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SUR L'INDIFFÉRENCE

EN MATIÈRE

DE RELIGION.

Impius, cùm in profundum venerit... contemnit.

Prov. XVIII, 3.

TOME PREMIER.

PARIS,

TOURNACHON-MOLIN ET H. SEGUIN,

LIBRAIRES, RUE DE SAVOIE, N.o 6.

DE L'IMPRIMERIE DE LEBLANC.

1817.

1E8

AVERTISSEMENT.

ON

Ox se propose de faire paroître à une époque peu éloi

N

gnée la seconde Partie de cet ouvrage. Les circonstances ont déterminé à publier séparément le premier volume; car, dans ce siècle des lumières, tout est de circonstance, les doctrines, les mœurs, les gouvernemens même, et les lois ; et les réflexions de la veille sont rarement applicables le lendemain. Quand tout étoit stable, les livres arrivoient toujours à temps. Aujourd'hui il faut se hâter, parce que la société elle-même se hâte d'accomplir ses destins; il faut se presser de parler de vérité, d'ordre, de Religion, aux peuples, de peur de ressembler au médecin qui disserteroit sur la vie près d'un tombeau.

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Le siècle le plus malade n'est pas celui qui se passionne pour l'erreur, mais le siècle qui néglige, qui dédaigne la vérité. Il y a encore de la force, et par conséquent de l'espoir, là où l'on aperçoit de violens transports mais lorsque tout mouvement est éteint, lorsque le pouls a cessé de battre, que le froid a gagné le cœur, et que l'haleine du moribond ne ternit plus le miroir qu'une curiosité inquiète approche de sa bouche, qu'attendre

alors qu'une prochaine et inévitable dis

solution?

En vain l'on essaierait de se le dissimuler, la société, en Europe, s'avance rapidement vers ce terme fatal. Les bruits formidables qui grondent dans son sein, les secousses qui l'ébranlent, les bouleversemens inouis, qui, dans l'espace de quelques années, en ont tant de fois changé la face, ne sont pas le plus effrayant symptôme qu'elle offre à l'observateur: ces terribles convulsions peuvent n'être pas sans remède; mais cette indifférence léthargique où nous la voyons tomber, ce profond assoupissement, ce sommeil de fer, cette stupeur mortelle, qui l'en tirera? Qui soufflera sur ces ossemens arides pour les ranimer? Le bien, le mal, l'arbre qui donne la vie, et celui qui produit la mort, nourris par le même sol, croissent au milieu des peuples, qui, sans lever la tête, passent, étendent la main, et saisissent leurs fruits au hasard. Religion, morale, honneur, devoirs, les principes

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les plus sacrés, comme les plus nobles
sentimens, ne sont plus qu'une espèce de
rêve, une illusion fugitive, de brillans et
légers fantômes qui se jouent un moment
dans le lointain de la pensée, pour dispa-

roître bientôt sans retour. Les âmes éner-
vées fuient la réflexion, frémissent comme
un œil malade, et se contractent au pre-
mier rayon de lumière qui vient les frap-
per, et s'oubliant elles-mêmes, cherchent
au sein d'une molle incurie, je ne sais
quel repos agité par les songes volages du
plaisir. Non, jamais rien de semblable ne
s'était vu,
vu, n'aurait pu même s'imaginer.
Il a fallu de longs et persévérans efforts,
une lutte infatigable de l'homme contre
sa conscience et sa raison, pour parvenir
enfin à cette brutale insouciance. Arrêtez
un moment vos regards sur ce roi de la
création : quel avilissement incompréhen-
sible! Son esprit affaissé n'est à l'aise
que
dans les ténèbres. Ignorer est sa joie, sa
paix, sa félicité; il a perdu jusqu'au désir
de connoître ce qui l'intéresse le plus.

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