue simple, soit à la loupe, si sur la muqueuse ou entre ses replis, ne se trouvent pas de petits fragments blancs, durs, anguleux, qui quelquefois sont enchatonnés dans cette membrane. On les séparerait à l'aide de petites pinces, ou mieux encore par des lavages ou en immergeant à plusieurs reprises la face muqueuse dans de l'eau, et jusqu'à ce que toutes les parties adhérentes en soient détachées. Ces parties, délayées dans l'eau, dans un vase conique, laisseront au fond, après décantation, l'acide arsenieux, dont on constaterait les caractères. On agirait de même sur les petits et les gros intestins. Nous verrons ci-après que de petits globules albumineux ou graisseux, peuvent, dans quelques cas, en imposer pour de l'acide arsenieux.

Pour déceler l'acide arsenieux dissous ou mêlé aux matières organiques (celles des vomissements, tube intestinal, etc.) en poudre trop fine pour être séparée par des lavages, on a recours à l'un des procédés suivants, qui ont tous pour but de le débarrasser autant que possible de ces matières, soit en les traitant par l'eau, soit en les précipitant, en les décomposant par des réactifs chimiques (acide nitrique, azotate de potasse, etc. On transforme ensuite l'acide arsenieux en sulfuré d'arsenic, en arsenite, en arseniate de chaux, de plomb insolubles, qu'on réduit par l'un des procédés qui l'un des procédés qui nous sont déjà connus. Nous exposerons d'abord, et avec assez de détail, le procédé habituellement suivi par les toxicologistes français et anglais, ou le procédé ordinaire, qu'on peut résumer ainsi : Faire bouillir les matières organiques arsenicales dans de l'eau distillée; filtrer; aciduler les liqueurs avec quelques gouttes d'acide chlorhydrique; précipiter l'acide arsenieux à l'état de sulfure par l'acide sulfhydrique; réduire le sulfure par le flux noir ou autre agent réductible. Voici d'ailleurs le manuel opératoire.

A. Procédé ordinaire. Introduisez les matières liquides et solides (ces dernières étant préalablement divisées) dans un matras, et ajoutez 250 à 500 gram. d'eau distillée, si la quantité

des liquides est insuffisante; faites bouillir au bain de sable pendant environ 1 heure; laissez refroidir; séparez la graisse qui vient surnager; passez à travers un filtre préalablement mouillé; et, lorsque la filtration est terminée, ce qui n'a lieu quelquefois qu'au bout de 6, 12, 24, 48 heures, selon la viscosité des liqueurs, versez environ 120 à 150 gram. d'eau distillée sur les matières restées sur le filtre; réunissez les liqueurs ; évaporez-les au bain de sable à un petit volume, puis, jusqu'à siccité dans une capsule plus petite et an bain marie; délayez le résidu dans 60 à 100 gram. d'eau distillée; faites bouillir au bain de sable pendant quelques minutes; laissez refroidir; passez à travers un filtre humide; acidulez les liquides filtrés avec quelques gouttes d'acide hydrochlorique, et, s'ils se troublent, filtrez de nouveau; versez-y un excès d'acide sulfhydrique liquide, ou mieux encore, faites passer à travers et pendant 20 à 50 minutes un courant de ce gaz acide. La liqueur qui était légèrement brune s'éclaircit d'abord, devient ensuite jaune-serein, et se trouble, si elle contient de l'acide arsénieux. Afin d'accélérer la formation du sulfure d'arsenic on fait bouillir les liqueurs, ou mieux encore, on les abandonne à elles-mêmes, jusqu'à ce que le précipité soit bien formé, ce qui n'a lieu le plus souvent qu'au bout de 6, 12, 24 ou 48 heures et plus, ou lorsque l'excès d'acide sulfhydrique s'est complétement dégagé, le sulfure d'arsenic étant soluble dans cet acide. On décante, on jette le précipité sur un petit filtre humide, on lave le résidu resté sur le filtre d'abord avec de l'eau distillée, puis, et après avoir changé de récipient, avec de l'eau distillée mêlée avec 1730me d'ammoniaque, dans le but de dissoudre le sulfure d'arsenic, de le séparer du soufre, ou des matières organiques qui se sont déposées conjointement. On repasse plusieurs fois la liqueur ammoniacale sur le filtre et on l'évapore à siccité en la versant portions par portions sur une petite capsule chauffée au bain de sable, afin de rassembler le sulfure au centre de la capsule. On délaye le résidu dans quelques gouttes de soluté de potasse pour le détacher, et on le mêle avec du flux noir. Après avoir desséché le mélange, on

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