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FILINTE.

A quoi bon de te cacher de moi?

ÉRASTE.

Je te jure, marquis, qu'on s'est moqué de toi.

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Tu penses qu'on te croie?
ÉRASTE.

Eh! mon Dieu! je te dis, et ne déguise point

Que...

FILINTE.

.Ne me crois pas dupe et crédule à ce point.

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En quel lieu que ce soit, je veux suivre tes pas.

ÉRASTE.

Parbleu ! puisque tu veux que j'aie une querelle,
Je consens à l'avoir pour contenter ton zèle;
Ce sera contre toi, qui me fais enrager,
Et dont je ne me puis par douceur dégager.

FILINTE.

C'est fort mal d'un ami recevoir le service;
Mais puisque je vous rends un si mauvais office,
Adieu. Videz sans moi tout ce que vous aurez.
ÉRASTE.

Vous serez mon ami quand vous me quitterez.

(Seul.)

Mais voyez quels malheurs suivent ma destinée! Ils m'auront fait passer l'heure qu'on m'a donnée.

SCÈNE V.

DAMIS, L'ÉPINE, ÉRASTE, LA RIVIÈRE

ET SES COMPAGNONS.

DAMIS, à part,

Quoi! malgré moi le traître espère l'obtenir !
Ah! mon juste courroux le saura prévenir.
ÉRASTE, à part.

J'entrevois là quelqu'un sur la porte d'Orphise.
Quoi! toujours quelque obstacle aux feux qu'elle autorise!
DAMIS, à l'Épine,

Oui, j'ai su que ma nièce, en dépit de mes soins,
Doit voir ce soir chez elle Éraste sans témoins.
LA RIVIÈRE, à ses compagnons.
Qu'entends-je à ces gens-là dire de notre maître ?
Approchons doucement, sans nous faire connaître.
DAMIS, à l'Épine.

Mais avant qu'il ait lieu d'achever son dessein,
Il faut de mille coups percer son traître sein.
Va-t'en faire venir ceux que je viens de dire,
Pour les mettre en embûche aux lieux que je désire,
Afin qu'au nom d'Éraste on soit prêt à venger
Mon honneur, que ses feux ont l'orgueil d'outrager,
A rompre un rendez-vous qui dans ce lieu l'appelle,
Et noyer dans son sang sa flamme criminelle.

LA RIVIÈRE, attaquant Damis avec ses compagnons.
Avant qu'à tes fureurs on puisse l'immoler,

Traître, tu trouveras en nous à qui parler.

ÉRASTE.

Bien qu'il m'ait voulu perdre, un point d'honneur me presse De secourir ici l'oncle de ma maîtresse.

(A Damis.)
Monsieur.

Je suis à vous,

(Il met l'épée à la main contre la Rivière et ses compagnons, qu'il

met en fuite.)

DAMIS.

O ciel! par quel secours,

D'un trépas assuré vois-je sauver mes jours?

A qui suis-je obligé d'un si rare service?

ÉRASTE, revenant.

Je n'ai fait, vous servant, qu'un acte de justice.

DAMIS,

Ciel puis-je à mon oreille ajouter quelque foi?
Est-ce la main d'Éraste...

ÉRASTE.

Oui, oui, Monsieur, c'est moi. Trop heureux que ma main vous ait tiré de peine, Trop malheureux d'avoir mérité votre haine.

DAMIS.

Quoi! celui dont j'avais résolu le trépas

Est celui qui pour moi vient d'employer son bras?
Ah! c'en est trop, mon cœur est contraint de se rendre;
Et, quoi que votre amour ce soir ait pu prétendre,
Ce trait si surprenant de générosité

Doit étouffer en moi toute animosité.

Je rougis de ma faute, et blâme mon caprice.
Ma haine trop longtemps vous a fait injustice;
Et, pour la condamner par un éclat fameux,
Je vous joins dès ce soir à l'objet de vos voeux.

SCÈNE VI.

ORPHISE, DAMIS, ÉRASTE.

ORPHISE, sortant de chez elle avec un flambeau. Monsieur, quelle aventure a d'un trouble effroyable...

DAMIS.

Ma nièce, elle n'a rien que de très agréable,
Puisque après tant de vœux que j'ai blâmés en vous,
C'est elle qui vous donne Éraste pour époux.
Son bras a repoussé le trépas que j'évite,

Et je veux envers lui que votre main m'acquitte.

ORPHISE.

Si c'est pour lui payer ce que vous lui devez,
J'y consens, devant tout aux jours qu'il a sauvés.

ÉRASTE.

Mon cœur est si surpris d'une telle merveille,
Qu'en ce ravissement je doute si je veille.

DAMIS.

Célébrons l'heureux sort dont vous allez jouir,

Et que nos violons viennent nous réjouir!

(On frappe à la porte de Damis.)

Qui frappe là si fort?

ÉRASTE,

SCÈNE VII.

DAMIS, ORPHISE, ÉRASTE,

L'ÉPINE.

L'ÉPINE.

Monsieur, ce sont des masques,

Qui portent des crincrins et des tambours de basques. (Les masques entrent, qui occupent toute la place.)

ÉRASTE.

Quoi! toujours des fâcheux! Holà! Suisses, ici;
Qu'on me fasse sortir ces gredins que voici.

BALLET DU PREMIER ACTE.

PREMIÈRE ENTRÉE.

Des joueurs de mail, en criant Gare! l'obligent à se retirer; et, comme il veut revenir lorsqu'ils ont fait,

SECONDE ENTRÉE.

Des curieux viennent, qui tournent autour de lui pour le connaître, et font qu'il se retire encore pour un moment. BALLET DU SECOND ACTE.

PREMIÈRE ENTRÉE.

Des joueurs de boule l'arrêtent pour mesurer un coup dont ils sont en dispute. Il se défait d'eux avec peine, et leur laisse danser un pas composé de toutes les postures qui sont ordinaires à ce jeu.

SECONDE ENTRÉE.

De petits frondeurs les viennent interrompre, qui sont chassés ensuite

TROISIÈME ENTRÉE.

Par des savetiers et des savetières, leurs pères, et autres, qui sont aussi chassés à leur tour

QUATRIÈME ENtrée.

Par un jardinier qui danse seul, et se retire pour faire place au troisième acte.

BALLET DU TROISIÈME ACTE.

PREMIÈRE ENTRÉE.

Des Suisses, avec des hallebardes, chassent tous les masques fâcheux, et se retirent ensuite, pour laisser danser à leur aise

DERNIÈRE ENTRÉE.

Quatre bergers et une bergère qui, au sentiment de tous ceux qui l'ont vue, ferme le divertissement d'assez bonne grâce.

FIN DES FACHEUX.

Bien des gens ont frondé d'abord cette comédie; mais les rieurs ont été pour elle, et tout le mal qu'on a pu dire n'a pu faire qu'elle n'ait eu un succès dont je me contente.

Je sais qu'on attend de moi dans cette impression quelque préface qui réponde aux censeurs, et rende raison de mon ouvrage; et sans doute que je suis assez redevable à toutes les personnes qui lui ont donné leur approbation, pour me croire obligé de défendre leur jugement contre celui des autres; mais il se trouve qu'une grande partie des choses que j'aurais à dire sur ce sujet est déjà dans une dissertation que j'ai faite en dialogue, et dont je ne sais encore ce que je ferai. L'idée de ce dialogue, ou, si l'on veut, de cette petite comédie (1), me vint après les deux ou trois premières représentations de ma pièce.

Je la dis, cette idée, dans une maison où je me trouvai un soir; et d'abord une personne de qualité, dont l'esprit est assez connu dans le monde (2), et qui me fait l'honneur de m'aimer, trouva le projet assez à son gré, non seulement pour me solliciter d'y mettre la main, mais encore pour l'y mettre lui-même ; et je fus étonné que deux jours après il me montra toute l'affaire exécutée d'une manière à la vérité beaucoup plus galante et plus spirituelle que je ne puis faire, mais où je trouvai des choses trop avantageuses pour moi; et j'eus peur que, si je produisais cet ouvrage sur notre théâtre, on ne m'accusât d'abord d'avoir mendié les louanges qu'on m'y donnait. Cependant cela m'empêcha, par quelque considération, d'achever ce que j'avais commencé. Mais tant de gens me pressent tous les jours de le faire, que je ne sais ce qui en sera; et cette incertitude est cause que je ne mets point dans cette préface ce qu'on verra dans la Critique, en cas que je me résolve à la faire paraître. S'il faut que cela soit, je le dis encore, ce sera seulement pour venger le public du chagrin délicat de certaines gens; car, pour moi, je m'en tiens assez vengé par la réussite de ma comédie; et je souhaite que toutes celles que je pourrai faire soient traitées par eux comme celle-ci, pourvu que le reste soit de même.

(1) La Critique de l'École des femmes, jouée le 1o juin 1663.

(2) Cette personne de qualité était l'abbé Dubuisson, grand introducteur des ruelles. Il est probable que sa pièce est la même qui fut imprimée sous le titra de Panégyrique de l'École des femmes.

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