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sont fréquemment usités pour combattre les inflammations

externes.

B. Empoisonnement lent.

Les préparations plombiques, en pénétrant peu à peu dans l'organisme, donnent lieu à un empoisonnement lent, à une affection spéciale, appelée colique ou plutôt maladie saturnine. Il n'est pas démontré que cette maladie puisse se produire exclusivement par la peau; les auteurs sont en désaccord sur ce point, comme nous le verrons aux faits pratiques. La science possède au contraire un grand nombre de faits de cette espèce d'intoxciation: 1o par l'acétate de plomb donné à l'intérieur comme médicament dans les cas de gonorrhée, de leucorrhée, de catharre, de phthisie, etc. ; 2o par l'application du sparadrap, du cérat saturnisé sur une plaie (Observation I) ou par l'emploi de l'eau de goulard, en fomentation, en collyre, en injection dans le vagin (Observation II); 3° par l'usage des aliments, des boissons, des condiments, des eaux distillées, devenus accidentellement plombiques. 4o Enfin, cette affection s'observe surtout chez les ouvriers qui travaillent les préparations plombiques, qui sont exposés aux émanations plombiferes (Observation III et suivantes).

Prédisposition. Toutes choses égales d'ailleurs, l'affection saturnine est plus fréquente dans les saisons chaudes que dans les saisons froides. Les animaux y sont sujets comme l'homme. Les enfants paraissent la contracter plus facilement que l'adulte, et celui-ci plus facilement que les vieillards; les femmes au contraire y seraient moins sujettes que l'homme. On ne l'a pas observée chez les enfants à la mamelle, quoique, d'après Chaussier, la poudre de céruse, dont on saupoudre quelquefois les excoriations des aines, puisse la produire; mais, il faut l'avouer, on a fort peu de données à cet égard, et ce sont en général des hommes de trente à quarante ans qui sont occupés à ces travaux. Nous en dirons autant quant à la constitution, au tempérament. Les personnes adonnées aux boissons, aux écarts de régime, y sont plus prédisposées et souvent même l'affection saturnine éclate après une ribote. L'invasion de

cette maladie est aussi très-variable. Les uns en sont atteints après un travail de quelques jours, de quelques mois, d'une ou plusieurs années, tandis que chez d'autres ce n'est qu'après un travail de dix, vingt et trente ans. Chez celui-ci elle est légère, chez celui-là très-intense, quoique, dans les deux cas, les circonstances soient les mêmes. Une première attaque prédispose à une autre. Les récidives sont plus ou moins nombreuses; tel en est atteint tous les mois, tous les ans ; il en est même qui l'ont eu six, huit et même vingt, vingt-trois fois et plus. Les rechutes sont fréquentes et se manifestent chez le vingtième des malades; elles ont lieu ordinairement après des écarts de régime et dans l'intervalle de un ou plusieurs jours après la guérison. M. Tanquerel des Planches, à qui nous empruntons ces détails et la plupart de ceux qui vont suivre, cite un peintre qui a eu tous les ans et pendant sept ans une attaque de la maladie saturnine, quoique, pendant tout ce temps, il ne se soit pas exposé à l'influence des préparations plombiques.

Symptômes prodromiques. L'affection saturnine, avant le développement des symptômes spécifiques, et quelle que soit sa forme, s'annonce, le plus souvent, surtout chez les personnes qui ont été soumises pendant quelque temps à l'influence des préparations saturnines, par quatre caractères particuliers : 1° la coloration des dents et de la muqueuse buccale; 2o la saveur et l'haleine saturnine; 3o l'ictère saturnine; 4o l'amaigris

sement.

Le premier et le plus fréquent de ces symptômes prodromiques, est la coloration d'abord violacée, puis bleuâtre ou gris-ardoisé et dans l'étendue de une à deux lignes de la portion gengivaire la plus voisine des dents, surtout des canines et des incisives. Cette couleur contraste avec la teinte rosée des autres parties de la muqueuse gengivaire ou buccale, qu'elle envahit cependant quelquefois. Les dents, le plus ordinairement, deviennent brunâtres, surtout au collet, se déchaussent par l'usure des gencives, se carient et se cassent facilement. Cette coloration paraît être due à la formation du sulfure de plomb, car elle disparaît par l'eau oxygénée ou par des lavages

à l'eau, aiguisée d'acide sulfurique ou chlorhydrique. Les personnes qui offrent les deux symptômes précédents accusent, le plus souvent, un goût sucré styptique ; leur haleine a une odeur spéciale (haleine saturnine), qu'il est impossible de décrire; leur peau devient d'un jaune pále, légèrement cendré et, au plus haut degré, jaune terreux, surtout à la face. La conjonctive offre aussi une coloration analogue, mariée avec une teinte bleuâtre. L'urine est d'un jaune terne, les matières fécales sont d'un jaune fauve, et le sérum du sang a un reflet jaunâtre. Cette coloration jaunâtre, jaune terreuse, qui se retrouve dans tous les organes après la mort, se distingue de l'ictère proprement dit, parce que la couleur en est moins vive, ne tire pas sur le vert et que les urines ne se nuancent pas par l'al'acide azotique comme dans la jaunisse. La couleur jaune, dans les fièvres intermittentes, est un peu livide, et celle des individus cancéreux, d'un jaune paille. Enfin, en même temps que l'ictère saturnin se déclare ou quelque temps après, survient un amaigrissement général, plus prononcé à la face. Les individus paraissent vieillis, leur figure ridée porte l'empreinte de la tristesse ; ils perdent de leur embonpoint, de leurs forces. Le pouls est souvent ralenti à quarante ou cinquante pulsations.

Ces prodromes de l'intoxication saturnine sont d'autant plus prononcés et plus prompts à se manifester que les individus sont placés dans les circonstances les plus propres à absorber les molécules plombiques. Ils peuvent précéder l'invasion de la maladie depuis quelques heures jusqu'à des années entières ; mais on est sûr qu'elle se déclarera bientôt, s'ils sont bien prononcés. On les observe surtout chez les ouvriers cérusiers, de minium, etc., chez ceux enfin qui ont été constamment plongés dans les émanations saturnines. Ils le sont moins et même quelquefois on n'observe qu'un ou deux de ces signes chez les peintres en bâtiment, les potiers de terre. Ile le sont moins encore et manquent même assez souvent, chez les individus intoxiqués par les médicaments, les aliments, les boissous plombiques, c'est-à-dire lorsque la maladie se déclare au bout de quelques jours, de quelques mois; enfin, ces symptômes

prodromiques apparaissent rarement et sont plus ou moins prononcés chez le même individu.

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Invasion de la maladie. L'affection saturnine siége princi palement sur le système nerveux de la vie organique et de relation, et comme la colique est le symptôme prédominant ou plutôt le plus fréquent, les auteurs ont désigné cette maladie sous les noms de colique de plomb ou saturnine, des peintres, de Poitou, de Madrid, de Dewonshire, de colique végétale, selon la cause présumée, les individus qui en sont atteints, les pays où on l'a observée, etc. M. Tanquerel des Planches admet que l'affection saturnine a quatre manifestations spéciales et, d'après son siége ou la partie du système nerveux affectée, son mode de manifestation, il établit quatre formes distinctes 1o la colique saturnine, si c'est le système nerveux abdominal; 2o l'anthralgie et la paralysie saturnine, si c'est le système nerveux de la vie de relation dans le premier cas il y a douleur, exaltation de la sensibilité; dans le second, perte du mouvement ou du sentiment; 3o l'encéphalopathie saturnine, lorsque c'est l'encéphale avec perte, trouble de l'intelligence, etc. De ces quatre formes, qui, d'après le même auteur, diffèrent dans leur physionomie, leur marche, leur durée, leur traitement, etc., la forme colique est la plus fréquente. Sur vingt-trois individus, douze seraient atteints de coliques, huit d'anthralgie, deux de paralysie, un d'encéphalopathie. Elle se montre rarement seule; assez souvent elle précède ou complique les autres; cependant chacune de ces affections peut ouvrir la scène, la fermer, ou exister séparément; et quoique les individus soient exposés aux mêmes influences, les uns contractent la colique, ceux ci l'anthralgie, ceux-là l'encéphalopathie ou la paralysie. Cette dernière seule aurait une marche chronique. A l'exemple de M. Tanquerel, nous décrirons chacune de ces formes séparément.

A. COLIQUE SATURNINE. L'invasion en est quelquefois brusque, mais le plus souvent elle est précédée d'un poids à l'épigastre, de douleurs sourdes, fugaces dans le ventre, augmentant après le repas; par des nausées, des borborygines, des éructations.

L'appétit diminue, disparaît même; les matières fécales deviennent globuleuses, noirâtres ou jaunâtres, et les selles moins fréquentes. L'excrétion urinaire est plus difficile, même douloureuse. Cet état prodromique peut durer plusieurs jours, des semaines, des mois, pendant lesquels les ouvriers continuent leur travail, surtout si ces symptômes sont intermittents. Enfin, les douleurs acquièrent brusquement plus d'intensité, reviennent à des intervalles plus rapprochés et la colique se déclare. Rarement elle est précédée de diarrhée.

La colique peut siéger à la fois ou séparément sur les diverses régions abdominales, d'où elle s'irradie aux autres parties. C'est surtout aux régions correspondantes aux plexus du grand symphatique, et, dans l'ordre de sa plus grande fréquence, à l'ombilic, à l'épigastre, et plus rarenrent à la région rénale, hypocondriaque, aux flancs, aux fosses iliaques, aux testicules; par conséquent les symptômes accessoires différeront selon la région affectée. Les caractères spéciaux de la colique sont surtout: 1o la douleur; 2o la constipation; 3o la rétraction et la dureté du ventre; 40 les nausées, les vomissements, le hoquet, etc!

La douleur, symptôme le plus caractéristique, est violente, et consiste dans un sentiment de tortillement, de dilacération, d'arrachement, de brûlure, de térébration compres sive; elle se manifeste par accès, pendant lesquels le malade s'agite, pousse des cris aigus, des gémissements. Le facies est décomposé, les traits sont grippés, les yeux ternes, égarés; le patient prend des attitudes bizarres dans le but de soulager sa douleur, se couche sur le ventre, le couvre de ses oreillers, se le fait même comprimer par ses camarades; en effet, dans la plupart des cas, une pression graduée, avec le plat de la main, calme ordinairement la douleur. Si la colíque siége à la région rénale, à l'hypogastre, le malade éprouve une sensation de resserrement vers le col de la vessie, et l'introduction d'une sonde est difficile; il fait des efforts impuissants pour uriner, ou n'urine que par secousses, le pénis est contracté. Si c'est aux testicules, cès organes sont rapprochés de l'aine; si c'est à l'épigastre, les nau

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