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de l'Eglise. Au surplus, cette double exclusion forme l'objet de votre mandement.

Quelle est la cause d'une pareille aberration? Comment arrive-t-il que vous croyiez maintenir l'Eglise, en écartant les laïques et les prêtres de son enseignement et de son gouvernement, alors que les écarter c'est la ruiner? Cela arrive parce qu'en effet ils s'en trouvent systématiquement éloignés, qu'ils n'y ont plus leur part nécessaire. Serait-il possible que l'épiscopat conservât seul la doctrine, quand la conservation de la doctrine n'a point été confiée à lui seul? Mettant tout entier le fardeau de la vérité sur ses épaules, qui ne sont faites que pour te soutenir conjointement avec d'autres, ne doit-il pas tituber et fléchir?

Outre l'erreur qui ampute à l'Eglise le laïcisme et la prêtrise, deux de ses pouvoirs constitutifs, rappelons celles que nous avons auparavant signalées: l'erreur des officialités, qui, supposant le pouvoir épiscopal mandatible, le transforme en pouvoir humain; l'erreur qui fait le sacerdoce propriétaire et le réduit à une chose terrestre, naturelle, ou factice, comme le fondement de la propriété ; l'erreur qui appelle le pape vicaire de Jésus-Christ, qualité propre à l'Eglise, et dégrade celle-ci, puisqu'à la place de son institution immanente, impérissable, elle met un homme variable, éphémère; l'erreur de l'intolérance ou religion d'Etat, qui anéantit la spiritualité du christianisme, puisqu'elle le rend saisissable à la loi civile, qui ne saisit que des objets matériels; l'erreur de l'immaculée conception de la Vierge, et celle de la double création de l'homme, qui annihilent la chute et ouvrent le ciel sans Jésus-Christ. Que

d'autres il serait facile d'accumuler! Par exemple, l'erreur qui substitue le sacrement de mariage au mariage, et par contre-coup, le mariage au sacrement, comme que les époux se l'administrent mutuellement eux-mêmes. Que dire de l'idolâtrie de tant de pratiques, telles, par exemple, que celle des Sacrés Cœurs? Que dire du polythéisme du faux culte des saints qu'on égale à Dieu, surtout la Vierge? Que dire de cette forêt de superstitions jaillissant du monachisme ou de l'abus des conseils évangéliques? Quel paganisme encore! Mais je ne m'occupe point ici du culte.

Cependant, au milieu de ces erreurs dont l'énumération ne finirait pas, s'étale l'erreur suprême de la domination, qui les a enfantées, qui les alimente et les abrite. Le publicain, la Madeleine, jusqu'à la femme adultère trouvent Jésus-Christ indulgent; mais il est implacable pour les dominateurs. Sur tout le monde, il laisse fluer des paroles de miséricorde;eux, il les accable d'imprécations. Leur présence semble l'enlever à son calme divin et le courroucer. La raison en est claire. Toutes les autres fautes peuvent s'écouler en repentir, au lieu que la domination se repaît, s'enivre d'elle-même. Contemplez-la à cette heure. En donnant le spectacle d'écarts qui l'humilient jusqu'au centre de la terre, elle crie Moi je suis l'Eglise; moi je suis l'organe infaillible du Très-Haut; je n'ai à recevoir ni leçon ni conseil de personne; je n'admets point de concours intelligent, libre; j'emploie des machines, j'agis sur des machines; nul n'a de droit que moi, je suis le droit universel; que le genre humain se

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taise, m'écoute parler et obéisse. Vit-on les pharisiens de l'Evangile se convertir?

L'adoration persistante de soi n'est pas la seule énormité de ce vice. Une autre, c'est qu'il dévaste l'Eglise. L'Eglise n'existe que pour régénérer l'homme, et elle ne peut exister sans être gouvernée. Qu'elle le soit mal, elle accomplira mal sa destinée. Qu'est-ce que régénérer l'homme? C'est rétablir en ^ lui la charité. Or, comment l'Eglise l'y rétablirat-elle, si elle ne la porte en soi, je veux dire dans les dispositions de ses ministres, dans les doctrines qu'ils professent, dans les règles de conduite qu'ils suivent? Sans doute, l'effet des sacrements et la charité qu'il produit, en sont presque indépendants. Mais qui s'adressera à l'Eglise, ou plutôt qui ne la quittera pas, si on la voit animée d'un esprit tout opposé à celui qu'elle doit créer dans les âmes? Aussi s'affaisse-t-elle dans un abandon universel.

La domination me semble le péché irrémissible contre le Saint-Esprit, dont parle l'Evangile, et que les Pères interprètent de diverses façons. Elle lui livre une guerre à mort dans l'Eglise qui est son règne, s'efforçant d'y exterminer la charité ou fraternité, par l'exaltation de quelques membres à la toute-puissance et l'abaissement de tous les autres au néant.

Cette domination, qui est l'antichristianisme, forme le second empire de l'antechrist. L'antechrist parut dans la synagogue et crucifia JésusChrist à son avénement religieux; il paraît dans l'Eglise et le crucifie à son avénement social; il doit reparaître à la fin des siècles. Que fera-t-il? Peutêtre qu'à la fois il bouleversera l'Eglise et la société

chrétienne. Mais au lieu de chercher à dévoiler sa perversité future, occupons-nous de sa perversité contemporaine. O Eglise! il t'a criblée de blessures; il t'a inondée de paganisme de la tête aux pieds. On dirait de toi une immense et effroyable lèpre. Tu n'es plus qu'un objet d'horreur ou de pitié pour les générations qui passent. Elles détournent la tête de dégoût, ou la branlent de moquerie. Qu'il faut te scruter longtemps et profondément pour découvrir ton existence divine et te saluer l'attente et la restauratrice des nations! Cependant qui t'a reconnue, pourrait-il ne pas te confesser en présence des enfants des hommes? Unique médiatrice des secours d'en haut, obtiens-moi la force de buriner l'anathème au front des sataniques extravagances de tes pontifes.

Oui, monsieur l'archevêque, l'épiscopat, avec ses égarements, ne cesse de poignarder l'Eglise, et, s'il ne cesse de s'égarer, c'est, je le répète, qu'il en monopolise la conduite, d'où il bannit la raison. Le laïcisme, qui la représente spécialement et qui se trouve frustré de toute action dans l'Eglise, s'applique tout entier à proclamer et à organiser la société évangélique. Par là, abolissant et condamnant les religions légales, le prétendu droit du sacerdoce à être propriétaire et à s'immiscer dans les charges civiles, il dépaganise le gouvernement de l'Eglise, et entraînerait l'épiscopat à l'imiter, s'il concourait avec lui à la gouverner. Portant en elle la raison qui l'éclaire et l'esprit chrétien qui l'anime dans l'Etat, il dissiperait les erreurs et les superstitions, et la dépaganiserait dans son enseignement et dans son culte comme dans son régime. Mais lui et la

cité chrétienne qu'il bâtit étant proscrits par l'épiscopat, et l'épiscopat, loin de régénérer l'Eglise, continuant à l'identifier de plus en plus avec le moyen âge, le laïcisme finit par ne plus voir le christianisme dans l'Eglise, et il la rejette. Disons à proportion la même chose de la prêtrise, qui représente la raison mieux que l'épiscopat, mais pas aussi bien que le laïcisme. Elle se balance de l'un à l'autre, ou se partage entre eux. Ici, elle respire l'ignorance et les folies prélatales. Là, elle les goûte dans le culte et les désapprouve dans le gouvernement. Ailleurs, ne les supportant nulle part, elle passe au protes tantisme, au déisme, ou ne reste extérieurement orthodoxe que pour conserver son pain. Faute d'instruction vraie ou suffisante, rarement elle sait déterrer le catholicisme et l'épurer dans toutes ses parties pour y demeurer sciemment fidèle.

Quoi qu'il fasse, il ne sera pas donné à l'épiscopat d'anéantir totalement l'Eglise, qui doit subsister autant que le monde. Il ne lui sera pas donné non plus d'en commencer le renouvellement, l'instruction diabolique qu'il a puisée dans les séminaires, et qui étouffe en lui le sens évangélique, s'y oppose. D'où partira l'initiative du salut? Elle partira d'abord des laïques, puis des prêtres, qui viendront les seconder. Comme on les repousse de l'Eglise, au nom de sa constitution, ils n'y rentreront que par une crise. Que sera-t-elle ? Je l'ignore. Mais aujourd'hui que les événements dévorent le temps, il est probable qu'elle ne tardera pas à éclater.

Les évêques jouissent de la faculté de s'assembler en concile, et elle émane de leur pouvoir; ils

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