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raient naître infailliblement et nécessairement. Continuons l'examen des différentes formes des gouvernements que nous avons nommés nationaux ou de droit commun, par opposition à ceux que nous avons appelés spéciaux ou de droit particulier et d'exceptions.

Lorsque la démocratie originelle, faute d'avoir imaginé un systême représentatif bien organisé, ou d'avoir su le maintenir, se résout en aristocratie, et que par-là se trouvent créées des classes élevées et des classes inférieures, il n'est pas douteux que la fierté des uns, l'humilité des autres, l'ignorance de ceux-ci, l'habileté de ceux-là, ne doivent être mises au rang des principes conservateurs du gouvernement, puisque ce sont autant de dispositions des esprits, propres à maintenir l'ordre

établi.

De même, lorsque cette démocratie se transforme en monarchie, en se donnant un chef unique, soit à vie, soit héréditaire, il est vrai de dire que, que, d'une part, la fierté du monarque, la haute idée qu'il a de sa dignité, la préférence qu'il marque à ceux qui l'entourent, l'importance qu'il attache à l'honneur de l'approcher; de l'autre part, l'orgueil des courtisans, leur dévouement, leur ambition, leur mépris même pour les classes inférieures, et

enfin le respect superstitieux de ces dernières classes pour toutes ces grandeurs, et leur desir de plaire à ceux qui en sont revêtus; toutes ces dispositions, dis-je, contribuent à la stabilité du gouvernement, et, par conséquent, sont, sous ce rapport, utiles, quelque jugement que l'on en porte d'ailleurs, et quels que soient les autres effets qu'elles produisent sur le corps social.

Il faut pourtant observer que nous ne parlons ici que des diverses formes des gouvernements que nous avons appelés nationaux, c'est-à-dire dans lesquels nous avons supposé que l'on fait profession de penser que tous les droits et tous les pouvoirs appartiennent au corps entier de la nation. Or, dans ceuxlà il ne faut pas que les différents sentiments particuliers, favorables aux formes aristocratiques et monarchiques, s'exaltent jusqu'à un certain degré, il faut que le respect général pour les droits des hommes prédomine tou jours, sans quoi le principe fondamental serait bientôt oublié ou méconnu, comme il l'est en effet presque toujours dans la pratique.

Maintenant si nous passons à l'examen des gouvernements que nous avons appelés spéciaux, c'est-à-dire où l'on reconnaît comme légitimes différentes sources de droits parti

culiers, prescrivant contre le droit général et national, il est évident que les différentes formes qu'ils peuvent revêtir, admettent les mêmes opinions et les mêmes sentiments que nous avons reconnus favorables aux formes analogues des gouvernements nationaux : et même dans ceux-ci, ces opinions et ces sentiments, au lieu d'être subordonnés au respect général pour les droits des hommes, peuvent et doivent n'être arrêtés que par le respect dû aux différents droits particuliers reconnus légitimes. Les droits généraux des hommes n'y sont rien.

Voilà, je pense, tout ce qu'il y a à dire sur ce que Montesquieu appelle le principe des différents gouvernements. Au reste, il me paraît beaucoup plus important de rechercher quelles sont les opinions et les sentiments que chaque gouvernement fait naître par sa nature et propage inévitablement, que de s'occuper de ceux dont il a besoin pour se soutenir. Je ne me suis arrêté à ceux-ci, que pour me conformer à l'ordre que Montesquieu a jugé à propos de suivre dans son immortel ouvrage, L'autre question est bien plus importante au bonheur des hommes. Elle trouvera peut-être sa place dans la suite de cet écrit.

LIVRE IV.

Que les lois de l'éducation doivent être relatives au principe du gouvernement.

Les gouvernements fondés sur la raison peuvent seuls desirer que l'instruction soit saine, forte, et généralement répandue.

Le titre de ce livre est l'énoncé d'une grande vérité, laquelle est fondée sur une autre aussi incontestable, que l'auteur exprime en ces termes: Le gouvernement est comme toutes les choses de ce monde : pour le conserver il faut l'aimer. Il faut donc que notre éducation nous dispose à avoir des sentiments et des opinions qui ne soient pas en opposition avec les institutions établies; sans quoi nous aurons le desir de les renverser. Or, nous recevons tous trois sortes d'éducation celle des parents, celle des maîtres, celle du monde. Toutes trois, pour bien faire, doivent concourir au même but. Tout cela est très-vrai, mais c'est presque tout ce que nous pouvons recueillir d'utile dans ce livre. Montesquieu ensuite se borne à-peu-près à dire que dans les états despotiques on habitue les enfants à la servilité; et

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que dans les monarchies il se forme, au moins parmi les courtisans, un raffinement de politesse, une délicatesse de goût et une finesse de tact, dont la vanité est la principale cause. Mais il ne nous apprend pas comment l'éducation dispose à ces qualités, ni quelle est celle qui convient au reste de la nation.

A l'égard de ce qu'il appelle le gouvernement républicain, il lui donne expressément pour base le renoncement à soi-même, qui est toujours, dit-il, une chose très-pénible. En conséquence, il manifeste pour beaucoup d'institutions des anciens, envisagées sous le rapport de l'éducation, une admiration que je ne puis partager, et que je suis bien surpris de voir dans un homme qui a autant réfléchi. Il faut que la force des premières impressions reçues soit bien puissante; et cela fait voir l'importance de la première éducation. Pour moi, qui néanmoins ne saurais m'en tenir aveuglément à ce qu'on m'a dit autrefois en m'expliquant Cornelius Nepos ou Plutarque, ou même Aristote, j'avoue naïvement que je n'estime pas plus Sparte que la Trappe, ni les lois de Crète, si toutefois nous les connaissons bien, plus que la règle de saint Benoît. Je ne saurais penser que l'homme, pour vivre en société, doive être violenté et dénaturé;

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