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194

1784

MELANGES

LITTERAIRES.

Mélanges littéraires,

A

AVERTISSEMENT.

UOIQU'UN difcours à l'académie ne foit d'ordinaire qu'un compliment plein de louanges rebattues, & furchargées de l'éloge d'un prédéceffeur qui fe trouve souvent un homme trèsmédiocre, cependant, ce difcours, dont plufieurs personnes nous ont demandé la réimpression, doit être excepté de la loi commune, qui condamne à l'oubli la plupart de ces pièces d'appareil où l'on ne trouve rien. Il y a ici quelque chofe, & les notes font utiles.

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VOTRE fondateur mit dans votre établissement

toute la nobleffe & la grandeur de fon ame: il voulut que vous fuffiez toujours libres & égaux. En effet, il dut élever au-deffus de la dépendance des hommes. qui étaient au-deffus de l'intérêt, & qui, auffi généreux que lui, fefaient aux lettres l'honneur qu'elles méritent, de les cultiver pour elles-mêmes. (a) Il était peut-être à craindre qu'un jour des travaux fi honorables ne fe ralentiffent. Ce fut pour les conferver dans leur vigueur, que vous vous fîtes une règle de

(a) L'académie française eft la plus ancienne de France; elle fut d'abord compofee de quelques gens de lettres, qui s'affemblaient pour conferer enfemble. Elle n'eft point partagée en honoraires & penfionnaires. Elle n'a que des droits honorifiques, comme celui des commensaux de la maison du roi, de ne point plaider hors de Paris, celui de haranguer le roi en corps avec les cours fupérieures, & de ne rendre compte dire&ement qu'au roi.

n'admettre aucun académicien qui ne réfidât dans Paris. Vous vous êtes écartés fagement de cette loi, quand vous avez reçu de ces génies rares que leurs dignités appelaient ailleurs, mais que leurs ouvrages touchans ou fublimes rendaient toujours préfens parmi vous car ce ferait violer l'efprit d'une loi, que de n'en pas tranfgreffer la lettre en faveur des grandshommes. Si feu M. le président Bouhier, après s'être flatté de vous confacrer fes jours, fut obligé de les paffer loin de vous, l'académie & lui fe confolèrent, parce qu'il n'en cultivait pas moins vos fciences dans la ville de Dijon, qui a produit tant d'hommes de lettres, (b) & où le mérite de l'efprit femble être un des caractères des citoyens.

Il fefait reffouvenir la France de ces temps où les plus auftères magiftrats, confommés comme lui dans l'étude des lois, fe délaffaient des fatigues de leur état dans les travaux de la littérature. Que ceux qui méprisent ces travaux aimables, que ceux qui mettent je ne fais quelle miférable grandeur à se renfermer dans le cercle étroit de leurs emplois, font à plaindre! Ignorent-ils que Cicéron, après avoir rempli la première place du monde, plaidait encore les caufes des citoyens, écrivait fur la nature des dieux, conférait avec des philofophes ; qu'il allait au théâtre; qu'il daignait cultiver l'amitié d'Efopus & de Rofcius, & laiffait aux petits efprits leur conflante gravité, qui n'eft que le mafque de la médiocrité ?

M. le préfident Bouhier était très-favant; mais il ne reffemblait pas ces favans infociables & inutiles,

à

(b) MM. de la Monnoye, Bouhier, Lantin, & furtout l'éloquent Boffuet, évêque de Meaux, regardé comme le dernier père de l'Eglife.

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