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Le Prince royal terminait ainsi :

Et moi aussi je suis catholique; c'est la foi de mes pères; j'y suis né, j'y mourrai; toute ma descendance sera élevée dans cette religion. Ce sont là les seules garanties qui puissent être réclamées : je les ai données, et je crois que personne ne peut en demander davantage.»

La Chambre des pairs donna à cette explication des marques d'un assentiment unanime, et M. de Dreux-Brézé assura qu'il n'avait voulu qu'user de son droit constitutionnel, en constatant un fait.

Ici, le président du Conseil, poursuivant la discussion, loin de regarder l'amnistie comme une réaction et une condamnation du passé, la considérait au contraire comme un acte de force qui affermissait la puissance des lois; enfin l'homogénéité du ministère était satisfaisante et complète, et, quant au système politique, celui du Cabinet était de gouverner en dehors de toutes les passions, sans autre préoccupation que celle du bien public.

M. le comte de Montalembert, succédant au président du Conseil, désapprouva la politique de M. de Dreux-Brézé relative à l'Espagne, et ses craintes de voir le règne de la maison de Bourbon interrompu par une nouvelle guerre de succession, et l'Espagne de Louis XIV décheoir de sa prétendue grandeur.

Un jour est arrivé, dit M. le comte de Montalembert, où Louis XIV a voulu placer son petit-fils sur le trône d'Espagne et a dit : il n'y a plus de Pyrénées! Voyons quels ont été pour l'Espagne et pour la France les résultats de cette politique dont on déplore avec tant de chaleur et de talent la disparition et la ruine. Ces résultats sont d'une double nature tels qu'ils s'appliquent à l'Espagne ou à la France; qu'a fait la maison de Bourbon pour l'Espagne ? Elle l'a trouvée dans une position assez désavantageuse, je l'avoue; l'Espagne, telle que Philippe II l'a prise n'était pas l'Espagne de Charles-Quint; c'était tout autre chose; mais cependant c'était encore une grande et forte puissance. Or, comment l'Espagne est-elle tombée de la majesté de son rôle en 1700, à la tristesse de son rôle en 1800? La dynastie des Bourbons a fait tomber l'Espagne au dernier rang des nations civilisées à travers les humiliations et les défaites jusqu'à l'inexprimable dé

gradatiou du règne de Charles IV, jusqu'au règne des laquais et des bourreaux sous Ferdinand VII.D

L'orateur, cherchant ensuite quelle avait été l'influence que la France de Louis XIV avait exercée sur l'Espagne, rappelait les guerres que ce monarque eût à subir, alors même que son petit-fils régnait dans la péninsule, et plus tard au sujet de la conspiration de Cellamare; il évoquait aussi le souvenir de l'adhésion de l'Espagne à l'arrêt de la Convention qui condamnait à mort, qui assassinait le chef de la maison de Bourbon, s'attachant à démontrer de la sorte la fragilité des alliances dynastiques. M. de Montalembert, passant au paragraphe relatif à l'Espagne, maintenait qu'on n'avait pas pris assez en considération les grands changements opérés depuis quelque temps dans ce pays, l'amélioration de l'esprit public, le ministère sage et énergique succédant au désordre, au pillage et au meurtre jusqu'alors impunis. Enfin, l'orateur sollicitait une approbation plus complète pour la politique modérée de l'Espagne.

Après quelques observations de M. de Villiers du Terrage sur les conditions d'une adresse au trône, la discussion était épuisée. Cependant M. de Dreux-Brézé reprit la parole, et, sans insister sur le relâchement de notre alliance avec l'Angleterre, il cita les traités avantageux pour la France, conclus en 1830 et annulés en 1832 par de nouveaux traités. Le noble pair reconnaissait la réparation faite à notre consul par le bey de Tunis, mais il alléguait que la pêche du corail nous était interdite, et, que les sommes mêmes stipulées dans les traités, n'avaient pas été payées depuis le 20 décembre 1830.

En ce qui concernait la politique du Cabinet, M. de DreuxBrézé s'étonnait d'entendre son honorable collègue contester que l'amnistie eût été le point de départ d'un système nouveau; quant à lui la répugnance de M. Molé à participer au procès d'avril, lui avait donné le droit de penser ainsi.

Le président du Conseil répliqua qu'il était entré au minis

tère sans la condition de l'amnistie; qu'il s'était réservé toujours une complète liberté d'action, et qu'il avait agi d'après sa conscience et son devoir; s'il s'était retiré de la Cour des pairs quelque temps avant la fin du procès, c'était dans l'attente des lois de septembre, qui lui paraissaient nécessaires pour juger des accusés retranchés dans un silence factieux.

M. le chancelier Pasquier rassura les scrupules de M. Molé et de la Chambre, et soutint que toutes les formes de la justice avaient été respectées dans tout le cours du procès qu'il avait dirigé.

Ainsi se termina la discussion générale de l'adresse, mais celle des paragraphes amena quelques observations de la part de M. Villemain. A l'adhésion accordée par la Chambre à la politique ancienne, l'orateur objectait qu'il ne fallait pas se laisser aller à une approbation indéfinie que venaient infirmer certains actes, tels que, par exemple, la loi qui avait établi le vote secret du jury, changé sa majorité, en voulant qu'une seule voix entraînât la condamnation, et la loi qui avait placé des délits de presse au rang d'attentats. De pareilles anomalies ne devaient pas être ratifiées, en quelque sorte, par les termes de l'adresse.

M. Cousin reconnaissait, au contraire, la nécessité des lois de septembre, et il les voterait de nouveau dans de semblables circonstances; l'abolition de ces lois serait une mesure injusteet impolitique; il fallait les garder sans en faire usage, comme on garde de bonnes armes de guerre après le combat.

M. Barthe, garde-des-sceaux, ajouta quelques paroles dans le même sens; seulement il adoptait entièrement la politique du précédent Cabinet, affirmant que cette politique de résistance régulière avait sauvé la France.

M. Molé, s'armant de cet aveu, demanda alors à M. Cousin ce qu'il entendait par les mots de politique ancienne et politique nouvelle et fit cette déclaration : qu'il acceptait la politique ancienne en son temps, que la politique du Cabinet actuel serait ce qu'elle devait être, et que si les factions relevaient la tête, il était prêt à leur résister et à les combattre.

« C'est ainsi, Messieurs, que le pays a compris la portée de l'amnistie. Nous jouissons en effet aujourd'hui d'un état de calme et de tranquillité. Ce sera, je l'espère, le point de départ d'une ère de réconciliation entre toutes les opinions. Que les partis abdiquassent leurs passions, que tous les Français ne sougeassent qu'à la prospérité générale et au bonheur de la France, tel a été notre but, et tout nous fait présager que nous l'avons atteint. »

M. Villemain s'opposait ensuite à ce que l'on donnât un caractère sacramentel et invariable aux lois de septembre, et à ce que l'on fit l'apothéose d'une politique ancienne dont on s'écartait déjà à quelques égards.

A propos du paragraphe concernant nos relations avec les puissances étrangères, M. le comte de Montalembert regretta de ne pas voir dans l'adresse le désir que le Gouvernement secondât la Belgique contre les empiétements de la Hollande, et tînt ainsi en respect la Prusse debout sur ses frontières. Il protesta, à propos de la Pologne, contre le mépris affecté par la Russie et les puissances du Nord pour le traité de Vienne, ratifié par le roi des Français. Sans vouloir la guerre, l'orateur voulait un langage ferme vis-à-vis de l'Autriche, de la Prusse et de la Russie.

« Je demanderai, disait-il à M. le président du Conseil, qui me répondra du reste avec le degré de réserve et de prudence qu'il jugera convenable; y a-t-il donc de la part du Gouvernement russe une telle bienveillance, une telle politesse, une si bonne amitié envers le nôtre, que nous soyons obligés à notre tour d'être si complaisants envers lui? »>

M. Villemain reprochait ensuite au ministère des complaisances déplorables même à l'intérieur, la défense, par exemple, de célébrer la fête de Kosciusko dans un petit village.

« C'est ainsi, disait-il encore, que dans une autre fête, celle de Versailles, tandis qu'on y avait convoqué des convives de tous les pays de l'Europe, et même de l'autre monde, des Chiliens, des Mexicains, que sais-je on n'y a pas appelé un seul Polonais! un seul de ces braves qui ont versé leur sang pendant vingt ans, non pas pour la Pologne, mais pour la

France, avec nous, sous notre drapeau. On n'y a pas même appelé cet illustre Kniaziewicz, que Bonaparte avait chargé d'apporter au Directoire, ici, dans ce lieu même où nous siégeons, les drapeaux victorieux de l'armée d'Italie! Cette omission a fait mentir la belle inscription du palais de Versailles : à toutes les gloires de la France! Car, je le demande, quelle gloire était plus digne d'y être convoquée que celle vivante encore de l'armée d'Italie ? Il ne s'en est pas plaint, que je sache, ce noble vieillard; mais moi, je m'en plains pour lui; je m'en plains, non pas seulement comme ami de la Pologne, mais comme Pair de France, parce que c'est la France qui a été blessée et humiliée par son absence. »>

L'orateur s'élevait aussi contre l'abandon de notre droit d'intervention politique dans les traités, et contre toute complaisance envers une ennemie naturelle de la France.

Le président du Conseil, ministre des affaires étrangères, protestait, à son tour, de la dignité du Gouvernement à l'intérieur comme à l'extérieur.

A propos de Cracovie, il avançait que la constitution de cette république, placée sous l'égide de toutes les puissances par les traités de Vienne, avait été altérée en 1833 par suite de quelques mouvements et de l'insurrection polonaise; qu'en 1836, cette même république de Cracovie avait été restreinte dans ses droits politiques par les trois puissances; que le président du ministère du 22 février avait adressé des réclamations, et avait reçu l'assurance que ces mesures ne seraient que temporaires, et que lui-même avait fait entendre d'énergiques réclamations, et s'était opposé, par voie de négociations, à la violation des traités, et qu'il était prêt à les renouveler encore s'il était nécessaire.

M. le baron Bignon, récemment promu à la pairie, se rangeait de l'avis du comte de Montalembert, et exprimait le regret que la France ne pût faire que des vœux pour la malheureuse Pologne.

M. Villemain ne trouvait pas satisfaisante la réponse de M. le président du Conseil, relativement à la nationalité polonaise, qui ne devait pas perir. A ses yeux, le ministre avait manqué de persévérance, et la présence de trois résidants étrangers à Cracovie, était un fait grave, une violation

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