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sur le système circulatoire, sur le sang, et l'ensemble de ses effets constitutionnels annonce une action hyposthénique ; c'est ce qui explique pourquoi Avicenne, Mercurialis, AmbroiseParé, Cardan, le classaient parmi les poisons froids, et pourquoi les médecins rasoriens le considèrent comme un poison hyposthénisant. D'après quelques dermatologues et toxicologistes, l'acide arsénieux serait au contraire un poison sthénique ou tonique, parce que, administré à dose médicamenteuse et quelquefois même aussi à dose toxique, il stimule l'organisme, produit une réaction inflammatoire, qui est avantageusement combattue par les antiphlogistiques, et que, 'ce poison, qu'il soit donné comme tel ou comme médicament, ne peut agir de deux manières différentes. Nous pensons qu'il y a exagération des deux côtés, et cela parce qu'on n'a pas eu égard aux diverses périodes de l'intoxication, à la quantité de poison absorbée. Nous établissons cette assertion d'après des faits pathologiques et thérapeutiques. Les effets d'un même médicament different selon la dose, le mode d'administration, l'état morbide, etc. Il est des états pathologiques qui débutent par une réaction fébrile de nature inflammatoire, laquelle est suivie ou remplacée par une prostration des forces plus ou moins grande; mais, dans quelques cas, cette prostration n'est qu'apparente ou indirecte, comine dans les maladies franchement inflammatoires; dans d'autres au contraire, elle est directe, réelle et produite par l'action incessante de la cause septique, comme dans les maladies miasmatiques, typhoïdes, etc. Comparons les effets de l'acide arsénieux et même de la plupart des poisons inorganiques avec ceux de cette cause septique. Si ce poison est absorbé à dose insuffisante pour produire l'intoxication, l'organisme conservera assez de force pour résister à ses effets meurtriers, d'où réaction fébrile de nature sthénique; dans le cas contraire, l'action organique ou les fonctions seront enrayées, jugulées en quelque sorte, d'où prostration, qui, en ce cas, est réelle, ce qu'indique parfaitement la petitesse du pouls, le froid à la peau, etc. Si l'organisme résiste assez pour qu'une portion du poison soit éliminée, tout

rentre alors dans le premier état, et il peut se manifester une réaction inflammatoire jusqu'à ce que le poison soit complétement éliminé. Mais, les organes ont reçu une atteinte si profonde, que bien souvent cette réaction manque, et, en général, comme nous l'avons déjà dit, les fonctions reviennent peu à peu à leur rhythme normal. C'est d'après ces idées générales, si on les croit fondées, qu'il faut diriger le traitement de l'empoisonnement arsenical.

Après avoir rempli les deux premières indications, c'est-àdire, provoqué l'expulsion du poison par les vomissements ou par les selles, neutralisé ses effets par un contre-poison, il faut, si la période hyposthénique s'est déjà manifestée, rappeler la chaleur à la peau, relever momentanément la circulation, les forces organiques, soit par l'application des corps chauds à l'extérieur, soit par des bains, soit par des bouteilles d'eau chaude, soit par des révulsifs stimulants aux extrémités en topiques ou en frictions; donner des boissons gommeuses, mucilagineuses, gélatineuses, du bouillon dégraissé et coupé, administrées par petites quantités, afin qu'elles ne soient pas vomies; calmer l'irritation, l'inflammation du tube intestinal par des fomentations émollientes, huileuses, tièdes, et les douleurs par les opiaces. Cependant, on doit n'employer ceux cì qu'à titre de sédatifs, car par leur effet narcotique et en ralentissant la sécrétion urinaire, ils s'opposeraient à l'élimination du poison. Ces moyens sont en général suffisants pour soutenir les forces, jusqu'à ce que l'organisme puisse se débarrasser du poison, et que l'irritation du tube intestinal permette d'accorder une alimentation plus substantielle. A ces divers moyens, on peut associer quelquefois de légers toniques-stimulants, tels que le vin sucré et coupé, si l'état du tube intestinal le permet. On ne doit recouriraux sangsues, qu'on appliquerait sur la partie correspondante à l'organe souffrant, que lorsque l'inflammation est très-vive, et aux saignées que dans la période de réaction, si toutefois celle-ci était très-marquée. Enfin, les deux indications principales sont de soutenir les forces or

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ganiques jusqu'à ce que le poison soit éliminé et de combattre » en même temps l'inflammation du tube intestinal,

M. Orfila, après avoir expulsé, neutralisé le poison, propose d'administrer par verres assez rapprochés, le mélange diurétique suivant (eau, 3 litres; vin blanc, 1/2 litre; eau de seltz, 1 litre; nitrate de potasse, 30 ou 40 grammes), dans le but de provoquer la sécrétion urinaire qui est en général suspendue et de faciliter ainsi l'élimination du poison. Il dit avoir appliqué sur le tissu cellulaire des chiens, des doses suffisantes d'acide arsénieux pour les empoisonner, et les avoir sauvés par ce mélange diurétique, lorsqu'il était assez heureux de provola sécrétion urinaire. Dans l'azotate de potasse seul ne paquer raît pas résider la propriété diurétique, car il n'a pas obtenu les mêmes effets avec le sel dissous dans l'eau pure. Le vin, l'eau de seltz agiraient donc probablement par leur propriété légèrement tonique-stimulante et diurétique.

Les médecins rasoriens, et en particulier M. Rognetta, ayant égard surtout aux effets dynamiques, qui, pour eux, constituent l'intoxication, prescrivent les huileux comme vomitif, parce qu'ils n'ont pas l'inconvénient de dissoudre le poison et de faciliter son absorption; ils rejettent les contre-poisons et les antiphlogistiques et préconisent le traitement tonique-stimulant. M. Rognetta a expérimenté le mélange suivant sur les chiens et les chevaux (bouillon, 128 grammes; vin ou eau-devie 64 grammes), qu'il donne par tasses par la bonche ou en lavement. Il dit, par cette méthode, avoir sauvé un bien plus grand nombre d'animaux que par la saignée et les antiphlogistiques. M. Orfila qui a expérimenté comparativement sur les chiens le traitement par les saignées, par la boisson diurétique et par le tonique-stimulant de M. Rognetta, dit au contraire avoir obtenu, dans les deux premiers cas, et surtout avec son diurétique, bien plus de guérison, et que la méthode de M. Rognetta a été le plus souvent funeste. Enfin, M. Orfila dans son ouvrage, et M. Rognetta dans un aperçu historique remarquable sur les poisons, énumèrent chacun un certain nombre de guérisons obtenues chez l'homme, le premier par l'emploi des sai

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gnées, et le second par les toniques, le vin, la thériaque, etc. Mais ce n'est point de la bonne statistique médicale que d'appor ter seulement les faits en faveur d'une méthode de traitement. Que conclure en présence de faits aussi contradictoires? Ajoutons ensuite que le traitement exclusif, préconisé par ces deux médecins, a été seulement expérimenté sur les chiens et n'a point encore reçu sa sanction chez l'homme. Nous comptons peu sur les expériences faites avec des idées préconnues. et instituées dans le but de défendre un système. Malheureusement alors les discussions scientifiques ne deviennent que trop souvent personnelles, et il est difficile de commenter, d'interpréter les faits avec cette impartialité qu'on doit apporter dans toute discussion scientifique, surtout dans une science d'application comme la toxicologie légale. En toxicologie médicale, il ne faut pas être plus exclusif qu'en pathologie. L'empoisonnement arsenical est une maladie qui a son début, sa marche, sa terminaison, ses variétés comme les autres maladies; par conséquent le traitement doit être modifié selon ces diverses circonstances. Une jeune personne prend environ 20 grammes d'acide arsénieux en poudre, on lui donne d'abord 10 centigrammes d'émétique, un lavement émollient et huileux, et, après les premiers vomissements, de l'oxyde de fer en magma ( la quantité dépassa un kilogramme). Le soir on ajouta une boisson émolliente additionnée de 2 grammes d'azotate de potasse; il y eut une selle très-abondante, émission d'une quantité assez considérable d'urine. Les accidents diminuèrent peu à peu, et, huit jours après, la malade était convalescente. (Chappuis.) Nous terminerons en répétant qu'il faut avoir égard non-seulement aux lésions locales, mais encore aux effets constitutionnels, et que ceux-ci doivent surtout fixer l'attention du médecin. Une saine thérapeutique consiste dans l'association bien dirigée des moyens propres à remplir ce double but.

Quant aux effets consécutifs, à l'empoisonnement lent, il faut diriger le traitement d'après les systèmes d'organes ou fonctionnels spécialement lésés. Si c'est le tube intestinal, le

médecin doit apporter la plus grande attention dans le genre d'alimentation (voyez acides). Si c'est le système nerveux, qu'il y ait par exemple insensibilité, paralysie, contracture, etc., les bains simples, ou sulfuro-gélatineux, les frictions légèrement stimulantes sur la colonne vertébrale, sur les membres affectés, l'électricité, etc., sont les moyens convenables. Si enfin ces deux systèmes se trouvent affectés, ainsi que les phénomènes d'assimilation, il doit combiner ensemble les moyens médicamenteux et hygiéniques. Comme la persévérance dans l'emploi de ces moyens est une condition Je réussite, il ne doit pas trop brusquer le traitement, mais attendre beaucoup du temps.

Résumé sur les préparations arsenicales. 1° Toute préparation arsenicale solide donne l'odeur alliacée sur les charbons ardents, et de l'arsenic métal par la réduction au flux noir. 2o Les solutés arsenicaux donnent des taches arsenicales à l'appareil de Marsh, et précipitent en jaune par l'acide sulfhydrique et quelques gouttes d'acide ch loi hydrique. Ce précipité est complétement soluble dans l'ammoniaque et réductible au flux noir. 5° Pour décéler l'arsenic dans les matières organiques solides ou liquides, il faut d'abord chercher à l'isoler par les lavages, carboniser, détruire ensuite les matières organiques, soit par l'acide sulfurique, soit par le nitrate de potasse, et soumettre le produit à l'appareil de Marsh, ou bien encore employer le procédé de Reinch ou de Jacquelain, p. 465.

Faits pratiques.

Les sulfures naturels sont les préparations arsenicales les plus anciennement connues. Pline, Hippocrate, Celse en ont parlé et les ont employés même comme médicament. Galien en formait la base de sa poudre épilatoire. Oribcse, Aetius paraissent avoir connu l'acide arsenieux; cependant, Avicenne (treizième siècle) est le premier qui en ait traité d'une manière explicite sous le nom d'arsenic blanc. L'arsenic métal a été obtenu par Scheele en 1777. La découverte des arsenites, des arseniates, remonte à peu près à cette époque. Nous ne trouvons rien de précis dans les auteurs, relative

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