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l'acide arsénique. Lorsqu'on opère sur des matières bien desséchées, non grasses et avec une quantité convenable d'acide, l'opération est prompte et donne d'assez bons résultats. La proportion d'acide varie selon la nature et l'état de sécheresse des matières, M. Orfila indique 2 et 1/2 a 3 part. d'acide azotique à 419 pour 1 part. de matières non grasses et bien desséchées (poumons, foie, rate, reins, muscles, tube intestinal), et 6 part. d'acide, pour les tissus graisseux (cerveau, cervelet, moëlle épinière). Lorsque la quantité d'acide est trop faible, la carbonisation s'opère mal, et, au lieu d'un charbon sec, friable, etc., on obtient une matière poisseuse, noire, qu'il est nécessaire de soumettre à une nouvelle opération, avec une nouvelle portion d'acide; mais alors la carbonisation s'opère avec flamme. C'est ce qui a lieu aussi, si l'acide azotique est en excès, si les matières sont grasses, si on n'a pas le soin de retirer assez à temps la capsule du feu. Dans tous ces cas, il y a perte assez notable d'arsenic. Ajoutons que les liqueurs arsenicales sont presque toujours jaune-brunâtres ou brunâtres, qu'elles moussent beaucoup à l'appareil de Marsh, ce qui nécessite de suspendre l'opération; qu'elles donnent enfin des taches arsenicales impures. A cause de ces inconvénients, et de quelques autres que nous signalerons ci-après, M. Orfila, a presque complétement renoncé à ce procédé, et préfère celui de l'incinération par zotate de potasse.

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C. Procédé de l'incinération par l'uzotate de potasse (Orfila). Dans les procédés de Rapp, de Thénard et de Persooz, nous avons fait connaître l'emploi et le rôle de l'azotate de potasse pour brûler les matières organiques et en retirer l'arsenic. M. Orfila a modifié ces procédés de la manière suivante (Rapport de M. Caventou): 10 si l'on agit sur des liquides organiques arsenicaux (sang, urines, lait, décoctés de matières animales, etc.), on y dissout de l'azotate de potasse pur, et on évapore, dans une capsule de porcelaine, d'abord à feu nu, puis au bain-marie, jusqu'à siccité, en ayant soin de bien remuer, afin d'avoir un mélange homogène; 2o si ce sont des tissus mous (foie, poumons, rate, reins, cerveau, etc.), on les

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broie dans un mortier avec le double à peu près de leur poids de nitre, on pétrit le mélange avec les mains, afin de déchirer les tissus, de les réduire en bouillie épaisse, dans laquelle le sel se trouve également réparti, et on dessèche le mélange comme ci-dessus; 3o les matières sèches seraient broyées avec le nitre, si elles étaient friables : dans le cas contraire, on les ramollirait préalablement, en les chauffant avec un peu d'eau, ou bien encore, on agirait sur leurs décoctés.

Après ces opérations préliminaires, comme il n'est pas possible avant, de fixer d'une manière précise la quantité de nitre, on chauffe un creuset de terre au rouge obscur, et, à titre d'essai, on projete dedans, environ 40 à 60 centig. (8 à 12 grains) du mélange organico-salin. Si la déflagration est vive, complète, et le résidu salin incolore, grisâtre, gris-jaunâtre, c'est une preuve que la proportion du nitre est assez forte pour brûler la matière organique; si, au contraire, la déflagration est lente, incomplète, et le résidu noirâtre, charbonneux, il faut ajouter, à priori, une nouvelle quantité de nitre à la masse, et opérer une nouvelle incinération d'essai. Lorsqu'on s'est assuré que le nitre est suffisant, on brûle tout le mélange en le projetant dans le creuset, par portions de 1 à 2 gram, en attendant chaque fois que la déflagration soit terminée. Il s'opère une combustion des plus vives, due à la réaction de l'oxygène de l'acide azotique du sel sur les éléments de la matière organique, d'où résulte de l'eau, du gaz acide carbonique, de l'azote, des vapeurs nitreuses, etc., et l'acide arsenieux est transformé en acide arsénique. Le produit de l'incinération consiste en une masse saline en liquéfaction, composée de beaucoup de carbonate et d'hyponitrite de potasse, de nitre indécomposé, d'arseniate de potasse, des sels que contiennent habituellement les matières organiques (chlorures, phosphates), ou qui se sont formés pendant l'opération (phosphates, sulfates). M. Orfila, pense même qu'une portion d'acide arsénique peut s'y trouver à l'état d'arseniate de chaux, de fer insolubles. On retire le creuset du feu, et, lorsque le produit salin a acquis une consistance molle, on le délaie peu à peu dans l'eau dis

tillée afin d'éviter les projections, et on le transvase dans une capsule de porcelaine. On ajoute une nouvelle quantité d'eau dans le creuset, on fait bouillir pour dissoudre, détacher toutes les matières adhérentes.

Sur les liqueurs réunies dans une capsule de porcelaine, on verse peu à peu de l'acide sulfurique, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'effervescence, laquelle est due au dégagement du gaz acide carbonique. On ajoute alors un excès d'acide et on évapore jusqu'à presque complète siccité, ou plutôt, jusqu'à ce qu'il ne se dégage plus de vapeurs nitriques et nitreuses. On délaie le résidu dans 60 à 120 gram. d'eau, on fait bouillir de nouveau, et on soumet les liqueurs filtrées à l'appareil de Marsh. M. Orfila conseille avant, de les laisser en repos, afin d'isoler le sulfate de potasse qui se sépare par cristallisation, et l'acide arsénique reste dissous dans les eaux-mères. On décante, on lave le sulfate de potasse à l'eau distillée, et on retire l'arsenic des liqueurs réunies. Cette précaution n'est pas indispensable, lorsque le sulfate de potasse est peu abondant, car il reste à démontrer si, ce sel, en cristallisant, n'entraîne pas une portion d'arseniate de potasse, qu'on ne pourrait séparer par de simples lavages.

Réflexions. Ce procédé n'est, en réalité, qu'une modification, qu'une imitation des procédés de Rapp, de Thénard et de Persooz. Si le nitrate de potasse n'était pas intimement mêlé avec les matières organiques, l'incinération serait incomplète, et la portion de charbon hydrogèné non brûlée, réduirait en partie l'acide arsénieux ou arsénique, d'où résulterait une perte assez grande d'ai senic. C'est l'inconvénient qu'offre le procédé de Rapp, et qu'ont voulu éviter M. Orfila, et avant lui, même plus complétement, MM. Thenard et Persooz, qui font dissoudre les matières dans l'acide azotique avant de les mélanger avec le nitre. Malgré ces précautions, il y a toujours, par le procédé de l'incinération, une perte assez notable d'arsenic, et souvent, la déflagration est si vive, que la matière est projetée hors du creuset; celui-ci peut même se briser.

On traite le produit de l'incinération par l'acide sulfurique,

dans le but de dégager les acides carbonique, nitreux et nitrique; car, si la liqueur soumise à l'appareil de Marsh, renfermait de ces deux derniers acides, ils s'opposeraient à la production, au dégagement du gaz hydrogène arsenié, en le transformant en eau et en acide arsénieux, et pourraient même donner lieu à une explosion. M. Orfila pratique cette opération à vase ouvert; mais, comme les matières organiques contiennent habituellement des chlorures décomposables par l'acide sulfurique, on s'expose à perdre de l'arsenic qui, se dégagerait à l'état de chlorure. C'est ce qu'a démontré M. Persooz, pag. 312. Il vaut mieux opérer à vase clos ou dans une cornue. Le produit distillé serait reçu dans l'eau, qui, transformerait le chlorure d'arsenic en acides chlorhydrique et arsenieux, évaporé à siccité pour chasser le premier acide, repris par l'eau et réuni aux autres liqueurs arsenicales. Le chlorate de potasse sert aussi à incinérer les matières organiques.

MM. Fordos et Gelis (Journ. chim. méd., mai 1842), se prononcent en faveur du procédé de l'incinération, par les raisons que nous donnerons plus tard, et proposent de modifier ce procédé comme il suit: Faites bouillir les matières animales. (foie, rate, muscles, etc.) dans l'eau, en ajoutant peu à peu de la potasse à l'alcool, jusqu'à ce qu'elles soient complétement dissoutes; saturez les liqueurs à froid par l'acide azotique étendu d'eau, lequel, détermine aussi la précipitation d'une assez forte proportion de matière organique; filtrez; évaporez les liqueurs à une douce chaleur jusqu'à siccité : le résidu qui est blanc-jaunâtre et se détache facilement de la capsule, est incinéré, en le projetant portions par portions dans un creuset de hesse un peu grand et chauffé modérément. La déflagration s'opère lentement et sans projection de matière hors du creuset, comme cela a lieu quelquefois dans le procédé Orfila. Le produit est traité par l'acide sulfurique pour dégager les acides azotique et azoteux, et soumis ensuite à l'appareil de Marsh. D'après ces chimistes, ce mode opératoire a tous les avantages de celui suivi par Orfila, et n'en offre pas quelques-uns des inconvénients. Dans les cas où l'on aurait employé une

forte proportion de potasse, pour dissoudre les matières animales, il y aurait avantage, d'après MM. Fordos et Gelis, de saturer les liqueurs par un mélange d'acides azotique et chlorhydrique. L'azotate de potasse serait ainsi en moins grande quantité, et le chlorure de potassium faciliterait l'incinération, en empêchant la déflagration; mais, la déperdition de l'arsenic, à l'état de chlorure, lors de la décomposition du produit de l'incinération par l'acide sulfurique, doit être alors très-considérable. On nous a dit que M. Orfila, dans ses leçons, avait adopté la modification proposée par MM. Fordos et Gelis.

D. Procédé de l'incinération par M. Devergie. Desséchez modérément les matières à analyser; notez-en le poids; faites-les bouillir dans une capsule de porcelaine avec un peu d'eau distillée; ajoutez successivement quelques fragments de potasse à l'alcool, jusqu'à dissolution de la matière organique, et ensuite, un poids égal de nitrate de chaux à celui de la matière animale, le quart de ce poids de chaux vive et suff. quant. d'eau, pour avoir un mélange parfaitement homogène. La chaux du nitrate est mise à nu par la potasse, et, par double décomposition, il se forme de l'arsenite de chaux et du nitrate de potasse; le mélange s'épaissit beaucoup, devient calcaire. On le dessèche en le chauffant et l'agitant, jusqu'à ce qu'il se détache par petits grumeaux des parois de la capsule, et qu'il soit réduit en poudre grossière; on élève alors la température, et, lorsque le mélange commence à brunir, on l'abandonne à lui-même. Par une combustion lente et successive, la matière devient charbonneuse. Dans quelques cas, la combustion est plus active, s'opère même avec flamme, et le produit, au lieu d'être charbonneux, est blanc, calcaire, mêlé çà et là à des points charbonneux. Lorsqu'on approche un charbon en ignition d'une portion de la matière chauffée, la combustion se communique spontanément de proche en proche, et on obtient un excellent produit. Délayez le résidu dans un peu d'eau ; ajoutez goutte à goutte de l'acide hydrochlorique, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'effervescence; terminez cette opération à une douce chaleur, afin de ne pas ajouter un trop grand excès

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