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sur le trône des Césars. Comment a-t-il vaincu tant de puissance? en présentant son sein au glaive, et aux chaînes ses mains désarmées. Comment a-t-il triomphé de tant de rage? en se livrant sans résistance à ses persécuteurs.

Ainsi les premiers assauts qu'il eut à soutenir, furent ceux d'une violence aveugle. Dieu sans doute l'ordonnoit de la sorte, parce qu'il savoit que la constance magnanime des martyrs, et leur courage sur-humain, étoient plus propres qu'aucun autre spectacle à étonner et à convaincre des hommes dominés par les sens.

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D'ailleurs le Christianisme à peine naissant, n'avoit pu encore dissiper les nuages accumulés sur l'esprit humain, et le familiariser avec les hautes considérations d'une métaphysique sévère et d'une théologie toute spirituelle. Sa doctrine, trop élevée au-dessus des idées habituelles des peuples payens, pour qu'il leur fût possible d'en saisir l'ensemble et d'en pénétrer la profondeur, ne pouvoit être pour

eux, le sujet d'un examen éclairé et d'une discussion rigoureuse. Il falloit que le christianisme peu à peu rectifiât, agrandît la raison de l'homme, pour que cette même raison fût en état de le combattre, sans trop se déshonorer par l'ignorante ineptie de ses sophismes. Celse, il est vrai, remua des questions d'une trèsgrande importance. On trouve dans les fragmens qui nous restent de ses écrits, au milieu d'une foule d'opinions absurdes et de pensées extravagantes, le germe des objections sur le fondement de la foi, reproduites avec plus d'art par Rousseau. Mais l'extrême supériorité de celui-ci, les hautes idées sur Dieu, sur sa providence et sur sa justice, sur notre nature, nos devoirs, nos destinées, que l'auteur d'Emile mêle à ses erreurs, idées inconnues aux anciens et purement chrétiennes, montrent quel espace immense le christianisme avoit fait parcourir à l'esprit humain, pendant les siècles qui séparent les premiers adversaires de notre doctrine, du sophiste

Genevois. Ainsi, difficultés et solutions, lumières et obscurités, tout est prévu, ménagé de loin avec une sagesse profonde; tout se développe progressivement à l'époque précise où ce développement devient nécessaire, et toujours pour le triomphe de la vérité, triomphe d'autant plus glorieux qu'il est moins paisible.

A mesure que l'intelligence se perfectionne et s'étend, par la méditation des vérités intellectuelles que la Religion enseigne aux petits enfans comme aux hommes du génie le plus vaste, elle embrasse la cause des passions, se déclare leur alliée, et essayant ses forces contre les vérités à qui elle les doit, se dispute à elle-même le pain qui lui donne la vie. Alors de nouvelles vérités, attaquées bientôt également, accourent à la défense de celles qu'une raison hostile met en péril. Chaque dogme est l'occasion d'une hérésie particulière, parce qu'il faut qu'ils soient tous éprouvés et affermis. Les preuves se multiplient avec les objections;

le christianisme entier se développe 1; traversant les siècles en vainqueur, il éclaire en passant les sciences qui se pressent sur ses pas, pour recueillir ses rayons, et pour orner son cortége; sa fécondité infinie s'épanche avec une profusion magnifique, et de son intarissable sein, comme d'une source immense, jaillissent incessamment des fleuves d'amour et de paix, des torrens de lumière et de vérité, qui, parcourant en tous sens l'univers pour le régénérer, entraînent dans leur cours, comme des pailles légères, les fugitives erreurs que la sagesse humaine essaie de lui opposer.

Mais à la persécution des sophismes, succède la persécution des sens la foi demeure intacte, et cependant les mœurs se dépravent. Ces chrétiens si austères, séduits par la volupté, se livrent à des

Improbatio quippe hæreticorum facit eminere quid Ecclesia sentiat, et quid habeat sana doctrina. S. Aug. Conf. Lib. VII, c. xix, n. 2.

désordres dont le nom même eût dû leur être à jamais inconnu. La licence pénètre jusque dans le sanctuaire; l'autel, le sacrifice même est souillé par des mains indignes. Que deviendra le christianisme ainsi profané? Tout-à-coup une secrète énergie, un principe invisible et vivifiant excite en cette masse corrompue une fermentation salutaire; le vin pur du Seigneur se sépare de la lie infecte du siècle; tout change, tout se renouvelle; des hommes puissans en œuvres et en paroles, des apôtres enflammés d'un zèle divin, font couler les larmes de la pénitence; l'ordre renaît avec la sainte discipline; partout se relèvent et fleurissent les vertus languissantes; des prodiges de charité, des miracles d'amour, étonnent de nouveau la terre consolée; l'esprit a triomphé de la chair une seconde fois, et l'Église re

trouve ses enfans.

Qu'on ne se flatte pas néanmoins que cette paix soit durable : à peine quelques trèves de lassitude interrompent le com

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