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n'ait pas été donné comme poison; circonstances, que le médecin-expert ne doit pas ignorer et qu'il doit faire connaître, soit dans son rapport, soit dans sa déposition verbale, afin d'éclairer le jury, qui, en général, peu expert en cette matière, croît à l'empoisonnement, parce qu'on a obtenu de l'arsenic. A l'épo que de l'affaire Lafarge, nous avions réuni, dans un petit mémoire, ces diverses circonstances, dont la plupart se sont vérifiées. Comme ce mémoire n'a pas été publié, en voici le

résumé.

:

Aliments boissons. Les matières alimentaires ne sont pas ordinairement arsenicales. MM. les membres de la commission de l'Institut, n'ont pas même retiré d'arsenic du blé chaulé avec l'acide arsénieux; mais, comme ce poison est souvent employé pour détruire les animaux, qu'à cet effet, on le mêle à de la farine, du fromage, de la graisse, etc., ne peut-il pas arriver que, par mégarde, ces matières intoxiquées soient mêlées avec des aliments de même nature? Assez souvent dans les campagnes, pour se débarrasser de ces matières, on les enfouit en terre ou dans du fumier. Les plantes culinaires, alimentées par cette terre, par ce fumier, ne peuvent-elles pas acquérir des propriétés toxiques? Les expériences de MM.Flandin et Danger, démontrent que ces plantes, sont non seulement toxiques pour les animaux, mais encore que la chair de ces animaux, l'est aussi pour d'autres, et que les viscères de ces derniers donnent de l'arsenic à l'appareil de Marsh. Ajoutons enfin que quel-' ques préparations arsenicales, l'arsenite de cuivre, les sulfures d'arsenic servent à colorer les bonbons, les feuilles artificielles, les joujous d'enfants, etc.

Du sel commun, ayant occasionné, à Meaux et à Paris, des accidents assez graves, pour éveiller l'attention de la police: l'analyse démontra qu'il renfermait, par 30 grammes, 114 de grain ou environ 2 centigrammes d'acide arsenieux. Ce sel, avait probablement servi à conserver les peaux qui nous viennent d'Amérique. Ordinairement on le mêle avec de l'arsenic, afin que ces peaux ne soient pas attaquées par les insectes,

Quant aux boissons, elles ne sont pas non plus arsenicales ;

cependant, elles peuvent le devenir dans des circonstances particulières. Nous avons déjà cité le fait suivant. A Nancy, plusieurs personnes éprouvent des symptômes d'intoxication assez graves pour éveiller l'attention de la police; quelques-unes de ces personnes succombèrent. L'expertise démontra que ces accidents dépendaient de l'eau d'un puits qui leur servait de boisson. Cette eau, qui donna des taches arsenicales à l'appareil de Marsh, et dans laquelle, on n'avait pu constater l'arsenic par le procédé ordinaire, était empoisonnée par les eaux provenant d'une fabrique de papiers peints, lesquelles, se rendaient dans les fossés de la ville, et delà, s'infiltraient à travers les terres dans le puits. (L'arsenite de cuivre sert à peindre les papiers en veit.) Qu'une des personnes mortes, ait été soupçonnée d'avoir été empoisonnée; que le cadavre d'une personne soupçonnée aussi d'empoisonnement par homicide, ait été inhumé dans le terrain à travers lequel s'infiltraient les eaux de la fabrique ? quelles conséquences funestes? Dans quelques provinces, on soufre les tonneaux dans lesquels sont conservés le vin ou autres boissons. Si c'était avec du soufre arsenifere, ces liqueurs ne pourraient-elles pas devenir arsenicales? Plusieurs personnes, dans un repas, furent gravement incommodées. L'expertise, faite par Christison, démontra de l'arsenic dans le vin d'une des bouteilles; cependant, le maître de la maison avait été chercher le vin à la cave, et avait lui même débouché cette bouteille. La supposition précédente, ne peutelle pas expliquer la présence de cet arsenic dans le vin?

Ustensiles de cuisine. L'étain, le fer, le zinc, d'un usage fréquent dans l'art culinaire, peuvent être arsenicaux. Quoique ces métaux soient plus oxydables que l'arsenic, et s'opposent à ce qu'il acquière des propriétés toxiques, n'y a-t-il pas des circonstances où il pourrait être dissous par les aliments, par les boissons? M. Batilliat, pharmacien à Mâcon, a retiré d'un alliage denickel arsenical ou faux cuivre d'Allemagne, fréquemment usité dans le nord, pour faire des fontaines, des robinets, etc., une quantité assez notable d'arsenic. Un des rédacteurs du Journal de Chimie Médicale, ayant laissé, pen

dant quelque temps, un de ces robinets dans du vin, ce liquide a donné de l'arsenic à l'appareil de Marsh, ainsi que du cuivre. Les accidents qu'on attribue à ce dernier métal, ne peuvent-ils pas dépendre quelquefois de l'arsenic? Ne peut il pas en résulter de graves erreurs dans les cas d'expertise judiciaire ?

Médicaments. Les préparations arsenicales sont employées comme médicaments, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur. Quoique MM. Flandin et danger n'aient pas retiré de l'arsenic de l'urine des individus soumis à un traitement arsenical, M. Orfila et d'autres toxicologistes ont obtenu des résultats différents. Plusieurs préparations antimoniales contiennent de l'arsenic, ainsi que les préparations ferrugineuses, et surtout les sesquioxydes et le carbonate de fer, employés comme contre-poison des prépara tions arsenicales. M. Audouard, de Béziers, a retiré aussi de l'arsenic, par le procédé de Lassaigne, de quelques échantillons d'alun et de sulfate de soude. Les conséquences de ces faits, en toxicologie légale, sont faciles à déduire.

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Bougies. Il y a quelques années, on vendait des bougies arsenicales. Ces bougies, en brûlant, répandaient une odeur alliacée, et occasionnèrent des acciden ts assez graves pour exiger une enquête judiciaire. Il fut reconnut, 1o que chaque bougie renfermait environ quatre grains anglais d'acide arsénieux; 2o qu'en dirigeant la flamme dans un tube, il s'y condensait de l'arsenic; 3o que des animaux (oseaux, etc.), placés dans une chambre où brûlaieut ces bougies, ne tardaient pas à succomber; 4o que l'eau placée dans cette chambre devenait arsenicale, qu'enfin de l'acide arsénieux se condensait sur les meubles, sur les objets de cette chambre. L'introduction de l'acide arsénieux dans les bougies, sert à rendre la graisse plus dure, la flamme plus blanche, e à faire adhérer la mèche. Le gaz hydrogène arsénié peut se développer spontanément ou par réaction chimique. Ce gaz est très-délétère. Gehlen et Bullocke ont succombé e n le préparant. Les expériences de MM. Flandin et Danger, démontrent que, dans l'intoxication

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par les voies de la respiration, l'arsenic peut être décélé dans, les mêmes organes que dans l'intoxication par ingestion. Dans un cas de suspicion d'homicide par empoisonnement chez, une personne soumise à ces diverses influences, on conçoit les erreur's graves qui en résulteraient,

Arsenic normal. MM. Couerbe et Orfila admettaient que les os contiennent de l'arsenic, et, M. Devergie, avait retiré des taches arsenicales du bouillon, ce qui faisait supposer que les muscles étaient aussi arsenicaux. Cependant, les mêmes expériences qui avaient servi a admettre ce fait, ont donné des résultats négatifs, même entre les mains de M. Orfila, Ce chi miste calcinait les os sur une grille, les décomposait ensuite par l'acide sulfurique, lavat le sulfate de chaux, et soumettait. le résidu des eaux du layage à l'appareil de Marsh. MM, les membres de la commission le l'Institut, pensant que l'arsenic, s'il existait dans les os, meme à l'état d'arséniate de chaux, pourrait être réduit par la calcination, ont traité ces organes, d'abord par l'acide hydrochlorique pour dissoudre la partie calcaire, précipité le soluté par l'acide sulfurique, lavé le précipité, et les liqueurs réunies ont été évaporées à siccité. D'un autre côté, ils ont carbonnisé la gélatine, réuni les liqueurs provenant du charbon, à celle de la, dissolution chlorhydrique, les ont soumises à l'appareil de Marsh, et n'en ont pas retiré. d'arsenic. MM. Flandin et Danger ont décomposé les os, lesmuscles, dans des vases fermes, brûlé les produits gazeux, traité les produits charbonneux et Iquides par l'eau régale, et ensuite par l'eau, soumis les liqueurs éunies à l'appareil de Marsh et n'en ont pas non plus obtenu darsenic. De ces expériences, il faut conclure que nos organes ne contiennent pas normalement d'arsenic, du moins appréciable à l'appareil de Marsh, que, par conséquent, cette cause l'erreur qui a donné lieu à tant de discussions, n'est plus à craindre. Les analyses ont porté sur les os et les muscles, probablement parce que M. Orfila avait annoncé que les viscères n'étaient pas normalement arsenicaux.

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Terrains arsenicaux. Des expériencesde M. Orfila, sur quatre.

espèces de terrains, il en résulterait que quelques-uns sont ar senicaux. Sur 8 expériences il a obtenu trois fois d'arsenic ; une fois, dans l'affaire Mercier, de la terre du cimetière de Villey-sur-T'Isle, avec MM. Lesueur, Devergie, Ollivier d'Angers, les deux autres fois, du terrain du cimetière Montparnasse et du jardin de botanique actuel de l'école. De la terre prise en des endroits différents du même cimetière, a donné des résultats opposés; c'est ce qui est arrivé à Villey-sur-TIsle. M. Orfila a opéré chaque fois sur 3 kilog. et 112 de terre préa labiement criblée, qu'il traitait d'abord par l'eau froide, puis par l'eau bouillante, et ensuite par environ 2 kilog. et 112 d'acide sulfurique. Il soumettait séparément chaque résidu des eaux des lavages à l'appareil de Marsh. Comme il n'a obtenu des taches arsenicales, qu'avec l'acide sulfurique, il pense que l'arsenic se trouve dans les terres à l'état insoluble d'arsénite ou d'arséniate de chaux, etc. M. Devergie propose d'agir sur 7 kilog. de terre, et de remplacer l'acide sulfurique par l'acide hydrochlorique, comme moins sujet à être arsenical, car il n'est pas éloigné de croire que les taches arsenicales, fournies par le terrain du cimetière de Villey-sur-TIsle, provenaient de l'impureté et de la quantité d'acide sulfurique employé. Il ne se prononce pas sur les terrains, s'ils sont ou non arséniaux. Mais, d'après M. Dupaquier, l'acide hydrochlorique est souvent arsénial. MM. Flandin et Danger ont analysé les terrains des divers cimetières de Paris et n'en ont pas retiré d'arsenic. A propos de ce fait, non encore résolu, puisque les résultats sont contradictoires, on a soulevé les questions suivantes :

A. Un terrain renfermant une préparation arsenicale soluble ou insoluble, pourrait-il la céder à un cadavre qui y serait inhumé? M. Orfila, pour résoudre cette question, a fait creuser la terre à 0,975 mètres ou trois pieds de profondeur, en a aspergé le fond avec un soluté de 40 centigr. (8 grains) d'acide arsénieux dans 90 gram. (3 onces) d'eau, y a déposé un foie d'adulte, qu'il a couvert de 54 millime. ou 2 pouces de terre, laquelle a été arrosée avec la même quantité de soluté arsénieux; ila comblé le trou, et a versé à la surface encore la même quantité

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