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tement le programme de l'instruction primaire de la constitution de l'an III et de la loi de l'an IV qui en découle; programme qui n'admettait plus d'autres objets que la lecture, l'écriture, les éléments du calcul et ceux de la morale républicaine 1. Le Consulat et la loi de l'an X maintinrent ces limites; l'Empire et la loi de 1806 qui créa l'université, le décret de 1808 qui l'organisa, retranchent, comme on s'y attend bien, la morale républicaine, et ne laissent que la lecture, l'écriture et le calcul. Et même le décret de 1811, art. 192, enjoint aux autorités compétentes «< de <«< veiller à ce que les maîtres ne portent pas leur enseignement au delà de ces limites. » Cette exagération est bien moins fàcheuse que la première, mais elle a aussi ses inconvénients graves, qui peu à peu se sont fait sentir. En effet, l'instruction primaire ainsi abaissée, la voilà séparée par un intervalle immense de l'instruction secondaire; et une classe très-nombreuse de citoyens qui ne peuvent atteindre jusqu'à celle-ci, et auxquels celle-là trop limitée ne suffit plus, manquent d'une instruction qui convienne à leur situation et à leurs besoins. Ou ils se réduisent à l'instruction primaire, et descendent au lieu de monter dans la culture de l'intelligence; ou ils s'élèvent

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1 Loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), titre I, art. 5.

à force de sacrifice jusqu'à l'instruction secondaire, qui s'efface bientôt et ne laisse aucune trace dans leur esprit s'ils rentrent dans les modestes professions de leurs pères, ou qui les pousse à en sortir. Ainsi se forment dans nos colléges de nombreuses générations, qui, contractant de bonne heure des habitudes incompatibles avec leur destinée naturelle, la rejettent, et, se répandant dans la société, y cherchant une place qu'elles ne trouvent pas toujours, portent partout une inquiétude fatale, toujours prêtes à se jeter dans tous les désordres. Le malest grave, messieurs; il est déjà ancien; il tourmente, il menace la société; et il tient en très-grande partie à une mauvaise solution d'une question d'instruction primaire.

Une instruction primaire trop étendue qui n'est pas accessible à tous, ou une instruction primaire trop bornée qui ne suffit pas à un grand nombre, sont deux partis extrêmes dont les inconvénients sont manifestes. Le seul moyen de sortir de cette difficulté est de ne pas chercher à satisfaire d'une seule et même manière des besoins différents, de ne pas imposer une solution simple à une question complexe, c'est-à-dire d'établir deux degrés entièrement distincts dans l'instruction primaire: l'un, qui, étant destiné à tous, peut être assez limité sans inconvénient; l'autre, qui, n'étant pas destiné à tout le monde, peut être agrandi avec

avantage. C'est là ce que fait la loi : elle divise l'instruction primaire en instruction primaire élémentaire et en instruction primaire supérieure. La création et l'organisation d'une instruction primaire supérieure a paru à votre commission une innovation prudente qui, bien ménagée, peut devenir un bienfait social.

L'instruction élémentaire étant destinée à tous les citoyens, même à ceux qui seraient hors d'état de la payer, et devant être universelle s'il est possible, peut être et doit être même resserrée dans des limites assez étroites. L'instruction élémentaire perd en solidité tout ce qu'elle gagne en étendue. A ce degré, il importe moins de savoir superficiellement un grand nombre de choses que d'en savoir bien quelques-unes, celles qui sont indispensables. De sages limites sont aussi bonnes pour les maîtres que pour les élèves, et à la longue elles impriment aux uns et aux autres d'excellentes habitudes d'esprit, et leur sont un point de départ ferme et solide pour tout leur développement ultérieur. Nous approuvons donc le projet de loi d'avoir fixé ainsi qu'il suit le minimum de l'instruction primaire élémentaire l'instruction morale et religieuse, la lecture, l'écriture, les éléments de la langue française et du calcul, et le système légal des poids et mesures. La langue française ajoutée à la lecture et à l'écriture, le système légal des poids

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et mesures ajouté au calcul, sont deux enseignements qui doivent être universels pour que le langage uniforme des lois soit partout compris, et pour resserrer de jour en jour davantage les liens qui unissent déjà toutes les parties de la population, et augmenter encore cette admirable unité française qui est notre gloire et notre force. Il était nécessaire que, parmi les divers objets de l'instruction primaire, l'éducation morale et religieuse eût le rang qui lui appartient, c'est-à-dire le premier; car c'est l'éducation morale qui seule peut faire des hommes et des citoyens, et il n'y a d'éducation morale sans religion. Cette maxime de l'expérience, écrite en quelque sorte à la tête de la loi, lui conciliera le respect des gens de bien, le concours de tous les pères de famille, facilitera son exécution, et en fera aux yeux de l'Europe entière une loi digne d'une grande nation civilisée.

pas

Votre commission approuve également la manière dont le projet de loi constitue l'instruction primaire supérieure. Elle pense qu'aucun des objets que le projet assigne à l'école primaire supérieure ne pourrait en être retranché sans mettre en péril le but même de l'institution. Il s'agit de diminuer le nombre des élèves de nos colléges, au profit des études classiques ellesmêmes; or, on ne peut obtenir ce résultat qu'à la

condition d'offrir comme en dédommagement une instruction assez libérale pour suffire à une partie de la population, qui n'est dépourvue ni d'une certaine aisance ni d'un amour-propre légitime. Voilà pourquoi votre commission adopte la rédaction de la Chambre des Députés, qui, aux applications de la géométrie pratique, substitue les éléments de la géométrie et ses applications usuelles; rédaction plus rationnelle d'abord, et qui ensuite élève un peu l'instruction, en faisant enseigner les éléments de la géométrie en euxmêmes, pour arriver à leurs applications usuelles, parmi lesquelles la commission a vu avec plaisir que la loi ait mentionné spécialement le dessin linéaire. L'arithmétique et les éléments de la géométrie pratique, avec les notions des sciences physiques et de l'histoire naturelle, applicables aux usages de la vie, représentent en petit, dans l'école primaire supérieure, l'enseignement scientifique de nos colléges. Les éléments de l'histoire et de la géographie, et surtout de l'histoire et de la géographie de la France, en représentent l'enseignement littéraire, dans la mesure qui convient aux besoins du grand nombre. Enfin, le chant ajouté au dessin linéaire est à toutes les autres parties un complément de culture qui n'est pas perdu pour l'éducation intellectuelle et morale. L'instruction primaire supérieure doit embrasser

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