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où elle a été posée, il y avait eu pendant la vie des symptômes d'irritation gastro-intestinale, et qu'après la mort, l'inflammation de la muqueuse coïncidait avec ces granulations. Buchner cite deux cas de ce genre. Christison, dans les recherches toxicologiques, n'a été convaincu que ces corps blanchâtres n'étaient point de l'arsenic que par l'analyse. Dans deux cas d'expertise légale en France, la muqueuse gastro-duodenale, et même l'œsophagienne, étaient plus ou moins enflammées et tapissées de petits corps blancs ou blanc-jaunâtres, adhérents ou libres, arrondis ou anguleux. Ils étaient onctueux au toucher, s'écrasaient facilement et graissaient le papier, donnaient une odeur empyreumatique et laissaient un résidu charbonneux sur un corps chaud. Incomplétement solubles dans l'eau, ils communiquaient une teinte laiteuse à ce liquide, qui, ne précipitait, ni ne se colorait pas en jaune par le gaz sulfhydrique. Insolubles dans l'alcool, ils se dissolvaient à chaud dans l'acide azotique et le coloraient en jaune, couleur qui passait au jaune orangé par l'addition de la potasse. D'après Barruel et Vauquelin, à qui nous devons ces analyses, ces globules sont composés de graisse et d'une matière animale. M. Billiard a rencontré aussi de semblables granulations sur deux femmes, l'une morte de gastro-colite chronique,et l'autre de phthisie pulmonaire. Dans ce dernier cas, les intestins offraient de nombreuses ulcérations.

50 L'arsenic accélère-t il ou retarde-t-il la putréfaction des cadavres? Les anciens admettaient que le cadavre des personnes empoisonnées se putréfiait plus promptement, et, pour reconnaître et constater le crime, ils exposaient le corps sur les places publiques. Telle était aussi l'opinion de Gmelin pour les poisons minéraux. Jonsthone et Plattner, d'après les observations chez l'homme, et Lechmann, d'après les expériences sur les animaux, pensaient aussi que l'arsenic accélère la putréfaction. Une opinion toute contraire, fondée aussi d'après les observations sur l'homme et les expériences sur les animaux, a été soutenue par des médecins allemands, et, au commencement de ce siècle, par quelques médecins anglais. Les

toxicologistes français pensent généralement que l'arsenic n'a aucune influence sur le développement de la putréfaction. Dans les diverses expériences qui ont été faites pour résoudre cette question, ou bien le cadavre s'est putréfié comme à l'ordinaire, ou bien il s'est conservé pendant assez longtemps, mais alors il était saponifié ou momifié. Ces deux genres d'altérations n'appartenaient pas à l'acide arsénieux, mais dépendaient plutôt des circonstances extérieures, à moins qu'on n'admette que l'arsenic facilite ces transformations. Cependant, on ne peut contester que, dans beaucoup de cas, et surtout lorsque le tube intestinal renfermait encore du poison en nature, la conservation de cet organe n'ait été si complète,qu'après un temps assez long, 5, 6, 14 mois d'inhumation, il conservait non-seulement sa texture, mais encore,il était possible de constater les altérations pathologiques. On sait en effet que, de l'acide arsénieux, déposé dans un estomac, en retarde la décomposition. L'acide arsénieux ne paraît donc avoir aucune influence sur la marche de la putréfaction du cadavre; mais, si la mort est prompte, si l'inflammation du tube intestinal n'a pas eu le temps de se développer, d'arriver à sa dernière période, si enfin le poison n'a pas été complétement expulsé, nul doute qu'il ne retarde la décomposition de cet organe; dans le cas contraire, la putréfaction en serait plus prompte.

Expériences sur les animaux. Dès le seizième siècle, des expériences ont été tentées sur les animaux et même sur les criminels, dans le but de connaître les effets de l'acide arsénieux et ses contre-poisons. Depuis, elles ont été faites avec plus de suite, non seulement pour apprécier l'effet de ce poison sur les diverses classes d'êtres, mais encore, et surtout dans ces derniers temps, sous le point de vue de toxicologielégale et d'hygiène publique. D'après Jæger, l'acide arsenieux serait poison pour tout être organisé, pour les plantes comme pour les animaux; ceux-ci résisteraient d'autant plus qu'ils seraient plus élevés dans l'échelle organique. Dans les plantes et les animaux des classes inférieures, les parties perdent la vie au fur et à mesure qu'elles sont atteintes par le

poison. L'acide arsenique serait plus actif que l'arsénieux. Ces poisons augmentent d'abord la vitalité, les sécrétions muqueuses, et produisent ensuite la mort par l'extinction graduelle de l'irritabilité, de la contractilité organique. D'après M. Bory de St.-Vincent, l'acide arsénieux ne serait pas poison pour les plantes; car elles pourraient végéter non seulement dans un terrain, mais encore dans un soluté arsénieux. Nous-même avons fait fructifier la tige d'un orchis dans un soluté arsenical. Brodie, conclut de ses expériences sur les lapins et sur les chiens que l'acide arsénieux agit sur le cerveau et sur le cœur, et que la mort résulte plutôt de la diminution progressive des fonctions de l'innervation et de la circulation que de l'inflammation du tube intestinal; d'où, ralentissement, intermittence du pouls, dilatation des pupilles, paralysie graduelle, insensibilité générale; symptômes offerts par ces animaux. Les expériences de Campbell et de Smith, sur des animaux de la même espèce, sont confirmatives de celles de Brodie. Elles démontrent en outre que, 25, 50 centigr. (5 à 6 grains) d'acide arsénieux, déposés sur le tissu cellulaire ou sur une muqueuse externe, sont toxiques, aussi promptement que par la voie d'ingestion, et que, dans les deux cas, on rencontre le même genre de lésion dans le tube intestinal. Ce fait a été confirmé par les toxicologistes de nos jours, même à dose moindre, 7 à 10 centigr. Smith pense que l'acide arsénieux agit spécialement sur le cœur, dont il anéantit la contractilité. Après la mort, cet organe est mou, peu contractile sous l'influence des irritants. MM. Magendie et James attribuent la mort à l'altération particulière que l'acide arsénieux fait subir au sang. Ce liquide, rendu incoagulable, s'extravaserait dans les tissus, s'opposerait à la circulation. L'action de ce poison sur le sang,sur le cœur,serait primitive, et la mort d'autant plus prompte qu'il arriverait plus promptement à cet organe ainsi, l'animal meurt plutôt lorsque l'acide arsénieux est injecté dans la veine jugulaire que dans l'artère carotide, et moins promptement dans la veine crurale que dans la veine jugulaire. La dose toxique

serait variable selon l'espèce animale : les lapins et les chats supporteraient des doses moins fortes que les chiens, et ceux-ci une dose moindre que les moutons, les chevaux, les bœufs. Il faudrait 64 gram. (2 onces) d'acide arsénieux en poudre pour intoxiquer un cheval, 10 à 20 grammes pour tuer un mouton; 20 à 40 centigrammes, l'œsophage étant lié, tuent les chats, les lapins, les chiens. Cette différence paraît dépendre de l'organisation particulière du tube intestinal; car la dose toxique est à peu près la même, en ayant égard au volume relatif de l'animal, lorsque le poison est déposé sur le tissu cellulaire. L'acide arsénieux dissous est bien plus actif qu'à l'état solide. D'après MM. Leblanc et Rognetta, 8 grammes de ce poison en dissolution sont toxiques pour les chevaux. Il suffit de quelques gouttes d'un soluté arsenical pour tuer promptement un lapin, tandis que, si on fait manger à ces animaux des carottes saupoudrées avec de l'acide arsénieux, ils restent bien portants les cinq ou six premiers jours, et succombent ensuite subitement dans des convulsions (Rognetta). L'état morbide paraîtrait avoir une certaine influence sur la dose toxique. M. Cambacèdes a annoncé, tout récemment, à l'académie des sciences, un fait extraordinaire, qui a soulevé des questions d'hygiène publique de la plus haute importance. Il dit avoir donné 32 grammes d'acide arsénieux en poudre, mêlé avec du sel commun, à cent vingt moutons, affectés de pleurite chronique : tous ont guéri, excepté sept qui ont succombé. La même quantité de poison, administrée à un mouton sain, ne l'a pas incommodé. Ses compatriotes lui ont assuré qu'il en était ainsi pour les bœufs. Une commission scientifique a été nommée, non seulement pour vérifier la dose toxique de ce poison sur les moutons, mais encore sous le point de vue d'hygiène publique. Le rapport n'est point encore fait; mais, l'un des membres, M. Magendie, a annoncé que deux moutons, à jeun depuis quarante-huit heures, sont morts, l'un après avoir pris 10 et l'autre 20 grammes d'acide arsénieux en poudre, en deux doses égales, et à vingt-quatre heures d'intervalle l'une de

l'autre. MM. Flandin et Danger, afin de résoudre la question sous ces deux points de vue, ont fait les expériences suivantes : 1o. 30 centigr. (6 grains) d'acide arsénieux étant déposés sur le tissu cellulaire de la cuisse d'un mouton, immédiatement se sont déclarés les symptômes de l'intoxication, qui ont été en augmentant, et l'urine a été de plus en plus chargée d'arsenic jusqu'au cinquième jour, époque de la mort. A l'autopsie, ils ont trouvé une pleuro-pneumonie avec épanchement à droite. Ce dernier fait, qui a été aussi observé par M. Chatain, sur les animaux empoisonnés par la voie de la respiration, est d'autant plus extraordinaire, que M. Cambacèdes a obtenu la guérison de cette affection par l'acide arsénieux. Le liquide de l'épanchement et tous les organes, à l'exception du système nerveux et osseux, ont donné de l'arsenic : le sang n'en a fourni qu'une très-faible quantité. 2° Ils ont donné à un mouton 32 grammes (1 once) d'acide arsénieux, mêlé à une poignée de sel commun: aussitôt, fortes coliques, refus de manger, mort le cinquième jour. Les urines étaient rares, et offraient une progression croissante d'arsenic; la caillette était sphacelée dans une partie de son étendue, et vivement injectée dans sa totalité. Le reste de l'estomac et le cœcum offraient des traces d'inflammation. La quantité relative d'arsenic trouvée dans les viscères et les chairs était identiquement la même que chez le mouton empoisonné par absorption, ce qui indiquerait que la quantité absorbée est minime, quelle que soit la voie d'introduction, dans les animaux de même espèce. 3o 16 grammes (demi once) d'acide arsénieux sont donnés à un mouton, en deux doses, et à vingt-quatre heures de distance; la première dose était mêlée avec une égale quantité de sel commun; la santé de l'animal n'a pas paru altérée. Vingt-deux heures après, les matières fécales renfermaient beaucoup d'arsenic. La quantité a augmenté les trois premiers jours, a resté stationnaire pendant quelque temps, a diminué ensuite brusquement, et a persisté, avec quelques intermittences, jusqu'au dix-neuvième jour inclusivement. Les premières urines, rendues vingt-trois heures après l'administra

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