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Telles sont les trois données fondamentales qui président à la confection de l'appareil de Marsh, et qui ont fixé surtout l'attention des toxicologistes. Il n'est pas dans le but de ce traité de faire l'historique complet de cet appareil, d'indiquer toutes les modifications qu'on y a apportées ou qui ont été proposées. Nous décrirons d'abord, et comme point de départ, l'appareil tel que Marsh l'a employé, et ensuite, tel qu'il a été modifié par MM. Flandin et Danger, par la commission de l'Institut et par M. Orfila. Avant, nous croyons bien faire, que d'exposer quelques propriétés du gaz hydrogène arsenié, en tant qu'elles se rattachent à notre sujet.

Gaz hydrogène arsenie. L'arsenic, forme, avec l'hydrogène, deux composés: 1° l'hydrure d'arsenic, qui est en poudre brune, floconneuse, et se produit dans des circonstances assez variées; 2o l'hydrogène arsenié ou arseniqué, arseniure trihydrique, gaz qui a été découvert par Scheele, en 1777, et qui se développe toutes les fois que l'hydrogène naissant est en présence d'une préparation arsenicale oxydée, ou qu'un alliage arsenical de zinc, d'étain, de potassium, etc., a le contact de l'eau seule ou acidulée. Ce gaz est incolore, d'une odeur fétide, désagréable, alliacée, environ cinq fois plus pesant que l'air, soluble dans cinq fois son volume d'eau, inflammable au contact de l'air ou de l'oxygène, sous l'influence de l'électricité ou d'un corps en combustion. Il se décompose en hydrogène et arsenic au rouge brun; par le chlore gazeux et avec flamme, en acide chlorhydrique et chlorure d'arsenic; par le chlore et les hypochlorites liquides, en acides chlorhydrique et arsenieux. L'acide azotique, l'eau régale, l'acide sulfurique bouillant ramènent aussi le gaz hydrogène arsenié à l'état d'acide arsenieux. Ce gaz est sans action sur l'acide sulfhydrique, les sulfures alcalins, l'alcool, l'éther. Inaltérable par l'eau distillée, l'eau aérée le transforme en acide arsenieux et en hydrure d'arsenic. Enfin, ce gaz réduit la plupart des sels formés par les métaux qui ont peu d'affinité pour l'oxygène, ceux de mercure, de cuivre, de la sixième section, et surtout,

le nitrate d'argent. Dans ces réactions, il passe ordinairement à l'état d'acide arsenieux.

Scheele, Proutt, Stromeyer, Thenard, Gay-Lussac, Tromsdorff, Gehlen, et plus récemment, Șoubeiran et Dumas, ont fait connaître les propriétés physiques et chimiques du gaz hydrogène arsenié, mais ne les ont pas appliquées aux recherches toxicologiques. Serullas, en 1821, en faisant réagir à chaud le tartrate acide de potasse (crème de tartre) sur les préparations antimoniales, obtint un alliage de potassium et d'antimoine, qui, au contact de l'eau, dégageait parfois du gaz hydrogène arsenié; il trouva ainsi que plusieurs de ces préparations étaient arsenicales, et conçut l'idée de faire l'application de cette découverte à la recherche de l'arsenic, dans les expertises toxicologiques. A cet effet, il conseillait de calciner les matières suspectes avec de la crème de tartre et de l'antimoine pur, dans le but de former un alliage arsenical, lequel, étant mis dans l'eau dégagerait du gaz hydrogène arsenié. Par ce procédé, Sérullas, décéla un huitième de grain ou environ six milligrammes d'acide arsenieux dans des quantités assez notables de matière arsenicale.

L'idée de Serullas était tombée dans l'oubli, ou plutôt, les toxicologistes ne l'avaient pas encore appliquée aux expertises judiciaires, lorsque, Marsh, en 1856, s'empara de cette idée, la féconda, et formula enfin un appareil, dans lequel, en mettant en contact le liquide arsenical, avec un des corps propres au développement du gaz hydrogène, l'eau, le zinc et l'acide sulfurique, il se produisait du gaz hydrogène arsenié, gaz qu'il brûlait lentement à l'air, en le faisant passer par l'extrémité effilée d'un tube, pour en retirer l'arsenic sous forme de taches. Par ce procédé, il démontra qu'on pouvait apprécier non-seulement quelques milligrammes d'arsenic, mais encore, des quantités extrêmement minimes, et qui, dans les recherches toxicologiques, échappaicut aux réactifs ordinaires. La planche suivante représente d'ailleurs cet appareil.

Appareil de Marsh primitif.

Il se compose, d'un tube de verre A, recourbé en U ou en siphon, de 2 à 2 1/2 centimètres de diamètre intérieur, à branches inégales, dont la plus courte a environ 135 millim. de long, et la plus longue environ 217 millim., ouvert à ses deux extrémités, et fixé dans une position verticale, au moyen d'un support, de manière à ce que les ouvertures soient en haut. Un tube de métal B, effilé, terminé par une ouverture circulaire de 2 à 3 millim. de diamètre, et muni d'un robinet, est adapté, au moyen d'un bouchon percé, à la petite brauche. Une lame de zinc Cest suspendue ou fixée dans cette branche à quelques millim. au dessus de sa courbure.

A

L'appareil étant ainsi disposé, Marsh, pour décéler l'arsenic dans une matière organique, la met à digérer dans de l'eau chaude, pour en séparer ou dissoudre l'arsenic, filtre, et acidule les liqueurs avec environ un septième d'acide sulfurique, et les introduit par la longue branche du tube, jusqu'à ce qu'elles arrivent à peu de distance du bouchon. Il ferme le robinet, qui, jusqu'alors était resté ouvert. Par la réaction du liquide arsenical acidulé sur le zinc, il se forme du gaz hydrogène arsenié, qui, refoule la colonne de liquide de la petite branche dans la grande. La réaction cesse lorsque la lame de zinc n'est plus mouillée par le liquide. On ouvre alors le robi

net, on enflamme le gaz, et on reçoit la flamme sur une capsule de porcelaine, avec les précautions que nous indiquerons ci-après, pour recueillir les taches arsenicales (système des taches); ou bien encore, comme le pratique Marsh, en dirigeant la flamme dans l'ouverture inférieure d'un tube de verre, d'environ 127 millim. de long et de 7 millim. de diamètre, ouvert à ses deux extrémités, et tenu dans une inclinaison de 40 à 45o, on constate ainsi trois caractères arsenicaux: 1° les taches arsenicales, sur la partie du tube touchée par la flainme; 2o un peu au dessus, une poudre blanche en cristaux octaédriques (acide arsenieux); 3o l'odeur alliacée, en approchant le nez de l'autre extrémité effilée du tube. A mesure que le gaz hydrogène est brûlé, le liquide remonte dans la petite branche, et de nouveau en contact avec la lame de zinc, il se produit une nouvelle quantité de gaz. L'opération est continuée jusqu'à ce qu'on n'obtienne plus de taches arsenicales, ou qu'on soit parfaitement convaincu de la présence ou de l'absence de ce poison dans les matières suspectes.

Réflexions. Le procédé de Marsh, donne des résultats assez nets, avec des liqueurs arsenicales peu ou pas chargées de matière organique, et l'on peut, en dirigeant la flamme dans le tube, constater trois caractères qui ne laissent pas que d'avoir leur valeur, car, il suffirait d'y ajouter la réaction par l'acide nitrique et le nitrate d'argent pour établir une conviction entière. Cet appareil offre les inconvénients suivants: 1o étant un peu compliqué, il n'est point à la portée de tous les médecins-experts; 20 d'une contenance peu grande, on ne pourra, dans beaucoup de cas, opérer sur la totalité des liqueurs. Marsh, propose alors un appareil plus grand et qui a beaucoup d'analogie avec le briquet à gaz hydrogène. Ajoutons encore que, le dégagement du gaz étant intermittant, on sera obligé de suspendre de temps en temps l'opération; 3o cependant, l'objection fondamentale ne porte pas sur l'appareil en lui-même, mais plutôt, sur les liqueurs arsenicales, qui, étant obtenues par décocté, sont en général chargées de beaucoup de matière organique, donnent une mousse épaisse, et s'opposent au

dégagement du gaz, et le plus souvent, avant de l'enflammer, il est nécessaire d'attendre que la mousse soit affaissée, ce qui est ordinairement fort long. Malgré ces précautions, des portions de mousse ou de liqueur sont entraînées par le gaz, décomposées par la flamme, en produits qui rendent les taches arsenicales impures, en masquent plus ou moins les caractères physiques et chimiques, et qui même peuvent donner des taches non arsenicales. Marsh, pour empêcher la formation de la mousse, conseille de placer une couche d'huile à la surface du liquide de la petite branche; mais ce corps ne s'y oppose qu'incomplétement, de même que l'alcool, l'essence de térébenthine, proposés plus récemment, et qui, d'ailleurs, empêchent quelquefois la production du gaz hydrogène arsenié, ou exposent à une détonation.

Pour remédier à ces inconvénients, les toxicologistes ont apporté ou proposé quelques modifications au procédé de Marsh, portant, soit sur l'appareil en lui-même, soit sur les liqueurs, soit sur le gaz hydrogène arsenié. Quant aux liqueurs, on a cherché à les priver autant que possible de matière organique. M. Orfila, dans le procédé ordinaire, pag. 309, conseille de les précipiter par l'alcool, moyen qui a été aussi employé par M. Braconnot, pour déceler l'arsenic dans une gelée, mêlée à de la viande, ainsi que par MM. Boissenot, Lépine et Canal, dans une expertise légale. Ces derniers médecins se sont assurés, expérimentalement, que les décoctés des matières organiques étaient assez complétement dépouillés de ces matières par l'alcool, pour en obtenir des taches arsenicales assez pures à l'appareil de Marsh, Ce procédé est sans doute très-simple, peu sujet à erreur, puisqu'on n'emploie qu'un seul réactif. Mais, ces essais n'ont point encore été assez variés, et ensuite, comme par décocté dans l'eau on n'enlève pas tout l'arsenic aux matières solides, on s'expose à perdre de ce poison. Aussi, les toxicologistes, pour déceler l'arsenic absorbé, préfèrent-ils les procédés de la carbonisation et de l'incinération.

Relativement à l'appareil en lui-même, on l'a remplacé d'abord par un flacon, une fiole à médecine, munis du tube effilé

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