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soin de saturer préalablement les acides par la magnésie, telle est la morphine, ou même lorsqu'ils sont déposés sur le tissu cellulaire, tel est le carbonate de baryte.

Ainsi donc, toutes les préparations arsenicales sont toxiques, ou le deviennent, soit par oxydation au contact de l'air ou de l'eau, soit parce qu'elles sont décomposées par les acides de l'estomac, et, dans les deux cas, ramenées à l'état d'acides arsénieux ou arsénique. C'est ce qui est démontré, non-seulement expérimentalement, mais encore par les symptômes, par les altérations pathologiques, puisque toutes produisent les mêmes effets, les mêmes lésions, et ne different réellement entre elles, que par la plus ou moins prompte manifestation de ces effets, selon la préparation et les circonstances que nous avons indiquées. Dans l'exposé des symptômes, des altérations pathologiques et du traitement nous prendrons pour type l'acide arsenieux, et, des considérations précédentes, il sera facile de déduire ce que peuvent offrir de particulier les autres composés arsenicaux.

L'acide arsénieux peut produire l'intoxication par presque toutes les voies, par la peau dénudée ou non dénudée, par les plaies, par les muqueuses externes, par les voies de la respiration, etc., etc. Cependant, d'après Jæger, il serait sans effet sur le système nerveux et même sur les vaisseaux sanguins. Cette assertion ne nous paraît pas bien démontrée, car, par analogie, l'absorption doit s'opérer sur ces tissus, comme dans tous les tissus mous, dans tout ce qui est doué de vie.

Quel que soit l'organe, le tissu sur lesquels l'acide arsénieux est appliqué, il peut se manifester trois ordres de phénomènes fonctionnels; 1° effet local, de nature irritante, inflammatoire, caustique; 2o effet sur le système circulatoire, sur le sang, de nature hyposthénisante; 5° effet sur le système nerveux, de nature variable, mais le plus souvent aussi hyposthénique. Ces trois ordres d'effets, dont les deux premiers sont cependant les plus constants, peuvent varier dans leur plus ou moins prompte manifestation, leur succession, leur intensité, leur caractère particulier, selon la texture du tissu, l'état particu

lier du poison, la période de l'intoxication et d'autres circonstances que nous avons déjà signalées dans les considérations générales sur les poisons. L'intoxication arsenicale enfin, peut présenter ses anomalies comme la plupart des autres empoisonnements minéraux, anomalies d'autant plus importantes à connaître que le poison lui-même est plus important, et que nous aurons le soin d'indiquer, après avoir tracé l'ensemble symptomatique. Mais, avant, ajoutons que l'acide arsénieux peut produire une espèce d'empoisonnement lent, ou laisser à sa suite des désordres organiques ou fonctionnels, qui, tôt ou tard, entraînent le malade au tombeau, et que, quelle que soit la voie d'introduction, les effets éloignés, soit sur le système nerveux, soit sur les organes de la circulation, soit même sur le tube intestinal sont de même nature.

Peu après l'introduction de l'acide arsénieux dans l'estomac, apparaissent successivement les symptômes suivants : sentiment de pesanteur, de douleur, de gêne à la région épigastrique; nausées; vomissements avec effort plus ou moins violents, et augmentation des douleurs; les matières des vomissements sont alimentaires, muqueuses ou bilieuses, rarement sanguinolentes, si ce n'est lorsque l'intoxication se prolonge; saveur âcre, accompagnée ou non de chaleur brûlante dans la gorge, l'œsophage et l'estomac; soif intense; coliques abdominales avec diarrhée ou épreintes, mais le plus souvent avec constipation; ventre souple, tuméfié, et plus ordinairement contracté; facies altéré; traits retirés; yeux ordinairement brillants, injectés; froid externe; pouls petit, concentré; suspension de la sécrétion urinaire. Si la terminaison doit être fatale, les vomissements persistent et ne cessent que par épuisement, il survient des faiblesses syncopales, le faciès s'altère d'avantage, le froid augmente, la prostration devient extrême, la peau se couvre d'une sueur froide visqueuse, se cyanose dans quelques parties; les battements du pouls et du cœur, de plus en plus faibles, deviennent insensibles; la respiration s'embarrasse, elle est gènée, oppressive; enfin, le malade succombe dans l'espace de douze à quarante-huit heures dans un état asphyxique, ou de

prostration très-grande, en conservant jusqu'à la fin l'intégrité de ses facultés intellectuelles. La mort est quelquefois précédée de vertiges, de délire, et, le plus souvent, d'un paroxysme convulsif. Pendant le cours de ces symptômes, se manifestent quelquefois des désordres nerveux, tels que convulsions du tronc, constriction du pharynx, de l'œsophage; crampes d'estomac; contractions spasmodiques et douloureuses des membres, suivies de relâchement ou de faiblesse paralytique.

Telle est la marche ordinaire de l'intoxication arsenicale. Les symptômes gastro-intestinaux apparaissent 114 d'heure, 112 heure après l'ingestion du poison, quelquefois plutôt, d'autres fois plus tard; ils peuvent même manquer, quoique assez rarement cependant, ce qui dépend non-seulement des idio syncrasies, mais encore de l'état du poison et de quelques circonstances particulières. En général, lorsque le poison est dissous et que l'estomac est vide, les effets se manifestent immédiatement. Ils sont plus longtemps à paraître lorsque le poison est mêlé aux matières alimentaires, et surtout lorsqu'il est pris en fragments; alors les vomissements, les douleurs épigastriques ne sont quelquefois que peu intenses, ou ne se manifestent que 5, 6 heures après. (Observ. XII et suivante.) Le sommeil retarde aussi le développement des effets locaux, ou plutôt empèche de les percevoir. Dans l'observ. XVIII, les vomissements ne se sont déclarés qu'après 3 heures de sommeil. Christison, cite une personne qui prit 7 drachmes de ce poison à 8 heures, s'endormit à 9 jusqu'à 11, heure à laquelle les effets se déclarèrent; et, un autre cas, où ces effets ne se seraient manifestés qu'après 6 heures de sommeil. Dans tous ces cas, l'intoxication a marché ensuite sans interruption. Il importe donc de ne pas laisser dormir les malades, car on perd ainsi un temps précieux destiné à l'absorption du poison.

La saveur âcre, brûlante, à laquelle quelques médecins attachent beaucoup trop d'importance, sous le point de vue symptomatologique, manque assez souvent, ou plutôt ne se manifeste ordinairement que lorsque le poison a pénétré daus l'estomac, qu'après les vomissements, ce qui s'explique par le

peu de saveur et le peu de solubilité de l'acide arsénieux. Cette saveur est même presque toujours masquée par celle des matières alimentaires. S'il en était autrement, les aliments seraient bien moins souvent choisis pour la perpétration du crime.

L'absence des urines est un des phénomènes les plus constants dans l'empoisonnement arsenical, mais elle s'observe aussi dans plusieurs autres cas d'intoxication. Il paraît qu'elle dépend de la suppression de cette sécrétion et non de l'impuissance d'excrétion, puisque le catheter n'amène que quelques gouttes d'urine. Dans les cas où cette sécrétion n'est pas complétement suspendue, les urines sont rendues avec cuisson, difficulté, et peu abondantes. Cela s'observe surtout dans la première période de l'intoxication, ou lorsque l'acide arsénieux est appliqué sur la peau, autrement dit, lorsque ce poison n'a produit encore que son effet local, ce qui tendrait à faire croire que le défaut de sécrétion dépend plutôt de l'état général de l'organisme, comme cela s'observe dans le choléra.

Les effets éloignés de l'acide arsénieux sur les organes circulatoires tels que le froid externe, la petitesse, la fréquence du pouls, la faiblesse générale, etc., sont les symptômes les plus constants et constituent presque à eux seuls l'empoisonnement. Ils apparaissent presque en même temps que les vomissements, les coliques, dans les cas même où le poison est appliqué sur une plaie, sur une muqueuse exte: ne. Ils ne se manifestent au contraire que 3, 6 jours après, lorsque l'acide arsénieux est appliqué sur la peau non dénudée. En ce cas, ils sont précédés d'une espèce de réaction inflammatoire, due à l'effet caustique du poison (obs. I ), caractérisée par une douleur très-vive et cuisante de la partie qui en a reçu le contact; par le gonflement du tissu cellulaire sous-jacent, des parties et des glandes voisines; par de la soif; par une chaleur âcre, brûlante à la peau; par de l'ardeur en urinant. Dans les cas d'intoxication par le système cutané dénudé ou non, il se manifeste assez fréquemment et bien plus souvent que dans les cas d'intoxication par la muqueuse gastro-intestinale, des éruptions papuleuses, pustuleuses, ou miliaires à la peau, partielles ou générales, qui, se desquament

dans l'espace de 48 heures ou persistent pendant 5, 8 jours et plus. Dans les cas d'empoisonnement soit externe, soit interne, il est extrêmement rare qu'une réaction organique inflammatoire succède à l'effet hyposthénisant, quoique quelques auteurs soutiennent le contraire. En général, et d'après un grand nombre d'observations recueillies chez l'homme, si la terminaison doit être funeste, les effets hyposthéniques deviennent de plus en plus graves; dans le cas contraire, le malade revient à la santé par l'augmentation progressive des forces, au fur et à mesure que le poison est éliminé par les émonctoires. Ce fait est capital pour la direction à donner au traitement.

Les modifications du système nerveux, considérées du moins symptomatiquement, ne paraissent être qu'accessoires dans l'empoisonnement arsenical aigu: c'est surtout le système nerveux de la vie de relation qui paraît être le siége de ces désordres; car, le plus souvent, ce sont des crampes, des contractions des membres, suivies de relâchement, de paralysie. Cependant, il resterait à démontrer si l'acide arsénieux agit primitivement, soit sur le système circulatoire, sur le sang, soit sur le système nerveux de la vie organique, question qui, selon nous, ne peut pas être jugée, même expérimentalement. L'état comatique qui s'observe quelquefois dans l'empoisonnement arsenical nous paraît dépendre plutôt de l'effet hyposthénisant, de la stase du sang, que d'une congestion cérébrale active

La dose toxique de l'acide arsénieux ne peut être fixée d'une manière précise chez l'homme, parce que ce poison est presque toujours expulsé en grande partie par les vomissements, et qu'ensuite, dans les cas d'intoxication externe, on n'a pas cherché à la déterminer. Cependant, comme 10 centigrammes (2 grains), appliqués sur le tissu cellulaire d'un chien, sont mortels, et que 2 centigr. ou 114 de grain pris par.inadvertance, ont occasionné des accidents très-graves, on peut, à priori, estimer cette dose à 7 ou 10 centigr. (1 à 2 grains). La dose la plus minime qui ait été fatale est celle de 22 centigr. (4 grains 112), chez un enfant de 4 ans. Le poison était dissous. La mort survint en 6 heures.

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