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vulsions violentes de tout le corps, et surtout coliques horribles que rien ne peut calmer, pas même l'eau-de-vie qu'on leur fit prendre en grande quantité. Elisabeth, la plus jeune des enfants, succomba dans la journée du treize, après de forts vomissements et de violentes convulsions; les deux autres, Catherine, âgée de 11 ans, et François, âgé de 9, le 14 à 9 heures du soir.

Autopsie. (Cadavre de Catherine.) Corps enflé et fortement ecchimosé, surtout vers les hanches, les aines, la partie interne des cuisses, des jambes, des bras. Pupilles dilatées, claires; face infiltrée; parotides et glandes sous-maxillaires beaucoup tuméfiées. Le cuir chevelu offrait des croûtes et de larges ulcères recouverts d'une couche de graisse jaune-rougeâtre; tissu cellulaire sous-jacent, épais, infiltré; membranes cérébrales très-injectées. Le cerveau offrait un grand nombre de taches, de plaques sanguinolentes d'un noir foncé; beaucoup de sérosité dans les ventricules; corps choroïdes injectés; cœur très-volumineux; violente inflammation des parois du ventricule droit; poumon presque entièrement hépatisé, et gorgé d'un sang très-noir, épais. L'estomac, très enflammé, offrait des taches ecchimosiques ainsi que le duodénum et le jejunum. Le cadavre de François, présenta à peu près les mêmes lésions. L'autopsie de celui d'Elisabeth n'a pas éte faite.

Analyse. La calotte ulcérée des deux cadavres étant détachée, on la fit bouillir dans de l'eau distillée. Il se forma un précipité abondant qu'on reconnut être de l'acide arsénieux, par la voie de réduction. La graisse surnagea l'eau ; mais on n'a pas obtenu du sulfure de mercure et du sang-dragon, comme on s'y attendait, dans l'idée que c'était la pâte arsenicale ordinaire qui avait été appliquée.

Les convulsions, les lésions du cerveau et de ses enveloppes sont rarement aussi intenses; c'est peut-être parce que le poison a été appliqué non loin de cet organe. Le cœur, le tube intestinal, les poumons, ont offert des altérations aussi et même plus prononcées que dans l'empoisonnement interne, ce qui indiquerait que, même dans ce dernier cas, elles dépendent surtout de l'arsenic absorbé. Plusieurs de ces lésions nous paraissent devoir être attribuées plutôt à l'extravasation passive du sang qu'à une véritable inflammation. L'étendue de la surface absorbante explique la promptitude de la mort, le nombre et la multiplicité des altérations pathologiques.

Observ. VII. Un homme de 45 ans est atteint depuis 13 ans d'une plaie ulcéreuse à la jambe, sur laquelle un charlatan lui fit appliquer de l'arsenic. En peu d'instants, douleurs vives, et, six heures après, elles sont si intolérables qu'il se voit forcé de râcler la plaie avec un couteau et d'en détacher tout ce qu'il put. Les souffrances furent horribles pendant toute la nuit. Le matin, sa femme pansa la plaie avec de l'eau miellée, du raisiné, la lava avec un décocté de plantes émollientes, et employa successivement ces moyens pendant 24 heures. Le 12, un pharmacien prescrivit une pommade adoucissante et du lait pour boisson. Le 13, mêmes moyens. Le 14, vomissements, coliques. Potion huileuse. Le 15, l'état du malade empirant, le docteur Meaux fut appelé à 3 heures de l'après midi. Corps parsemé de taches rouges; pouls régulier; hémorragie nasale passive; matières rejetées par haut et par bas sanguinolentes; coliques; douleurs d'estomac; défaillances. Lavement lacté. A 7 heures, vomissements et évacuations alvines ut suprà ; coliques moins fortes; agitation; défaillances. Même lavement. A 10 heures, vomissements noirâtres ; selles idem; coliques presque nulles; syncopes fréquentes; mouvements convulsifs des membres. Un léger calmant fut prescrit. Le 16, même état que la veille. Langue sèche, noire; taches de la peau plus brunes. Décoction de quinquina acidulée; limonade pour boisson. Persistance des mêmes symptômes; délire à 3 heures de l'après midi. Grand vésicatoire aux jambes. Le 17, à 7 heures du matin, après une nouvelle crise de souffrances, les selles devinrent très-fréquentes, la respiration pénible, la déglutition difficile, le pouls misérable. Mort à 9 heures. Pas d'autopsie. (M. Meaux, journ. méd., t. LXXVI.)

Cette observation, quoique incomplète, permet cependant de suivre l'action progressive du poison. D'abord les effets sont exclusivement locaux, et, malgré les pansements, les lavages de la plaie, l'arsenic est absorbé, et les effets éloignés se manifestent le quatrième jour sur le tube intestinal et sur les organes de la circulation. Le sang modifié, rendu incoagulable, s'infiltre dans les tissus ou à travers les muqueuses, d'où taches sur la peau, hémorragies des muqueuses nasale et gastro-intestinale, syncopes, etc. Enfin, à ces lésions de la circulation s'ajoutent, vers la fin, quelques désordres nerveux, tels s que vulsions, délire, et ensuite état asphyxique.

con

Les auteurs de l'article, pâte arsenicale du Dictionnaire des

sciences médicales, font remarquer que. dans tous les cas où l'arsenic est devenu funeste, c'est qu'il a été appliqué en trop grande quantité, sur une trop grande surface, sans être mêlé à d'autres substances pour en mitiger l'action, ou contre des maladies assez graves pour en contre-indiquer l'emploi. M. Devergie pense que les accidents ne doivent pas être attribués exclusivement à l'arsenic, mais encore au sulfure de mercure. Nous ne serions pas éloigné de croire que les effets toxiques dépendent plutôt de ce que la poudre arsenicale étant trop délayée, l'action caustique est peu marquée et par conséquent l'absorption du poison plus facile. Nous pourrions encore joindre à ces observations celles de Fernel, Wepfer, Morgagni, Kuchler, Roux, etc.

c. Empoisonnement par les muqueuses externes.

Muqueuses buccale et nasale. Nul doute que dans les cas d'intoxication par ingestion, surtout par l'acide arsenieux en poudre, une portion ne s'arrête dans les anfractuosités de la bouche et ne concoure aussi aux effets toxiques; c'est ce que démontrent les lésions qu'offre quelquefois la muqueuse buccale. Cependant les exemples d'intoxication par cette seule voie sont assez rares. Une femme qui eut l'imprudence de porter à sa bouche ses doigts imprégnés d'un peu d'arsenic, éprouva bientôt après des convulsions, des vertiges et d'autres symptômes affreux pendant vingt-quatre heures. Elle but copieusement de l'huile d'amandes, quelques gouttes de laudanum ; les symptômes urgents se dissipèrent, mais elle fut plusieurs années d'une faiblesse et d'une maigreur extrêmes (Sproegel).

Quant à la muqueuse nasale, les faits sont aussi assez rares, mais on conçoit la possibilité de l'intoxication par l'arsenic pris avec d'autres poudres, comme cela a lieu avec le plomb. Une solution arsenicale est appliquée par méprise en lotions dans un catarrhe chronique des fosses nasales. Il survint un écoulement muqueux abondant. L'individu tomba dans un état de stupeur approchant du coma, éprouva de la faiblesse de la vue et de la mémoire, et mourut deux ans après dans des convul

tions. (Éphémérides allemandes.) L'arsenic déposé sur la muqueuse oculaire est promptement mortel (Campbell).

La muqueuse vaginale est choisie aussi quelquefois dans un but criminel. Ce mode d'intoxication était même connu à Rome, et le fameux Calpurneus, dit-on, digito interficiebat uxores. En 1776, une femme du département de Lourthe, fut prise de vomissements, de diarrhée, d'un écoulement utérin et expira bientôt après. Elle ayoua en mourant que son mari avait essayé de l'empoisonner en mettant de l'arsenic dans sa soupe, et qu'il était arrivé à son but en introduisant ce poison dans le vagin. Cet organe fut trouvé gangrené, le ventre distendu par des gaz, et les intestins enflammés.

Observ. VIII. En 1786, la femme d'un fermier de Copenhague, mourut soudainement avec des circonstances équivoques sur la cause de sa mort. 6 semaines après, son mari épousa sa servante. Quelques années plus tard, il porta son affection sur une autre servante, et, à son aide, il chercha à empoisonner sa seconde femme. Ses premières tentatives échquèrent; mais un matin, après avoir cohabité avec elle, il introduisit dans le vagin un mélange de farine et d'arsenic, à l'aide de son doigt. La femme tomba malade à midi et succomba le lendemain matin. Le coupable épousa sa complice. Après plusieurs années il convoita une quatrième femme, et, pour se débarrasser de sa troisième, il employa le même moyen que précédemment, un matin, après le coït. A trois heures de l'après midi, cette femme fut prise subitement de chaleur dans le vagint de tremblements. Le souvenir du premier crime de son mari éveilla ses soupçons. Elle en fit part à la police, le fermier avoua son crime. Différents moyens furent employés par les hommes de l'art, mais inutilement; des douleurs d'estomac, des vomissements violents se déclarèrent, et cette femme mourut vingt-quatre heures après, avec tous les symptômes de l'intoxication arsenicale. A l'autopsie, on trouva quelques grains d'arsenic adhérent à la muqueuse vaginale, quoique des injections nombreuses eussent été pratiquées. Cet organe était flasque, la vulve gonflée et rouge, le col utérin gan grené, le duodenum enflammé, l'estomac sain.

A l'occasion de ce procès judiciaire, le docteur Mangori fit quelques expériences sur des juments. Il leur introduisit de l'arsenic dans le vagin. Les résultats furent une inflammation violente de cet organe et un dérangement constitutionnel mortel. D'après Zacchias, Ladislas,

roi de Naples, aurait été mortellement empoisonné par le membre viril, qui aurait absorbé l'acide arsénieux déposé préalablement dans le vagin de sa maîtresse. Mais ce crime atroce exigerait des circonstances telles qu'il nous paraît impossible.

La muqueuse rectale est peut-être bien plus fréquemment choisie, dans un but criminel, qu'on ne le pense généralement. Fodéré rapporte qu'une femme mourut subitement d'une manière inattendue et avec des symptômes d'intoxication. Il fut reconnu que sa servante, après avoir tenté inutilement de l'empoisonner en'introduisant de l'arsenic dans sa soupe, était arrivé à son but, en le lui injectant dans le rectum avec un la vement. Conrade, roi de Naples, aurait été empoisonné par son frère naturel Manfred, à l'aide d'un lavement arsenical. Zacchias qui rapporte ce fait, cit que, par cette voie, il faudrait le double de poison pour produire l'effet toxique, relativement à celle de l'estomac. Cette assertion est peut-être un peu trop exagérée, car, toutes choces égales d'ailleurs, l'intoxication, en général, est aussi prompts par le rectum que par l'estomac, Christison pense que probablement on ne trouverait pas le poison en nature dans le rectum, par la facilité avec laquelle cet organe se débarrasse des matières fécales; mais puisqu'on le trouve dans le vagin, malgré les lavages répétés, il en serait peut-être de même dans le rectum, en raison de ses nombreuses plicatures.

Muqueuse pulmonaire. Peut-être aussi, l'intoxication par cette voie, est-elle plus fréquente qu'on ne le croit, et cela parce que les préparations arsenicales sont volatiles, ou plutôt peuvent, soit par l'action de la chaleur, soit par la combustion. ou la décomposition spontanée des matières organiques avec lesquelles elles sont mêlées, donner naissance à des vapeurs, à des gaz vénéneux. Bergmann rapporte que, dans l'amphithéâtre d'Upsal, un cadavre arsenical répandait une odeur 'forte alliacée. Ce fait a été aussi observé par Stanck. Les abat-jours colorés en vert, renferment probablement une grande quantité d'arsénite de cuivre, car, lorsqu'ils viennent à s'enflammer açcidentellement, ils dégagent une odeur bien manifeste d'arse

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