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de cuivre d'une couche d'étain. Ce dernier étant plus oxydable, s'oppose à l'oxydation du cuivre, à sa transformation en sel, conditions nécessaires pour qu'il agisse comme poison. Mais, les vases étamés ne peuvent servirà tous les usages, par exemple, à la cuisson, à la préparation des aliments qui demandent une température un peu élevée, celle des confitures, des sirops, de la graisse, parce qu'autrement l'étain fondrait. Ensuite, l'étamage s'use assez promptement par l'écurage, les frottements, les mets acides, de sorte qu'il ne peut guère préserver une casserole en cuivre que pour 1 mois et demi, en supposant qu'on s'en serve journellement. En effet, la couche d'étain est si légère qu'une casserole de 0,244 mètres (9 pouces) de diamètre, sur 0,086 mètres (3 pouces, 3 lignes) de profondeur, n'asquiert en poids, par l'étamage, que 105 centigr. (21 grains), d'après Bagen et Charlard. D'ailleurs, les acides végétaux attaquent facilement l'étain. Enfin, dans un but d'économie, on se sert quelquefois d'un étamage où entre beaucoup de plomb, métal qui, comme le cuivre, n'est pas sans inconvénient. Malouin a proposé de remplacer l'étain par un plaqué de zinc; mais ce métal est trop facilement attaqué par les aliments. Le doublé d'argent proposé par Navier serait certainement préférable, s'il n'était d'un prix trop élevé. Espérons que la galvanoplastie parviendra à couvrir les vases en cuivre d'une couche d'or, d'argent ou de platine, de manière à rendre ees vases inoffensifs, en les mettant à la portée de toutes les fortunes. En attendant cet heureux résultat, il importe de les tenir dans la plus grande propreté, et toujours bien secs, bien brillants, de renouveller souvent l'étamage, d'éviter enfin toutes les circonstances qui pourraient oxyder le cuivre, le faire passer à l'état de sel. C'est probablement en se conformant à ces préceptes, que les anciens peuples ont pu se servir des vases en cuivre non étamé sans accident; usage encore suivi en Bohême, d'après Fodéré, et dans quelques départements de la France, etc. Ainsi, dans plusieurs parties du département de l'Aveyron, on conserve encore l'eau dans ces sortes de vases, sans influence fàcheuse. Les alliages de cuivre,

quoique, en général, moins dangereux, doivent être surveillés avec le mêmé soin. Le Dr Tassereau nous a communiqué qu'une dame avait éprouvé les symptômes d'intoxication cuivreuse, pour avoir laissé une cuiller en maillechort dans de l'anguille préparée au beurre et au vinaigre et renfermée dans un vase en faïence. La même cuiller, bien nettoyée, déposée dans un mélange de choux, de pain, de beurre et de vinaigre, offrait, après 12 heures de contact, des taches verdâtres, manifestement cuivreuses aux réactifs chimiques. Comme, d'après Darcet, le véritable maillechort serait préférable à l'argent à bas titre, cette cuiller était probablement du faux maillechort. Ayant déjà indiqué les circonstances dans lesquelles les vases en cuivre pouvaient acquérir des propriétés toxiques, il nous reste maintenant à appuyer ces assertions de quelques faits.

Les épinards, l'oseille et autres herbes, préparés dans des vases en cuivre, les cornichons conservés dans du vinaigre auquel on a ajouté à dessein quelques sous, offrent une couleur verte, plus foncée et plus agréable que lorsqu'ils sont préparés ou conservés dans des vases de terre, de porcelaine, etc. Cette couleur est due aux sels de cuivre, qui s'y trouvent quelquefois en assez grande quantité pour occasionner des accidents; alors, une aiguille bien décapée, plongée dans ces aliments, se couvre bientôt d'une couche cuivreuse. Dupuytren a vu des personnes éprouver des coliques, des vomissements, pour avoir mangé de la salade, assaisonnée avec du vinaigre, vendu dans de petits tonneaux dont les robinets étaient en cuivre. Drouart eut, pendant trois jours, des coliques, de la diarrhée, pour avoir mangé un ragoût assaisonné avec du vin conservé dans des tonneaux dont le robinet était aussi en cuivre. Dans ces deux cas, le robinet, s'est oxydé à l'intérieur sous l'influence de l'air humide, et la couche d'oxyde s'est dissoute dans l'acide acétique du vin ou du vinaigre. Il nous vient en souvenir de notre jeune âge, que, lorsqu'on soutirait du vin dans des vases en cuivre, on mettait dans ces vases une clef, et que celle-ci devenait toute rouge en se couvrant d'une couche cuivreuse. C'est en effet un bon préservatif. Les

un repas

usages vulgaires, comme celui de jeter dans les puits des bûches carbonisées, dans le but de purifier l'eau, reçoivent leur explication ou d'autres applications plus tard. En 1592, fut donné aux sénateurs de Berne. Tous les convives furent pris de dyssenterie, quelques-uns succombèrent. On attribua ces accidents à ce que le vin avait été conservé dans des vases en cuivre. Les accidents par le vin, le vinaigre et autres boissons, conservés dans des vases en cuivre, ainsi que par les eaux distillées, expédiées dans des estagnons en ce métal, mal étamés, ou étamés avec un alliage plombique, sont assez fréquents. Des huîtres sont servies sur la table d'un ambassadeur; toutes les personnes qui en mangent se trouvent mal sur le-champ, éprouvent de l'anxiété, des vomissements, avec efforts énormes. L'huîtrier avait teint ces mollusques avec du verdet, afin de les faire passer pour des huîtres d'Angleterre. M. Lefortier s'est assuré que les prunes à l'eau-de-vie, prises chez divers liquoristes, devaient leur belle couleur verte à la présence du cuivre : en effet, une aiguille bien décapée, plongée dans ces fruits, pendant 2 ou 3 heures, s'est couverte d'une couche de cuivre. M. Derheims, pharmacien à SaintOmer, cite un empoisonnement par la liqueur d'absinthe, colorée avec le sulfate de cuivre. Les accidents peuvent être occasionnés par les bonbons, par les papiers colorés en vert ou en bleu. Tout récemment, une ordonnance de police a défendu aux charcutiers, aux épiciers, etc. de distribuer leurs marchandises dans des papiers colorés, les acides qu'elles contiennent pouvant dissoudre les préparations cuivreuses ou autres matières métalliques qui auraient servi à colorer ces papiers. L'intoxication cuivreuse peut aussi avoir lieu par les médicaments préparés ou conservés dans des vases, des alliages en cuivre. Les tamarins, l'extrait de réglisse et probablement aussi la plupart des autres extraits renferment de ce métal. Mlle R. M. périt pour avoir pris une médecine, préparée et mise à infuser, pendant toute une nuit, dans un poêlon en cuivre. Portal cite un cas semblable. La crème de tartre, pulvérisée dans des mortiers en bronze, offre des taches ou une

couleur verdâtre; c'est ce qui doit avoir lieu aussi pour les sels acides, les matières dures. Le tabac, le sel, etc., pesés ou conservés dans des vases en cuivre, ont aussi occasionné des accidents.

Il est à peu près généralement admis aujourd'hui, que les ouvriers qui travaillent le cuivre sont sujets à une colique spéciale, la colique de cuivre. Ce mode d'intoxication se produit probablement par les parcelles de cuivre oxydé, répandues dans l'air et absorbées par les bronches ou avalées avec la salive. L'imprégnation de la peau, des muqueuses externes, etc. par le cuivre n'y est peut-être pas étrangère. M. Cottereau et Chevalier ont observé des accidents graves chez une personne qui avait retiré d'une caisse des objets en alliage d'argent et de cuivre, couverts d'une couche de verdet. M. Tanquerel des Planches pense que souvent on a pris la colique de plomb pour la colique de cuivre, surtout chez les fondeurs en cuivre. Cependant, il en a observé plusieurs cas bien caractérisés. M. Andral en cite quelques exemples. Nous l'avons observée deux fois chez un fondeur en cuivre. M. Blandet en rapporte aussi plusieurs cas. La colique de cuivre pouvant se développer dans les mêmes circonstances que la colique de plomb, offrant quelque analogie avec cette dernière, nous la décrivons aux préparations plombiques, et nous donnerons leurs caractères différentiels.

Le plus souvent, les empoisonnements cuivreux ont lieu par les aliments, les boissons préparés, conservés dans des vases en cuivre oxydé, ou qu'on y a laissé refroidir. Trois ouvriers de Lyon sont morts après avoir mangé de petits pois cuits dans des vases de ce métal. Un charcutier de Paris ayant préparé des comestibles pour les élèves de l'École polytechnique, ceux-ci éprouvèrent des accidents assez graves pour nécessiter les secours du médecin. Analysés par MM. Thénard et Dumas, ces aliments renfermaient du cuivre. M. Dubrunfaul cite un cas semblable, où, tout au plus, une livre et demie de viande a occasionné des accidents graves chez sept personnes. Un malade, après avoir pris un potage au tapioka, éprouva tous les symptômes d'un empoisonnement, qu'on attribua à ce que

le tapioka avait été préparé avec la fécule de pomme de terre, sur des plaques en cuivre. Dupuytren rapporte qu'une famille entière fut empoisonnée pour avoir mangé des écrevisses qu'on avait fait cuire et laissé séjourner dans un chaudron de cuivre, après avoir ajouté du vinaigre. Trois personnes avancées en àge moururent; les autres survécurent. Voici un fait semblable.

Observation I. Le 9 juillet 1781, M. Morisot Deslandes fut appelé pour soigner vingt-et-un moines jacobins de Paris que l'on disait empoisonnés. Tous avaient des douleurs violentes, des coliques, de la fièvre. Chez tous, les premiers accidents furent un grand mal de tête, accompagné de faiblesse excessive générale, des douleurs sourdes sur le devant des cuisses, et, chez quelques-uns, des crampes dans les mollets. Les premiers attaqués avaient éprouvé en outre une vive douleur dans l'estomac, de l'anxiété précordiale, des tremblements dans les membres. If apprit que le vendredi et le samedi les malades avaient mangé, à dîner, de la raie cuite dans une chaudière; que le cuisinier, après avoir retiré une partie de l'eau, y avait ajouté du vinaigre, afin de raffermir le poisson, et laissé séjourner le tout quelque temps hors du feu. Il administra d'abord du lait coupé avec quatre parties d'cau, de l'eau gommeuse, du bouillon léger de viande, des lavements émollients, et, quatre ou cinq jours après, des minoratifs doux, la casse, la dissous dans du petit lait, et ensuite du séné. Tous les malades se rétablirent en peu de temps. Un étranger qui avait dîné au couvent et auquel on avait donné de l'émétique fut très-mal. Il n'était pas encore rétabli au mois de septembre (Drouart).

manne,

Observation II. Le 1er février 1815, à midi, Me B...., âgée de soixante-seize ans, sa demoiselle, âgée de trente-neuf, et sa servante, âgée de vingt-deux, mangent une fricassée de poulet, préparée dans une casserole en cuivre mal étamée, et avec de l'eau qui avait bouilli dans une cafetière en cuivre rouge aussi non étamée. Sur le soir, Mine B., et surtout sa demoiselle, qui était d'une santé très-délicate, éprouvèrent des efforts de vomissements avec sécheresse et stypticité de la bouche, de la soif, des vives douleurs épigastriques, des coliques suivics de plusieurs déjections alvines séreuses et blanchâtres. La nuit se passa dans cet état et sans soupçonner la cause des accidents. Le lendemain au matin les symptômes étaient plus intenses; la demoiselle était en proie à des anxiétés continuelles, à des convulsions générales, à un gonflement douloureux et rénitent des parois abdominales, à des

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