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gravée avec l'Esprit de Dieu'. Empêcher quelqu'un de concourir à cette proclamation, c'est le déshériter de la succession du Christ, c'est l'exclure de l'Église, c'est détruire en lui l'œuvre divine. L'esprit de domination, qui viendrait contester aux laïques, et à plus forte raison aux prêtres, la part des lumières que l'Église a reçues pour tous, nie et les droits innés à l'homme et les droits acquis au fidèle; elle interdit l'exercice de l'intelligence et de la foi, elle ruine la liberté naturelle et la liberté chrétienne. Puisque le pouvoir de sacrementer, qui ne dérive en rien de la nature, est reconnu à tous les membres du corps, comment refuser à une par. tie d'entre eux le pouvoir d'enseigner, qui a sa principale racine dans l'humanité?

. Lorsque les pouvoirs ecclésiastiques agissent, rémarquons cependant la différence d'autorité qui appartient à chacun. Il peut arriver, dans la discussion, que celui qui a plus de savoir obtienne plus d'influence, et cette supériorité tient à l'ordre naturel; mais quand il s'agit de prononcer, le jugement de l'évêque pèse plus que celui du prêtre, le jugement du prêtre plus que celui du laïque, parce qu'il résulte d'une plus grande lumière surnaturelle, qui augmente comme le pouvoir de sacrementer que chacun d'eux possède. Supposons que dans une catastrophe les laïques disparussent, l'Église subsisterait toujours par les évêques et les prêtres, qui alors en seraient les seuls membres et concentreraient en eux son infaillibilité. Que les prêtres dispa

Manifestati quod epistola estis Christi... Scriptą non atramento, sed Spiritu Dei vivi : non in tabulis lapideis, sed in tabulis cordis carnalibus.

russent aussi, elle subsisterait encore par les évêques, n'en restât-il qu'un seul, puisque par eux ou par lui, elle conserverait la plénitude du sacerdoce, et continuerait d'être infaillible. Au contraire, que les laïques et les prêtres survécussent, que les évêques périssent, l'Église, n'ayant plus qu'une partie du sacerdoce, cesserait d'être à l'abri de l'erreur, serait anéantie. Pour faire mieux entendre leur grandeur relative, s'il était permis d'emprunter une comparaison aux mathématiques, nous dirions que ces trois pouvoirs sont comme une fonction à trois termes, dont l'épiscopat serait le principal; terme suffisant dans certains cas et devant lequel les autres n'ont aucune valeur. L'évêque cumulant tous les pouvoirs, les représente tous, tant qu'il est seul; il forme l'Église entière avant leur développement. Sont-ils développés? Il n'est qu'une partie de l'Église, la prêtrise et le laïcisme deviennent les autres. C'est un flambeau qui d'abord porte lui seul toute la lumière; mais dès qu'elle est communiquée à d'autres plus ou moins brillants, tous composent le jour qui nous éclaire.

Serait-il possible que la scolastique n'eût pas extravagué sur l'infaillibilité? Donc elle ena imaginé deux; l'une active, enseignante, l'autre passive, confessante; la première appartenant aux pasteurs, la seconde au corps des fidèles, ou des fidèles et des pasteurs, en tant que ceux-ci confessent la foi. Je demande si ces deux infaillibilités sont dépendantes, ou indépendantes l'une de l'autre. Si dépendantes, celle qui est subordonnée s'évanouit près de l'autre, qui reste la seule effective, et l'hypothèse de l'infaillibilité double tombe. Si elles sont indépendantes,

s'il y a réellement deux infaillibilités, l'Église perd son unité et se trouve divisée dans ce qu'il y a de plus indivisible, l'assistance de l'Esprit saint; c'est-àdire qu'on détruit son infaillibilité véritable en lui créant deux infaillibilités chimériques. Au surplus, qu'est-ce qu'être infaillibile pour l'Église? c'est publiersans erreur la doctrine de Jésus-Christ. Eh bien! que cette publication soit spontanée, comme dans l'instruction, ou qu'elle soit provoquée par la contestation, par la persécution, n'est-ce pas essentiellement le même acte? N'est-ce pas toujours la vérité soutenue avec un secours spécial de Dieu? Quand les fidèles souffrent le martyre, en quoi, au fond, leur confession du christianisme contre ses oppresseurs, diffère-t-elle de l'enseignement du christianisme par les pasteurs contre les hérétiques? Quelle bizarrerie d'annuler leur témoignage, lorsqu'ils parlent dans une assemblée délibérante, après avoir mûrement réfléchi, et de le juger puissant, si on les voue à la mort et qu'ils y courent?

Nous venons d'exposer la théorie, regardons l'action. Tant que l'Eglise conserve son état régulier, les pouvoirs qui la constituent lui donnent ensemble ses ministres, règlent ensemble sa discipline, prononcent ensemble sur la doctrine.

Voyez s'élever la première grande question, celle de savoir si on doit observer la loi mosaïque. Par qui est-elle décidée? Par les apôtres, les prêtres et les fidèles. Suivez le récit de la délibération, vous trouverez que les apôtres, les prêtres, les laïques parlent collectivement pour annoncer aux fidèles d'Antioche le choix qu'ils ont fait de Jude et de Silas pour leur porter la décision qu'ils viennent de prendre.

Leur formule est positive: « Les apôtres, les prêtres et les frères, disent-ils, à nos frères d'Antioche, et de Syrie, et de Cilicie... : Il a semblé bon au Saint-Esprit et à nous. » Je n'ignore pas qu'on a nié la présence des laïques dans cette assemblée. S'appuyant sur l'absence de la particule et, qui manque au texte latin, on a prétendu que le mot fratres n'est qu'une épithète de seniores, et lire : les prêtres frères. Mais la conjonction et se trouve dans le grec, où saint Chrysostôme lisait kai adelphoi. Pourquoi d'ailleurs qualifier les prêtres de frères ou de fidèles? Ne le sont-ils pas avant d'être prêtres? et le sont-ils plus que les apôtres pour les distinguer par ce titre? N'est-il pas évident que là cette expression a le même sens que dans la phrase suivante : « A nos frères d'Antioche, de Syrie, de Cilicie? » Au reste, ce n'est pas seulement ce mot, c'est le chapitre entier qui atteste le concours des laïques. Que signifie donc, au verset quatre, cette Eglise qui est désignée avant les apôtres et les prêtres dans l'accueil que reçoivent Paul et Barnabé, et qui se distingue encore des apôtres et des prêtres dans l'élection qu'ils font tous de Jude et de Silas, si elle ne désigne pas des assistants autres que les apôtres et les prêtres, c'està-dire les simples fidèles?

D'un autre côté, on a violenté aussi le texte pour l'empêcher d'indiquer, par le mot seniores, vieillards, anciens, la présence des prêtres, qui, dit-on, n'existaient pas encore. On veut qu'il s'agisse des évêques, qu'on appelait de même seniores, presbyteri, ou prêtres. Cependant est-il admissible que l'Eglise qui, la première année de son existence, se donne des diacres, n'ait point, après seize ou dix

sept ans d'existence, rempli toute sa hiérarchie, en se donnant des prêtres? Contre toute vraisemblance, admettons-le, les prêtres n'en auront pas moins leur place marquée dans le concile de Jérusalem, puisque les laïques y occupent incontestablement celle qui leur est propre. C'est pourquoi ils siégent dans les conciles subséquents. Celui d'Elvire, le plus ancien dont les canons nous soient parvenus, réunit avec les évêques, vingt-trois, ou trente-six (il y a équivoque dans le caractère qui exprime le nombre) prêtres et tout le peuple, omni plebe. Au quatrième concile de Tolède, on lit dans le quatrième canon, qui règle l'ordre des assistants: « Après que les évêques sont entrés et assis, entrent les prêtres et les diacres; les prêtres s'assoient derrière les évêques, les diacres se tiennent debout en face; puis entrent les laïques. » Dans le concile d'Orange, où l'on compte treize prêtres et neuflaïques, tous disent, en souscrivant à la décision: consensi, ou consentiens subscripsi, j'ai consenti, ou consentant, j'ai souscrit. «Je conviens formellement, dit La Luzerne, qui ne péchait pas par défaut d'érudition, je conviens, et même je prétends que la règle ancienne et universelle, observée dans tous les siècles et dans toutes les parties de l'Eglise, a été d'admettre dans les conciles, avec les évêques, des prêtres, et même des diacres; on y recevait aussi de simples laïques; tous les anciens monuments en font foi. » Il serait trop long d'étaler ici ces preuves.

Mais La Luzerne, en qui la pénétration n'égale point la connaissance des faits, dit qu'on n' « appelle les laïques dans les conciles que pour leur donner la plus grande solennité et pour engager, par la

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