Images de page
PDF
ePub
[blocks in formation]

CET ouvrage est divisé en quatre livres, qui sont plus ou moins étendus dans chaque volume, selon le nombre, l'intérêt et la liaison des matières y relatives; de sorte que la division de l'ouvrage n'est point applicable à ses livraisons partielles, qui peuvent présenter les quatre livres réunis ou n'en présenter que deux. Toutefois l'absence d'un livre premier dans ce sixième volume semble exiger quelques éclaircissemens; ils rappelleront en même temps la marche et le but de l'ouvrage.

L'Assemblée constituante avait tout à créer; ses hautes délibérations, incessamment partagées entre les nombreux objets qui en réclamaient le fruit, ne pouvaient être soumises à une marche régulière. Cependant le lecteur veut des tableaux complets, sans intervalles dans leurs parties; et nous avons toujours tâché de le satisfaire ainsi, par exemple, dans le livre premier du cinquième volume il a vu cette Assemblée, qui avait suspendu l'exercice du pouvoir exécutif entre les mains de Louis XVI, diriger scule et glorieusement le vaisseau de l'Etat, sauvé par elle d'une imminente

[ocr errors]

tempête; achever avec dignité ses travaux; proclamer la Constitution, rendre le sceptre au prince en échange de son serment, enfin accomplir le sien, se dissoudre, et emporter la bénédiction de la France et l'admiration de l'Europe.

Nous ne pouvions interrompre une chaîne de faits si intimement liés, et qui comprennent à peine trois mois. Mais en cédant à l'intérêt puissant qu'ils présentent nous sommes arrivés à la clôture de l'Assemblée sans avoir atteint le terme de ses travaux, encore plus féconds, à la vérité, que les événemens qui les ont traversés. Nous n'avons donc pas dû balancer à suspendre le livre consacré aux circonstances historiques pour étendre ceux qui renferment les principes positifs, éternels, et réhabilités par l'Assemblée constituante : ce premier livre reparaîtra pour l'Assemblée législative, pour la Convention, etc.

Dans le livre II de ce volume nous donnons la révision de l'acte constitutionnel, précieuse discussion qui n'avait pas encore été réunie en un tout, et qui fut en partie improvisée à la tribune; ce morceau se complète par la Constitution mémc. Le livre III comprend ce qui nous a paru le plus important dans la discussion du Code pénal, décrété après la Constitution.

Le tome VII, supplément indispensable pour faire connaître les travaux de l'Assemblée constituante, contiendra entre autres choses l'organisation de la garde nationale et de l'armée, le tableau des finances avant, pendant et après l'Assemblée, des documens relatifs à la réunion d'Avignon à la France, etc., etc.

Et nous ne craignons pas qu'on nous reproche de nous étendre trop sur cette première époque de l'ère constitutionnelle en France; nous obéissons non seulement au vœu du plus grand nombre de nos souscripteurs, mais encore au vou national. C'est à cette mémorable époque que les amis de la liberté remonteront toujours, que toujours ils puiseront et des exemples et des principes; les principes surtout, trop souvent méconnus ou faussement appliqués !

La seconde époque de notre Révolution nous offrira des événemens qui peuvent être frappés d'une censure sévère ; cependant elle ne fut pas stérile en vertus : ces événemens, quelle que soit leur nature, nous les recueillerons avec impartialité. Mais plus loin les années se presseront dans nos volumes; les accens de la liberté ne retentiront plus que rarement à la tribune.... Alors qu'elle s'ouvrira aux récits de notre gloire elle nous verra attentifs; subjuguée par l'ascendant d'un grand pouvoir, nous la couvrirons d'un voile, jusqu'à ce qu'elle redevienne l'organe pur et fidèle des volontés nationales. Vox populi vox Dei.

L.

LIVRE II.

LÉGISLATION CONSTITUTIONNELLE.

RÉVISION DE LA CONSTITUTION.

L'ASSEMBLÉE NATIONALE, par son héroïque serment du Jeu de Paume, avait promis à la France de ne point se séparer avant de lui avoir donné une Constitution (1) : dans la journée du 4 août (2) elle posa les bases de ce grand édifice, successivement élevé par son courage et par ses lumières ; enfin, après deux ans de travaux immortels, elle vit s'accomplir son serment du 20 juin 1789. Les pouvoirs étaient organisés, et les droits du peuple garantis; cependant il fallait encore pouvoir dire à la France: voilà la Constitution; or il restait à coordonner, à réunir en un tout les principes constitutifs reconnus dans un grand nombre de décrets, et proclamés à différentes époques (3): cette tâche importante l'Assemblée la confia à deux comités, ou plutôt au seul comité de constitution, dont elle doubla le nombre des membres en le chargeant de la révision des décrets. Ces deux comités réunis se trouvèrent ainsi composés :

Membres du comité de constitution. MM. Thouret, Target, Chapelier, Sycyes, Talleyrand, Rabaud-Saint-Etienne, Demeunier. Membres adjoints pour la révision. MM. Duport, Barnave, Alexandre Lameth, Clermont-Tonnerre, Beaumetz, Pétion, Buzot. (4)

(1-2) Voyez tome I. (3) Voy encore nos précédens volumes.

(4) Clermont-Tonnerre est le seul qui n'ait point signé le projet de constitution; il avait cessé de se rendre aux comités après le décret qui suspendait l'exercice des fonctions exécutives entre les mains de Louis XVI. Syeyes, Pétion et Buzot, par d'autres motifs que la discussion expliquera, ne prirent non plus qu'une très faible part à la rédaction de ce projet; néanmoins ils crurent devoir le signer. Voyez plus loin, page 26, te reproche que Duport adresse à Pétion et à Buzó sur leur éloignement des comités.

VI.

Ils terminèrent le classement, la révision des décrets constitutionnels le 4 août 1791, jour anniversaire de l'abolition en France des priviléges et de la féodalité; le lendemain M. Thouret fit lecture devant l'Assemblée du projet de rédaction de la Constitution française, projet accueilli d'abord avec une émotion, avec un enthousiasme qui approchait du délire, mais bientôt exposé au choc des opinions les plus contradictoires la discussion générale de l'acte constitutionnel s'ouvrit le 8 du même mois (1).

:

Avant d'entrer dans cette discussion rappelons quelle était alors la disposition des esprits, et les causes qui les agitaient. Six semaines s'étaient à peine écoulées depuis le ́départ du roi, et nous avons vu que cet événement, qui eut pour premier effet de procurer un triomphe aux représentans de la nation, sema ensuite au milieu d'eux et la division et la haine : le côté droit, exaspéré, ne cessait de signaler comme un attentat à la royauté le décret qui en suspendait momentanément les fonctions entre les mains de Louis XVI; la minorité du côté gauche; qui avait voté pour que le monarque fût appelé en cause avec les auteurs de son évasion, persistait au contraire à voir une coupable indulgence dans la conduite de l'Assemblée ce dissentiment des législateurs alimentait la tourmente populaire; le drapeau rouge était resté appendu à l'Hôtel-de-Ville, et le canon du Champ de Mars semblait encore retentir au cœur de Paris... (2)

C'est dans cette disposition des esprits que les comités présentèrent le projet de Constitution. Si à la première lecture il parut tout concilier, c'est que tous les partis voyaient là,

(1) Dans le tome V nous avons rassemblé en un seul article des détails historiques comprenant depuis la première lecture de l'acte constitutionnel jusqu'à la proclamation qui en fut faite par les hérauts d'armes : ici nous ne devons nous attacher qu'à suivre les délibérations de l'Assemblée sur cet acte.

(2) Voyez, tomes III et IV, les détails relatifs aux événemens de juin et juillet 1791. Le drapeau rouge, placé à l'Hôtel-de-Ville le 17 juillet, ne fut ôté que le 7 août, veille de l'ouverture de la présente discussion.

mais chacun sous un point de vue bien différent, un terme à leur longue attente; un examen plus approfondi ne tarda pas à rallumer les divisions. Les comités, croyant que dans l'origine l'Assemblée avait trop ôté au pouvoir exécutif, s'étaient attachés à lui rendre quelques moyens d'influence: c'était trop peu pour les membres du côté droit; le côté gauche au contraire s'alarma de ces concessions or aux inimitiés, aux défiances, aux ressentimens qu'avaient laissés les événemens de juin et juillet, vinrent se joindre des soupçons de faiblesse... Voilà ce que les comités eurent à combattre en soumettant la Constitution aux membres du côté droit, qui jamais n'avaient voulu franchement de constitution libre ; à la minorité du côté gauche, qui peut-être en secret ne voulait plus de constitution monarchique; aux vrais constitutionnels, glorieux de leur ouvrage, ardens à le défendre, invariables dans leurs premières déterminations, et forts du partage de leurs adversaires en deux fractions inconciliables.

Nous laisserons à la discussion le soin de justifier ou de détruire les reproches faits aux auteurs du projet d'avoir écarté ou modifié en faveur du pouvoir exécutif quelques dispositions primitives de la Constitution.

DISCUSSION GÉnérale de l'ACTE CONSTITUTIONNEL. Discours de M. Thouret, au nom des comités de consti→ tuiion et de révision. (Séance du lundi 8 août 1791.) << Messieurs, la mission dont vous avez chargé vos comités était bornée à trier et à réunir ceux de vos décrets qui sont essentiellement constitutionnels; ce n'est donc pas du fond même de ces décrets que j'ai à vous entretenir, mais seulement du plan que vos comités ont adopté, et des considérations qui ont servi de règle générale pour discerner les décrets vraiment constitutionnels de ceux qui ne le sont pas.

[ocr errors]

Quant au plan il était possible qu'en nous renfermant dans le sens strict et rigoureux du mot constitution nous ne fissions entrer dans notre travail que l'unique objet de la division et de l'organisation des pouvoirs publics; mais nous avons observé que l'Assemblée n'avait pas établi la Constitu- pour un peuple nouveau ni dans une terre vierge, que

tion

« PrécédentContinuer »