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Les habitants sont Arabes en apparence, dans leur religion, la dignité de leur maintien, leur hospitalité et leur costume; mais si l'on examine de près, il y a là un fɔnd de population composée de Berbères et de Maures, cultivateurs, pêcheurs et marins. L'Arabe de vieille race croirait s'abaisser en travaillant; il est resté pasteur, et les îles seraient un trop petit théâtre pour ses goûts de nomade. Comme chez les Maures du continent, la femme est cachée avec soin, et nous n'avons vu à visage découvert que celles qui dans les visites médicales venaient se faire soigner ou nous présenter leurs enfants. Chez notre ami Ben Gassen, nous avons eu l'occasion de prendre la diffa avec plusieurs indigènes marins qui connaissaient la Méditerranée de Marseille à Constantinople et parlaient couramment l'italien; l'un d'eux même parlait anglais. C'était un Maure superbe, à la taille élevée et élégante. Son costume entièrement bleu, veste et séroual bouffant, faisait ressortir la blancheur immaculée de son turban et celle d'un burnous négligemment rejeté sur l'épaule; il avait été embarqué comme second à bord d'un navire tunisien faisant les transports entre la Goulette et Londres.

La récolte principale du pays est la datte commune, destinée à la nourriture des Arabes pauvres et des bestiaux. Elle se vend sur le marché de Sfax au prix de 15 à 20 fr. les 100 kil. On voit des palmiers partout; les cultures intercalaires sont la luzerne, l'orge et les légumes.

Les irrigations se font au moyen de puits saumâtres, dont l'eau est montée par le même procédé qu'à Sfax. Il y a peu de chevaux dans les îles; les ânes et les chameaux sont les montures ordinaires. Le chameau est la seule bête de trait et de labour. Nulle part nous n'avons vu ce précieux animal aussi bien soigné. A Ksira, dans le village de Mélita, chacun d'eux est logé dans un petit kiosque de djérid, bien plus confortablement que beaucoup d'Arabes.

Un dernier mot sur les Kerkena. Nous souhaitons la publication prochaine de la carte définitive de l'État-major. Toutes celles

que nous avons eues sous les yeux sont remplies d'erreurs. Ramlah, la capitale, y est nommée Kerkena et figure sur la côte à la place de Ouled Kassim, qui n'est pas mentionné. Ramlah est située non loin de Kelebin, dans l'intérieur de l'île. Les villages de Kelebin, El Abaskié, El Ataïa et Cherki ne sont pas marqués. Ce dernier est cependant aussi important que Ramlah. Dans l'île de Ksira, appelée Gherba sur les cartes, nous ne savons trop pourquoi, il n'est pas fait mention du village considérable de Melita. Bien certainement beaucoup d'îlots perdus du Pacifique sont mieux connus que ces grandes îles tunisiennes aux populations honnêtes et hospitalières.

Nous voici revenus à Sfax; nous n'avons plus qu'une pensée, celle de faire bientôt notre première étape dans le désert.

(A continuer.)

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VAPEUR D'EAU DANS LES MÉTÉORES LUMINEUX ET DANS QUELQUES PHÉNOMÈNES DE MÉTÉOROLOGIE OU D'ASTRONOMIE

OBSERVÉS DANS LE LANGUEDOC

Par M. VIGUIER.

A l'origine de notre Société de Géographie, nous dûmes donner un aperçu des phénomènes de l'atmosphère qui concourent à imprimer à la climatologie de notre région les caractères que nous dévoile surtout sa riche et savante agriculture. Nous ne négligeâmes point de signaler les météores qui donnent à son ciel sa physionomie particulière, depuis le littoral jusqu'à la crête des Cévennes. L'importance de ces dernières considérations a bien grandi, comme le témoigne l'intérêt général qui s'attache encore aux faits dont nous sommes parfois témoins, et dont la cause a paru se rattacher aux considérations les plus élevées de la météorologie cosmique. Il y a donc lieu d'examiner de plus près en quoi les phénomènes qui se produisent dans notre ciel si lumineux, mais aussi bien varié, peuvent contribuer à la production ou tout au moins à l'exaltation des lueurs crépusculaires. Nous ne pouvons laisser passer sans examen des faits particuliers à notre monde, alors même qu'ils tirent leur origine du soleil, pour les rattacher entièrement à des causes extraplanétaires. A en juger, en effet, par tout ce qui a été dit et par ce qui se produit encore, les phénomènes ont souvent revêtu un caractère local. Il semble d'ailleurs que sous le ciel où nous pouvons les observer ils se montrent avec plus d'éclat et bien plus fréquemment que dans d'autres contrées même très voisines.

Divers observateurs, M. de Gasparin entre autres pour la vallée

du Rhône, M. Landerer de Tortose dans les Comptes rendus de l'Institut, ont donné des ébauches qu'il importe d'accentuer pour embrasser l'ensemble des nombreuses observations que nous avons effectuées à peu près dans les mêmes conditions. L'ovale, de teinte rose légère, signalée par M. Landerer', s'est montrée, encore dans ces derniers jours, 21, 22, 23 février, comme à l'ordinaire, un quart d'heure ou, plus exactement, 16 à 17 minutes après le coucher apparent du soleil. Il est possible en effet de saisir assez exactement l'instant de son apparition, lors même que cette teinte est trop fugace ou trop légère pour donner au crépuscule, dans son développement ultérieur, la teinte rougeorangé qui caractérise les plus éclatants. La durée de ce développement que nous lui trouvâmes à l'origine est à peu près encore d'un quart d'heure. Mais, de même que celle du maximum, elle est soumise à de bien plus grandes inégalités que le moment de l'apparition. Les unes et les autres dépendent de la difficulté de bien saisir toutes les phases du phénomène, lorsqu'elles sont peu accentuées ou à peu près insensibles. Dans tous les cas, la précision est suffisante, surtout dans l'apparition du rose, pour que sa marche générale se montre liée à la présence du soleil dans le voisinage de notre horizon. De même que pour les crépuscules, qui restent jaunes, on reconnaît d'une manière évidente le rôle continu de l'astre. Les brumes de l'horizon deviennent plus légères, plus transparentes, et les lignes des montagnes, moins noyées dans une lumière éblouissante, se montrent avec une plus grande netteté. La bande jaune et la verte, qui se manifeste ensuite dans la partie la plus lumineuse du couchant, font rarement défaut dans les crépuscules; et enfin au-dessus, exactement vers le point du ciel où le soleil s'est couché, apparaît l'ovale rose signalée par plusieurs observateurs. Son petit axe, d'abord horizontal, va en augmentant jusqu'à ce que tout le couchant soit rouge-orangé. C'est le moment de l'illumination crépusculaire. Elle diminuera bientôt de hauteur, tout en conservant

1 Comptes rendus. Bull. de l'Assoc. scientif., 28 décembre 1884.

beaucoup de son éclat, à travers quelques oscillations, jusqu'à sa disparition complète. Il importe de constater qu'une bande de nimbus peut arrêter la propagation du rouge vers l'horizon, qui alors reste jaune, et aussi que pendant toute la dernière période la teinte rose ne cesse de former au-dessus une bande ondulée, indécise, qui pénètre d'une part les zones claires et azurées du ciel, et de l'autre celles du vert et du jaune. Enfin des traces de cette teinte subsistent dans de vastes régions du ciel, alors même que la phase finale du crépuscule semble accomplie, comme si de légères vapeurs étaient encore atteintes par quelques rayons ou quelques reflets du crépuscule déjà couché, ou par la faible illumination générale de l'atmosphère, alors que les nuages ou les vapeurs reprennent leurs teintes grises ou bleuâtres. Les phases diverses que nous venons d'indiquer sont celles des crépuscules normaux, qu'aucune perturbation atmosphérique accidentelle ne vient troubler.

ZONE SOLAIRE.

On a beaucoup cherché des analogies ou des corrélations entre les phénomènes qui se produisent dans le jour autour du soleil, et ceux qui, le soir, se manifestent après son coucher. Elles sont nombreuses et des observations bien simples peuvent suffire pour les reconnaître. C'est le plus souvent au centre d'une vaste zone lumineuse, blanchâtre, d'une teinte légèrement vineuse sur les bords, que l'astre paraît briller. Cette couronne, de 20 à 30 degrés de rayon, bien irrégulière dans tout son ensemble, s'accentue surtout par les nuages du Nord-Ouest, qui à travers les Cévennes viennent se dissiper dans la région de l'olivier. La constitution de cette couronne se manifeste par les vapeurs légères que l'on voit se produire et se transformer à ses limites extrêmes, pour s'épanouir sur ses bords, où elle se dissémine dans la teinte azurée du ciel. De Saussure mentionne comme d'excellents signes de changement du temps, qu'il a eu l'occasion de mettre bien à profit dans les Alpes, les couleurs irisées que l'on voit parfois dans le voisinage du soleil. Il est

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