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selon que l'un ou l'autre prévaut, la vérité ou l'erreur, le crime ou la vertu, c'est-àdire, le principe de vie ou le principe de mort, domine dans la société et dans l'individu.

les

Par sa raison en effet, l'homme aspire à la possession de la vérité, noble aliment de son intelligence, et tend avec une force invincible vers l'ordre conservateur des êtres. De là le penchant qu'il manifeste pour les croyances généreuses, pour doctrines élevées et sévères, et les dogmes les plus spirituels; de là encore cette insatiable ardeur de connoître, cette soif d'immortalité, cet instinct religieux, cette foi d'autant plus éclairée qu'elle est plus simple, à tout ce qui est beau, sublime, utile, et par là même plein de réalité; de là enfin cet étonnant empire qu'il exerce sur lui-même, sur ses sentimens, sur ses pas sions, et jusque sur ses pensées; ce mépris

autem adversus carnem : hæc enim sibi invicem adversantur. Ep. ad Galat. V. 17.

des plaisirs frivoles et des jouissances matérielles, ce dégoût insurmontable pour tout ce qui passe, ces élans vers un bien immuable, infini, que le cœur pressent, quoique l'esprit ne le comprenne pas encore; cet amour immense de la vertu, et ces inexprimables angoisses lorsqu'il s'en est écarté; cette tendre compassion pour tous les genres de misères physiques et morales, et cette disposition constante à se sacrifier à autrui, source unique de ce qu'il y a de grand, de touchant et d'aimable dans la vie humaine.

Par les sens, au contraire, l'homme incliné vers la terre, enseveli dans les jouissances physiques, et sans goût pour les plaisirs intellectuels, ne sait plus lever un front resplendissant d'espérance et majestueux d'immortalité. Il ressemble à la brute, et se complaît dans cette ressemblance. Son intelligence s'obscurcit, mais trop lentement à son gré aussi, avec quelle ardeur il travaille à l'obscurcir encore! On diroit que la vérité est son sup

plice, tant est vive et profonde la haine qu'elle lui inspire. Il la poursuit sans relâche, l'attaque avec fureur, tantôt dans les autres, tantôt en lui-même, dans son esprit, dans son cœur, dans sa conscience. Inutiles efforts! Au moment même où il se croit vainqueur, au moment où, plein d'orgueil, il s'applaudit d'avoir enfin terrassé, anéanti cette vérité implacable, l'imposante vision, plus menaçante et plus formidable, revient de nouveau le désoler. Ainsi le meurtrier, persécuté du remords, fuiroit en vain le soleil témoin de son crime; en quelque contrée si sauvage qu'il courût cacher ses terreurs, et chercher un asile contre la lumière qui le tourmente, l'astre radieux, apparoissant à ses regards consternés, l'environneroit soudain de sa splendeur vengeresse.

Mais si l'homme, esclave des sens, est ennemi de la vérité, et par conséquent des hautes doctrines qui émanent du ciel et qui l'y rappellent, il n'est pas moins ennemi des lois éternelles de l'ordre 1

parce que l'ordre n'est au fond que l'ensemble des vérités qui résultent de la nature des êtres et de leurs rapports, vérités qu'on nomme devoirs, à cause qu'elles ne sont pas seulement l'objet de l'intelligence, mais doivent encore influer sur la conduite qu'elles réglent, en imposant la double obligation de s'interdire certains actes et d'en produire de contraires. Or, toutes les vérités tenant l'une à l'autre et se confondant, en quelque sorte, dans leur source, l'homme est contraint, quoiqu'il fasse, de les attaquer toutes, dès qu'une fois l'intérêt de ses passions l'a porté à en ébranler une. Ainsi, par une liaison nécessaire, la corruption des mœurs enfante la corruption de l'esprit, le désordre dans les actions amène le désordre dans les pensées ou l'erreur, et la dépravation de l'être moral, une dépravation semblable de l'être intelligent. L'inconséquence tourmente le cœur humain autant qu'elle révolte la raison; et de là vient qu'il suffit souvent de changer de vie, pour

croire à la vérité qu'on nioit. Mais la vérité, même abstraite, devient infailliblement un objet de haine, tandis que la vertu pratique n'est point un objet d'amour; et comme la haine, par sa nature, est un principe de destruction, de même que l'amour est un principe de production et de conservation, l'homme abruti par les sens et livré aux plaisirs du corps, devient naturellement destructeur; son âme s'endurcit et se plaît dans les spectacles de ruines et de sang; il contracte des goûts barbares, des habitudes féroces; et c'est une observation singulièrement remarquable, que tous les peuples impies, ou, si l'on veut, incroyans, ont été des peuples voluptueux, et tous les peuples voluptueux des peuples cruels. Considérez les nations payennes : quel atroce oubli de l'humanité dans la guerre comme dans la paix, dans les lois comme dans les cour tumes, dans les temples comme au théâtre, dans le cœur du maître comme dans celui du père ! Mais aussi quel abject ma

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