Isabelle a ma foi; j'ai de même la sienne, Ce qu'il dit là n'est pas... SGANARELLE. Taisez-vous, et pour cause; Vous saurez le secret. Oui, sans dire autre chose, LE COMMISSAIRE. C'est dans ces termes-là que la chose est conçue, J'y consens de la sorte. (A part.) VALÈRE. SGANARELLE. Et moi, je le veux fort. Nous rirons bien tantôt. Là, signez donc, mon frère; L'honneur vous appartient. ARISTE. Mais quoi! tout ce mystère... SGANARELLE. Diantre que de façons! Signez, pauvre butor. ARISTE. Il parle d'Isabelle, et vous de Léonor. SGANARELLE. N'êtes-vous pas d'accord, mon frère, si c'est elle, Que tous ces jeunes fous me paraissent fâcheux ! LISETTE. Chacun d'eux près de vous veut se rendre agréable. Et moi, je n'ai rien vu de plus insupportable; Et je préférerais le plus simple entretien A tous les contes bleus de ces diseurs de rien. SGANARELLE, à Ariste. Oui, l'affaire est ainsi. (Apercevant Léonor.) Ah! je la vois paraître, et sa suivante aussi. ARISTE. Léonor, sans courroux, j'ai sujet de me plaindre. De laisser à vos vœux leur pleine liberté : Je ne sais pas sur quoi vous tenez ce discours; Dessus quel fondement venez-vous donc, mon frère...? SGANARELLE. Quoi! vous ne sortez pas du logis de Valère? Qui vous a fait de moi de si belles peintures, SCÈNE X. ISABELLE, VALÈRE, LÉONOR, ARISTE, SGANARELLE, UN COMMISSAIRE, UN NOTAIRE, LISETTE, ERGASTE. ISABELLE. Ma sœur, je vous demande un généreux pardon, Pour vous, je ne veux point, Monsieur, vous faire excuse: Je vous sers beaucoup plus que je ne vous abuse. Et j'ai bien mieux aimé me voir aux mains d'un autre, VALÈRE, à Sganarelle. Pour moi, je mets ma gloire et mon bien souverain ARISTE. Mon frère, doucement il faut boire la chose : LISETTE. Par ma foi, je lui sais bon gré de cette affaire; Je ne sais si ce trait se doit faire estimer; ERGASTE. Au sort d'être cocu son ascendant l'expose; Et ne l'être qu'en herbe est pour lui douce chose. Et je le donne tout au diable de bon cœur. Bon. ERGASTE. ARISTE. Allons tous chez moi. Venez, seigneur Valère; Nous tâcherons demain d'apaiser sa colère. LISETTE, au parterre. Vous, si vous connaissez des maris loups-garous, FIN DE L'ÉCOLE DES MARIS. PRÉFACE. Jamais entreprise au théâtre ne fut si précipitée que celle-ci, et c'est une chose, je crois, toute nouvelle, qu'une comédie ait été conçue, faite, apprise et représentée en quinze jours. Je ne dis pas cela pour me piquer de l'impromptu et en prétendre de la gloire, mais seulement pour prévenir certaines gens qui pourraient trouver à redire que je n'aie pas mis ici toutes les espèces de fâcheux qui se trouvent. Je sais que le nombre en est grand, et à la cour et dans la ville; et que, sans épisodes, j'eusse bien pu en composer une comédie de cinq actes bien fournis, et avoir encore de la matière de reste. Mais, dans le peu de temps qui me fut donné, il m'était impossible de faire un grand dessein, et de rever beaucoup sur le choix de mes personnages et sur la disposition de mon sujet. Je me réduisis donc à ne toucher qu'un petit nombre d'importuns ; et je pris ceux qui s'offrirent d'abord à mon esprit, et que je crus les plus propres à réjouir les augustes personnes devant qui j'avais à paraître; et, pour lier promptement toutes ces choses ensemble, je me servis du premier noeud que je pus trouver. Ce n'est pas mon dessein d'examiner maintenant si tout cela pouvait être mieux, et si tous ceux qui s'y sont divertis ont ri selon les règles. Le temps viendra de faire imprimer mes remarques sur les pièces que j'aurai faites, et je ne désespère pas de faire voir un jour, en grand auteur, que je puis citer Aristote et Horace. En attendant cet examen, qui peut-être ne viendra point, je m'en remets assez aux décisions de la multitude, et je tiens aussi difficile de combattre un ouvrage que le public approuve, que d'en défendre un qu'il condamne. Il n'y a personne qui ne sache pour quelle réjouissance la pièce fut composée et cette fête a fait un tel éclat, qu'il n'est pas nécessaire d'en parler; mais il ne sera pas hors de propos de dire deux paroles des ornements qu'on a mêlés avec la comédie. Le dessein était de donner un ballet aussi; et comme il n'y avait qu'un petit nombre choisi de danseurs excellents, on fut contraint de séparer les entrées de ce ballet, et l'avis fut de les jeter dans les entr'actes de la comédie, afin que ces intervalles donnassent temps aux mêmes baladins de revenir sous d'autres habits; de sorte que, pour ne point rompre aussi le fil de la pièce par ces manières d'intermèdes, on s'avisa de les coudre au sujet du mieux que l'on put, et de ne faire qu'une seule chose du ballet et de la comédie: mais comme le temps était fort précipité, et que tout cela ne fut pas réglé entièrement par une même tête, on trouvera peut-être quelques endroits du ballet qui n'entrent pas dans la comédie aussi naturellement que d'autres. Quoi qu'il en soit, c'est un mélange qui est nouveau pour nos théâtres, et dont on pourrait chercher quelques autorités dans l'antiquité ; et comme tout le monde l'a trouvé agréable, il peut servir d'idée à d'autres choses qui pourraient être méditées avec plus de loisir. D'abord que la toile fut levée, un des acteurs, comme vous pourriez dire moi, parut sur le théâtre en habit de ville, et, s'adresant au roi avec le visage d'un homme surpris, fit des excuses en désordre sur ce qu'il se trouvait là seul, et manquait de temps et d'acteurs pour donner à Sa Majesté le divertissement qu'elle semblait attendre. En même temps, au milieu de vingt jets d'eau naturels, s'ouvrit cette coquille que tout le monde a vue; et l'agréable naïade qui parut dedans s'avança au bord du théâtre, et d'un air héroïque prononça les vers que M. Pellisson avait faits et qui servent de prologue. MOLIÈRE. - T. I. 253 15 |