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de solution arsenicale. Cinq jours après, il a arrosé la surface avec 5 litres d'eau, et peu après avec deux litres tenant en dissolution 4 gram. (1 gros) d'acide arsénieux, ce qui fait en tout 5 gram. 60 centigr. de ce poison. Neuf jours après la première expérience, il a recueilli quatre couches de cette terre, une à la surface, une autre à 0,525 mètres (1 pied) de profondeur, et celles qui étaient en contact avec la face supérieure et inférieure du foie. L'analyse a démontré que toutes contenaient de l'arsenic soluble dans l'eau bouillante, tandis que le foie, déjà ramolli et bien putréfié, carbonisé par l'acide azotique, n'en a pas donné. De cette expérience, M. Orfila serait porté à conclure qu'une terre qui contiendrait une préparation arsenicale soluble ne la céderait point à un cadavre qui y serait inhumé, ou du moins que très-lentement. Mais M. Devergie est arrivé à des résultats tout différents. Après s'être assuré que le foie, les reins, dépouillés ou non de leurs capsules, immergés pendant 12 ou 20 jours, dans un litre d'eau, tenant en solution 60 centigr. (12 grains) d'acide arsénieux, l'arsenic était également réparti dans tout l'organe, à vérifié l'expérience de M. Orfila comme il suit. Il a placé un foie pourvu de sa capsule, au milieu de 7 kilogr. 112 de terre, renfermée dans un vase cylindrique, offrant à sa partie inférieure un robinet, et arrosé la terre avec un soluté de 60 centigr. (12 grains) d'acide arsénieux dans 2 kilogr. d'eau. Le matin, il reversait le liquide écoulé de la veille. Après sept jours d'expérimentation, le foie étant divisé en trois parties égales, il a retiré seulement de l'arsenic des parties supérieures et inférieures, qui étaient plus denses et d'un aspect grisâtre, caractères que n'offrait point la partie moyenne. Si les chaleurs eussent permis de prolonger l'expérience, l'arsenic aurait pénétré sans doute les couches centrales de l'organe. En présence de ces résultats contradictoires, il est certain qu'il faut opter pour ceux qui ont le plus de rapport, le plus d'analogie avec les faits physiques ou naturels, autrement dit, avec les phénomènes d'imbibition, par conséquent, l'expérience de M. Devergie nous paraît plus concluante.

Dans le cas où le terrain renfermerait une préparation arsenicale insoluble, la céderait-il au cadavre? Le peu d'expériences tentées à cet égard, sont encore trop peu nombreuses et trop peu variées, pour qu'on puisse se faire une opinion. Et comme les théories chimiques, pour expliquer les phénomènes naturels, sont assez souvent en défaut, au lieu de donner des hypothèses, nous aimons mieux attendre les faits. C'est un principe dont on ne devrait jamais s'écarter en toxicologie-légale. M. Orfila pense qu'un terrain qui renfermerait un arsenite, une préparation arsenicale insolubles, ne cèderait pas de l'arsenic au cadavre; et que, si ce dernier, étant encore entier ou formant un tout distinct, donnait de l'arsenic, après avoir été bien lavé à l'extérieur, et que le terrain n'en fournît point, ni à l'eau froide, ni à l'eau bouillante, on pourrait affirmer que le poison ne provient pas du terrain. Mais, si l'arsenic n'est point entraîné par l'eau seule, ne le serait-il pas par de l'eau ammoniacale, potassique ou sodique? Ne sait-on pas avec quelle facilité les sulfures sont transformés en acide arsenieux au contact de l'eau? M. Orfila ajoute que, même en admettant qu'un terrain qui renfermerait une préparation arsenicale soluble puisse la céder au cadavre (ce qui n'est guère probable d'après lui), l'arsenic serait alors également réparti dans les organes, ou se rencontrerait seulement dans ceux qui en auraient reçu le contact, tandis que l'arsenic absorbé serait inégalement réparti ou se rencontrerait surtout dans les organes vasculaires, le foie, etc. (Voyez le paragraphe suivant. )

B. Que devient l'arsenic d'un cadavre empoisonné, inhumé en terre ou immergé dans l'eau? Le cadavre cèdet-il ce poison au terrain, aux eaux pluviales courantes ou d'inondations? Après combien de temps peut-on y décéler ce poison? En l'absence du corps de délit, par cela seul qu'on a trouvé de l'arsenic dans le terreau, dans le cercueil, peut-on affirmer qu'il y a empoisonnement? Peut-on distinguer si l'arsenic a pénétréles organes par imbibition ou par absorption? L'altération spontanée des matières organiques est plus ou moins prompte et varie dans ses résultats,

selon la température, la nature, l'état de sécheresse ou d'humidité du milieu ambiant, selon la nature, l'état normal ou pathologique de ces matières. En général, dans un cadavre placé en terre, les parties molles, les viscères se ramollissent, se transforment, après un temps plus ou moins long, en une espèce de matière noire épaisse ou cambouis, qui, se dépose sur le côté de la colonne vertébrale, ou s'infiltre dans le cercueil, tombe avec lui en détritus, se mêle au terrain et forme le terreau animal. Lorsque le cadavre est placé dans un terrain sec, élevé, sablonneux, il peut se momifier, et, si c'est dans un terrain humide, se convertir en gras de cadavre. Il résulte des expertises judiciaires, qu'après 1, 2, 4, 9, 14 mois et plus d'inhumation, les viscères, quoique ramollis ou en partie décomposés, peuvent encore être reconnus, et qu'il est possible, d'y décéler l'arsenic, lors même qu'ils sont complétement désor ganisés. Sur deux sujets exhumés judiciairement à Bayreuth, l'un après 6 mois, et l'autre après 14, on a trouvé le sulfure d'arsenic en nature dans le tube intestinal. M. Lepelletier du Mans, en cite aussi deux exemples, l'un après 3 et l'autre après 6 mois d'inhumation. Le tube intestinal était tellement bien conservé, que les lésions étaient très-apparentes. Barruel a retiré l'arsenic des organes gastriques, par le procédé ordinaize, après trois ans d'inhumation : le cadavre était momifié, le tube intestinal disposé par feuillets noirâtres, et, à la place des organes parenchymateux, on trouvait un détritus brunàtre. Le 17 juillet 1836, M. Sauçon, pharmacien à Saintes, place, dans un coin de son jardin, à 50 centimètres de profondeur, deux petits cercueils en bois de chêne, parfaitement égaux ; l'un renfermant 125 grammes de matière animale et 1 gramme. 20 centigr. d'arsenite d'ammoniaque, et l'antre, pour la même quantité de matière, 1 gram. 20 centigr. d'acide arsenieux. Le jardin, situé à 120 mètres de la Charente, fut inondé tous les ans, et, quelquefois, pendant un mois. Exhumés le 21 juillet 1841, ou 5 ans après, les cercueils ne contenaient plus de matière organique. Coupés par petits morceaux, épuisés à plusieurs reprises par l'eau bouillante, les décoctés de chacun

d'eux, concentrés et soumis séparément à l'appareil de Marsh, donnèrent à peu près la même quantité de taches arsenicales, brillantes, miroitantes, parfaitement caractéristiques. Dubuc de Rouen a retiré de l'arsenic d'un terreau provenant du détritus d'une tranche de veau saupoudrée d'arsenic et renfermée dans une boîte en chêne, après 6 ans d'inhumation; ainsi qu'Ozanam, 7 ans après, d'une matière noire ou cambouis, placée sur les côtes de la colonne vertébrale. De ces faits et de plusieurs autres, M. Orfila pense que, en l'absence du corps du délit, si le terreau donnait de l'arsenic à l'eau froide, et que la terre, prise à 3 ou 4 mètres de distance, n'en donnât point, on pourrait facilement soupçonner que l'arsenic provient du détritus du cadavre, à moins qu'il ne soit ultérieurement prouvé que la partie du cimetière,où se trouvait le corps, ait été arrosée avec une solution arsenicale ou saupoudrée d'une poudre arsenicale soluble. Si, au contraire, la terre, éloignée de quelques mètres du lieu d'inhumation, cédait aussi un composé arsenical à l'eau froide, il faudrait se garder de faire soupçonner que l'arsenic du terreau provient du cadavre. Si le terreau ne donnait de l'arsenic ni par l'eau froide, ni par l'eau bouillante, et qu'il en donnât par l'acide sulfurique pur à froid ou à chaud, on serait porté à croire qu'il n'y a pas eu empoisonnement (si le terrain ne contenait pas de sulfate de chaux), parce qu'en général, les composés arsenicaux solubles, qui proviendraient du cadavre, mêlés à ces sortes de terrain, conservent pendant longtemps la faculté de se dissoudre dans l'eau froide. Toutefois, comme, au bout d'un certain temps, il peut arriver le contraire, surtout si le terrain contenait du sulfate de chaux, l'expert devra analyser quelques autres portions de terre du même cimetière, et, si elles ne donnaient point d'arsenic, ou en donnaient moins que le terreau, il serait peut-être permis d'élever de légères conjectures sur la possibilité d'un empoisonnement. Ces assertions toutes théoriques, bien hasardées, dans des cas aussi graves, et que nous extrayons presque textuellement de l'ouvrage de M. Orfila, n'ont point encore reçu la sanction de l'expérience, pour les adopter sans restrictions; et, dans un cas

judiciaire, l'expert ne doit pas oublier leur peu de valeur scientifique.

Les expériences de M. Devergie tendent à démontrer qu'un terrain rendu arsenical, peut céder de l'arsenic au cadavre, surtout si celui-ci est ouvert et couvert seulement d'une serpillère. Celles de Fontana, de Magendie, d'Orfila, etc., démontrent que les phénomènes d'imbibition s'exercent pendant la vie et après la mort, et que, les poisons liquides ou solubles, déposés dans le tube intestinal après la mort, pénètrent peu à peu ses parois, les tissus environnants, et arrivent ainsi, après un temps plus ou moins long (6 ou 10 jours), aux organes contigus ou éloignés, le foie, les poumons, les urines, etc., et cela, d'autant plus promptement, que le poison est dissous. On conçoit dès lors que, si de l'arsenic avait été déposé dans le tube intestinal après la mort, il serait bien difficile, pour ne pas dire impossible, de savoir si le poison obtenu provient ou non d'un empoisonnement. Il est vrai que, dans le cas d'empoisonnement, on trouve des lésions spéciales, que l'arsenic d'imbibition pénètre par la périphérie des organes et par la face correspondante au tube intestinal, et n'arrive que peu à peu au centre; mais ces circonstances ne sont d'aucune valeur quand l'autopsie est différée, et surtout, lorsque la décomposition est avancée.

Pour résoudre cette question, et pour savoir aussi ce que devient l'arsenic d'un cadavre arsenical inhumé ou immergé, MM. Flandin et Danger ont fait les expériences suivantes. Ils ont placé dans la Seine des chiens empoisonnés par les acides arsenieux et arsenique, dont le thorax et l'abdomen étaient ouverts. Après 24 jours de séjour dans l'eau courante, les organes ont fourni autant d'arsenic que ceux des chiens empoisonnés mais non immergés. Les foies de ces 4 chiens intoxiqués ont été broyés et soumis à des lavages multipliés, d'abord à l'eau froide, puis à l'eau bouillante, et ensuite à des compressions fortes et répétées; bien que les eaux des lavages entraînassent chaque fois de l'arsenic, la proportion la plus forte a été retirée du parenchyme de ces organes par leur procédé de car

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