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appelle aujourd'hui indemnités éventuelles, de peur de leur donner le caractère de pension, quoiqu'elles se renouvellent ordinairement, sauf des cas très-rares. J'ai suivi la vraie maxime en cette matière, celle qu'avait rappelée l'honorable rapporteur du budget à la chambre des pairs, M. d'Audiffret: moins de secours, et plus d'indemnités sérieuses pour des titres sérieux. J'ai repoussé l'idée de détruire arbitrairement ce qu'avaient fait mes prédécesseurs et de porter le deuil ou l'effroi dans l'àme de tant de personnes estimables en les frappant subitement, parce qu'elles n'avaient peut-être pas toute l'illustration ou toute la misère requise; j'aurais reçu cet ordre que je ne l'aurais pas exécuté, je le déclare ici hautement. J'ai donc respecté le passé, qui n'était pas mon ouvrage; mais j'ai voulu que l'avenir pût braver tous les regards, et, depuis le 1er mars jusqu'au 29 octobre 1840, je n'ai accordé ni une indemnité ni même un simple secours qu'au grand jour et en publiant moi-même ce que je faisais dans le Moniteur. On trouvera ici les noms des personnes qui ont reçu de pareils encouragements. On y verra que je me suis surtout proposé, dans l'intérêt de la dignité des lettres, d'accorder trèspeu d'indemnités à titre gratuit et de les attacher le plus possible à des missions ou à des travaux, en sorte que ces encouragements fussent à la fois une

dette envers ceux qui les reçoivent et un service envers le public par les ouvrages qu'ils favorisent. et dont ils sont la récompense anticipée 1.

A l'égard de la Légion-d'Honneur, cette grande et nationale institution affaiblie par tant de prodigalités, et qu'il importe de relever, soit par une mesure législative, soit du moins par un sobre et sévère usage de la prérogative royale, si la loi sortie des débats provoqués par la noble proposition de M. Mounier n'a point été sanctionnée, je me suis fait un point d'honneur de la pratiquer en ce qui concernait mon département. Le journal de l'Instruction publique a publié toutes les nominations qui ont été faites le 1er mai 1840, et les motifs sur lesquels reposent ces nominations. Nulle nomination isolée n'a eu lieu, et toutes ont été fondées sur cette maxime que j'ai tant de fois répétée : ou de très-longs services ou des services très-éclatants 1.

Mais il est temps de terminer ce compte déjà trop long d'une administration qui a si peu duré. J'ai cru le devoir à mon pays, à l'université, à moi-même. J'ai voulu placer les réformes que j'ai entreprises sous la protection de l'opinion des juges compétents en France et en Europe. Pourquoi ne le dirais-je pas? Je suis, je l'espère, au-dessus

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de tout soupçon de regretter le pouvoir; mais en áchevant ce récit, en posant ici la plume, il me semble que je quitte de nouveau, et avec un sentiment que je n'essaie pas de dissimuler, ce corps illustre qui est pour moi une seconde patrie dans la grande patrie, où je suis entré comme simple élève de l'école normale dans les premiers jours de 1810, où j'avais conquis lentement un avancement légitime, auquel depuis dix années, comme membre du conseil royal et directeur de l'école normale, je rapportais presque toutes mes pensées, que j'ai un moment dirigé avec ce sérieux dévouement qui sert et ne flatte pas, et que j'aimerai et continuerai de servir pendant toute ma vie, dans toutes les fortunes que me fera la divine Providence.

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PRONONCÉ A LA CHAMBRE DES PAIRS,

DANS LA SÉANCE DU 26 DÉCEMBRE 1838,

SUR LA RENAISSANCE

DE LA

DOMINATION ECCLÉSIASTIQUE.

MESSIEURS,

Le mauvais état de ma santé devrait me faire éviter les émotions de la tribune, et peut-être même m'éloigner de cette enceinte; mais dans

les graves circonstances où le pays se trouve en

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gagé, quand les questions les plus redoutables sont livrées à la discussion des chambres, j'ai pensé que toute considération personnelle devait être écartée, et j'ai voulu venir ici voter tout haut avec mes amis et prendre ma part de responsabilité dans les débats qui vont s'ouvrir.

Ce qui préoccupe aujourd'hui tous les esprits, ce sont nos affaires étrangères, si admirablement conduites par le ministère qu'après huit années d'efforts pour maintenir la paix nous touchons presque à la guerre, ou que du moins l'avenir est

couvert d'épaisses ténèbres, et le repos du monde remis entre les mains du hasard. Devant ces grands objets tout autre intérêt languit, et les questions intérieures semblent indifférentes. Cependant, messieurs, je vous demande la permission d'arrêter un moment votre attention sur un point de la plus haute importance à mes yeux, sur un danger faible encore, je l'espère, mais qui, s'il n'était promptement conjuré et dissipé, pourrait devenir menaçant pour la tranquillité publique je veux parler de la renaissance de la domination ecclésiastique.

Le sujet est si grave et si délicat que je n'ose l'approfondir. Je me bornerai à signaler le mal; je ne dirai que ce qu'il sera indispensable de dire pour avertir le gouvernement et pour m'absoudre moi-même. Je vous demande donc seulement, messieurs, quelques moments d'une attention bienveillante; je n'ai point assez de forces pour être tenté d'en abuser.

Je placerai d'abord mes paroles d'aujourd'hui sous la protection de ma conduite passée. Sous la restauration, inquiété, destitué, persécuté jusque sur une terre étrangère par une déplorable influence, peut-être n'a-t-on pas oublié comment, en 1830, je me suis souvenu de mes injures personnelles. Quand j'ai vu, en 1830, la religion ainsi la monarchie, ces deux fondements néces

que

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