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asseoir Gérard à côté de Cuvier, et donne une place égale dans le même sanctuaire à l'imagination, a1 savoir, à la raison, à toutes les gloires de l'intelligence. On dit encore bien du mal des académies, mais on désire toujours en être; on s'agite même un peu pour cela chaque place est vivement dispntée. Quelle renommée avons-nous écartée? quels progrès avons-nous arrêtés? quelle doctrine un peu compatible avec la raison humaine avonsnous repoussée? La plus entière indépendance préside à vos choix; vos libres élections ont prévenu toutes les autres et leur ont comme servi de modèle. La médiocrité même des avantages attachés au titre de membre de l'Institut en relève la dignité. Notre culte, à nous, ce n'est pas la fortune, c'est la gloire, c'est l'estime au moins, avec la passion du vrai et du beau.

Chaque année l'Institut tout entier se présente au public, et l'initie aux travaux de toutes les académies par des lectures appropriées à l'objet de cette solennité. Chaque académie est appelée à son tour à présider cette réunion. C'est aujourd'hui celui de la plus jeune. L'Académie des sciences morales et politiques, arrivée la dernière dans la famille académique, s'efforce de ne pas être indigne de ses aînées. Le sort a voulu qu'elle fût ici rése ntée par un membre d'une section vouée à des études qui ne peuvent être populaires. La phi

losophie, messieurs, n'est pas accoutumée à tant d'honneur; et elle s'empresse de céder la parole aux interprètes éprouvés de la littérature, des sciences et des arts.

DE

L'ACADÉMIE DES SCIENCES

MORALES ET POLITIQUES

DU SAMEDI 15 MAI 1841.

DISCOURS D'OUVERTURE

DU PRÉSIDENT.

MESSIEURS,

Les sciences diverses dont la culture est confiée à cette Académie se rapportent toutes à un sujet unique, et ce sujet, c'est la nature humaine. La philosophie étudie cette merveilleuse intelligence qui, de ce point de l'espace et du temps où elle semble enchaînée, s'élance dans l'infini, embrasse le système du monde et s'éleve jusqu'à son auteur. La morale s'applique à reconnaître les différents motifs qui sollicitent notre libre volonté ici les

passions qui charment ou agitent la vie, là le devoir qui lui donne sa dignité et son prix. La législation et la jurisprudence soumettent à un examen équitable les constitutions civiles et politiques qui jadis demeuraient inaccessibles dans leur majesté mystérieuse, et qui aujourd'hui comparaissent et s'expliquent elles-mêmes devant la raison publique, depuis que leur principe avoué est le développement le plus libre et le mieux assuré de toutes les facultés humaines. L'économie politique recherche quelles sont les véritables sources du bien-être et de la prospérité pour les Etats et pour les particuliers. L'histoire enfin, j'entends l'histoire générale et philosophique, appuyée sur les travaux accumulés de l'érudition et de la critique, interroge tous les grands événements, toutes les grandes époques, pour leur arracher le secret des lois qui gouvernent le monde moral, soutiennent l'humanité et l'élèvent sans cesse au milieu du perpétuel renouvellement des générations et des empires.

Le lien de ces grandes études est manifesté; elles ne sont en réalité que les branches diverses d'une seule et même science, celle de l'homme.

Qui pourrait contester à une telle science ses droits et sa dignité? Qui oserait dire à l'humanité qu'il ne lui a point été donné de se connaître?

Une fois la légitimité de la science de l'homme

ébranlée, que deviendrait celle de toutes les autres sciences? L'esprit humain, condamné à s'ignorer lui-même, répandrait ses propres ténèbres sur toutes les connaissances dont il est le principe et le fondement.

Les sciences vraiment dignes de ce nom se reconnaissent à deux signes éclatants, leur durée et leur progrès.

Ce qui dure toujours doit avoir une racine immortelle : ce qui brille un jour et s'évanouit n'est qu'un fantôme de l'imagination ou du cœur. Où sont aujourd'hui tant de fausses sciences qui, plus d'une fois, ont abusé l'humanité! Ecloses dans la nuit de l'esprit humain et dans les rêves de quelques génies égarés, la lumière de la raison, en se levant, les a fait disparaître; l'état passager du monde qui leur avait donné naissance les a emportées sans retour. Il n'en a point été ainsi de la science de l'homme. Dans quel pays un peu civilisé, à quelle noble époque de l'histoire ne la rencontrez-vous pas! Elle accompagne l'humanité dans toutes ses vicissitudes; elle grandit et s'accroît avec elle. Platon et Aristote s'élèvent à côté de Périclès et d'Alexandre; Descartes et Leibnitz ont respiré le même air que Richelieu, Louis XIV et Pierre le Grand, et la dernière révolution philosophique est contemporaine de la révolution française.

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