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Effectivement, si c'était une espèce de crime de félonie contre le seigneur, à plus forte raison en était-ce un contre le roi. Mais il voulut que l'on pût demander amendement des jugements rendus dans ses cours, non pas parce qu'ils étaient faussement ou méchamment rendus, mais parce qu'ils faisaient quelque préjudice 2. Il voulut au contraire qu'on fût contraint de fausser les jugements des cours des barons, si l'on voulait s'en plaindre 3. On ne pouvait point, suivant les Établissements, fausser les cours des domaines du roi, comme on vient de le dire. Il fallait demander amendement devant le même tribunal; et, en cas que le bailli ne voulût pas faire l'amendement requis, le roi permettait de faire appel à sa cour 4, ou plutôt, en interprétant les Établissements par eux-mêmes, de lui présenter une requête ou supplication 5.

A l'égard des cours des seigneurs, saint Louis, en permettant de les fausser, voulut que l'affaire fût portée au tribunal du roi ou du seigneur suzerain 6, non pas pour y être décidée par le combat 7, mais par témoins, suivant une forme de procéder dont il donna des règles 3.

Ainsi, soit qu'on pût fausser, comme dans les cours des seigneurs, soit qu'on ne le pût pas, comme dans les cours de ses domaines, il établit qu'on pourrait appeler sans courir le hasard d'un combat.

Défontaines 9 nous rapporte les deux premiers exemples qu'il ait vus, où l'on ait ainsi procédé sans combat judiciaire : l'un, dans une affaire jugée à la cour de Saint-Quentin, qui était du domaine du roi; et l'autre, dans la cour de Ponthieu, où le comte, qui était présent, opposa l'ancienne jurisprudence; mais ces deux affaires furent jugées par droit.

tions, et rendre tous ses membres incapables de faire aucun acte judiciaire. Un plaideur qui avait eu cette témérité était obligé, sous peine d'avoir la tête coupée, de se battre dans le même jour non-seulement contre tous les juges qui avaient assisté au jugement dont il appelait, mais encore contre tous ceux qui avaient droit de prendre séance dans ce tribunal. S'il sortait vainqueur de tous ces combats, la sentence qu'il avait faussée était réputée fausse et mal rendue, et son procès était gagné. Si au contraire il était vaincu dans un de ces combats, il était pendu. Telle était la jurisprudence des Français dans le onzième siècle. (MABLY.)

1 Ibid. liv. I, chap. LXXVIII; et liv. II, chap. xv.

2 Ibid. liv. I, chap. LXXVIII.

3 Établissements, liv. II, chap. xv.

Ibid. liv. I, chap. LXXVIII.

5 Ibid. liv. II, chap. xv.

6 Mais si on ne faussait pas, et qu'on voulût appeler, on n'était point reçu. Établissements, liv. II, chap. xv. «< Li sire en « auroit le recort de sa cour, droit faisant. >>

'Ibid. liv. I, chap. vi et LXVII; et liv. II, chap. xv; et BEAUMANOIR, chap. x1, page 58.

8 Établissements, liv. I, chap. I, II, 9 Chap. XXII, art. 16 et 17.

et II.

On demandera peut-être pourquoi saint Louis ordonna pour les cours de ses barons une manière de procéder différente de celle qu'il établissait dans les tribunaux de ses domaines en voici la raison. Saint Louis, statuant pour les cours de ses domaines, ne fut point gêné dans ses vues; mais il eut des ménagements à garder avec les seigneurs qui jouissaient de cette ancienne prérogative, que les affaires n'étaient jamais tirées de leurs cours, à moins qu'on ne s'exposât aux dangers de les fausser. Saint Louis maintint cet usage de fausser; mais il voulut qu'on pût fausser sans combattre; c'est-à-dire que, pour que le changement se fit moins sentir, il ôta la chose, et laissa subsister les

termes.

Ceci ne fut pas universellement reçu dans les cours des seigneurs. Beaumanoir dit que, de son temps, il y avait deux manières de juger, l'une suivant l'Établissement-le-roi, et l'autre suivant la pratique ancienne; que les seigneurs avaient droit de suivre l'une ou l'autre de ces pratiques; mais que quand, dans une affaire, on en avait choisi une, on ne pouvait plus revenir à l'autre. Il ajoute que le comte de Clermont suivait la nouvelle pratique, tandis que ses vassaux se tenaient à l'ancienne; mais qu'il pourrait, quand il voudrait, rétablir l'ancienne : sans quoi il aurait moins d'autorité que ses vassaux.

Il faut savoir que la France était pour lors divisée en pays du domaine du roi 3, et en ce que l'on appelait pays des barons, ou en baronnies; et, pour me servir des termes des Établissements de saint Louis, en pays de l'obéissance-le-roi, et en pays hors l'obéissance-le-roi. Quand les rois faisaient des ordonnances pour les pays de leurs domaines, ils n'employaient que leur seule autorité; mais, quand ils en faisaient qui regardaient aussi les pays de leurs barons, elles étaient faites de concert avec eux, ou scellées ou souscrites d'eux 4 : sans cela, les barons les recevaient, ou ne les recevaient pas, suivant qu'elles leur paraissaient convenir ou non au bien de leurs seigneuries. Les arrière-vassaux étaient dans les mêmes termes avec les grands vassaux. Or, les Établissements

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ne furent pas donnés du consentement des sei- | l'injustice de la cour de leurs seigneurs, et que les gneurs, quoiqu'ils statuassent sur des choses qui vilains ne l'eussent pas; et le parlement reçut leurs étaient pour eux d'une grande importance; appels comme ceux des personnes franches. mais ils ne furent reçus que par ceux qui crurent qu'il leur était avantageux de les recevoir. Robert, fils de saint Louis, les admit dans sa comté de Clermont ; et ses vassaux ne crurent pas qu'il leur convînt de les faire pratiquer chez eux.

CHAPITRE XXX.

Observation sur les appels.

CHAPITRE XXXII.

Continuation du même sujet.

Lorsqu'on faussait la cour de son seigneur, il venait en personne devant le seigneur suzerain pour défendre le jugement de sa cour. De même 1, dans le cas d'appel de défaute de droit, la partie ajournée devant le seigneur suzerain menait son seigneur avec elle, afin que, si la défaute n'était pas prouvée, il pût ravoir sa cour.

On conçoit que des appels qui étaient des provocations à un combat devaient se faire sur-leDans la suite, ce qui n'était que deux cas parchamp. «Se il se part de court sans apeler, dit « Beaumanoir, il pert son apel, et tient li juge-faires, par l'introduction de toutes sortes d'appels, ticuliers étant devenu général pour toutes les afments pour bon. » Ceci subsista, même après qu'on eut restreint l'usage du combat judiciaire 2.

CHAPITRE XXXI.
Continuation du même sujet.

Le vilain ne pouvait pas fausser la cour de son seigneur nous l'apprenons de Défontaines 3; et cela est confirmé par les Établissements 4. «< Aussi, « dit encore Défontaines 5, n'y a-t-il entre toi sei<< gneur et ton vilain autre juge fors Dieu. »>

C'était l'usage du combat judiciaire qui avait exclu les vilains de pouvoir fausser la cour de leur seigneur; et cela est si vrai que les vilains qui, par charte ou par usage 6, avaient droit de combattre, avaient aussi droit de fausser la cour de leur seigneur, quand même les hommes qui avaient jugé auraient été chevaliers 7; et Défontaines donne des expédients pour que ce scandale du vilain, qui, en faussant le jugement, combattrait contre un chevalier, n'arrivât pas 8.

La pratique des combats judiciaires commençant à s'abolir, et l'usage des nouveaux appels à s'introduire, on pensa qu'il était déraisonnable que les personnes franches eussent un remède contre

1 Chap. LXIII, page 327; et chap. LXI, page 312.

2 Voyez les Établissements de saint Louis, liv. II, chap. xv; l'ordonnance de Charles VII, de 1453.

3 Chap. XXI, art. 21 et 22.

Liv. I, chap. cxxxvI.

5 Chap. II, art. 8.

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il parut extraordinaire que le seigneur fût obligé de passer sa vie dans d'autres tribunaux que les siens, et pour d'autres affaires que les siennes. Philippe de Valois ordonna que les baillis seuls seraient ajournés 2. Et quand l'usage des appels devint encore plus fréquent, ce fut aux parties à défendre l'appel le fait du juge devint le fait de la partie 3.

J'ai dit 4 que, dans l'appel de défaute de droit, le seigneur ne perdait que le droit de faire juger l'affaire en sa cour. Mais, si le seigneur était attaqué lui-même comme partie3, ce qui devint trèsfréquent 6, il payait au roi ou au seigneur suzerain devant qui on avait appelé, une amende de soixante livres. De là vint cet usage, lorsque les appels furent universellement reçus, de faire payer l'amende au seigneur lorsqu'on réformait la sentence de son juge; usage qui subsista longtemps, qui fut confirmé par l'ordonnance de Roussillon, et que son absurdité a fait périr.

CHAPITRE XXXIII.

Continuation du même sujet.

Dans la pratique du combat judiciaire, le fausseur qui avait appelé un des juges pouvait perdre par le combat son procès 7. et ne pouvait pas le gagner. En effet, la partie qui avait un jugement pour elle n'en devait pas être privée par le fait d'autrui. Il fallait donc que le fausseur, qui avait

1 DÉFONTAINES, chap. xxi, art. 33.

a En 1332.

3 Voyez quel était l'état des choses du temps de Boutillier, qui vivait en l'an 1402. Somme rurale, liv. I, pages 19 et 20. Ci-dessus, chap. xxx.

BEAUMANOIR, chap. LXI, pages 312 et 318.

6 Ibid.

7 DÉFONTAINES, chap. xxi, art. 14.

vaincu, combattît encore contre la partie, non pas pour savoir si le jugement était bon ou mauvais, il ne s'agissait plus de ce jugement, puisque le combat l'avait anéanti; mais pour décider si la demande était légitime ou non, et c'est sur ce nouveau point que l'on combattait. De là doit être venue notre manière de prononcer les arrêts: La cour met l'appel au néant; la cour met l'appel et ce dont a été appelé au néant.

En effet, quand celui qui avait appelé de faux jugement était vaincu, l'appel était anéanti; quand il avait vaincu, le jugement était anéanti, et l'appel même il fallait procéder à un nouveau juge

ment.

Ceci est si vrai, que, lorsque l'affaire se jugeait par enquêtes, cette manière de prononcer n'avait pas lieu. M. de la Roche-Flavin nous dit que la chambre des enquêtes ne pouvait user de cette forme dans les premiers temps de sa création.

CHAPITRE XXXIV.

Comment la procédure devint secrète.

Les duels avaient introduit une forme de procédure publique l'attaque et la défense étaient également connues. « Les témoins, dit Beauma<< noir, doivent dire leur témoignage devant

<< tous. >>

Le commentateur de Boutillier dit avoir appris d'anciens praticiens, et de quelques vieux procès écrits à la main, qu'anciennement, en France, les procès criminels se faisaient publiquement, et en une forme non guère différente des jugements publics des Romains. Ceci était lié avec l'ignorance de l'écriture, commune dans ces temps-là. L'usage de l'écriture arrête les idées, et peut faire établir le secret; mais, quand on n'a point cet usage, il n'y a que la publicité de la procédure qui puisse fixer ces mêmes idées.

Et, comme il pouvait y avoir de l'incertitude sur ce qui avait été jugé par hommes 3, ou plaidé devant hommes, on pouvait en rappeler la mémoire toutes les fois qu'on tenait la cour, par ce qui s'appelait la procédure par record 4; et dans ce cas, il n'était pas permis d'appeler les témoins au combat, car les affaires n'auraient jamais eu de fin.

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Dans la suite il s'introduisit une forme de procéder secrète. Tout était public; tout devint caché les interrogatoires, les informations, le récolement, la confrontation, les conclusions de la partie publique; et c'est l'usage d'aujourd'hui. La première forme de procéder convenait au gouvernement d'alors, comme la nouvelle était propre au gouvernement qui fut établi depuis.

Le commentateur de Boutillier fixe à l'ordonnance de 1539 l'époque de ce changement. Je crois qu'il se fit peu à peu, et qu'il passa de seigneurie en seigneurie, à mesure que les seigneurs renoncèrent à l'ancienne pratique de juger, et que celle tirée des Établissements de saint Louis vint à se perfectionner. En effet, Beaumanoir dit que ce n'était que dans les cas où on pouvait donner des gages de bataille qu'on entendait publiquement les témoins ; dans les autres, on les oyait en secret, et on rédigeait leurs dépositions par écrit. Les procédures devinrent donc secrètes lorsqu'il n'y eut plus de gages de bataille.

CHAPITRE XXXV. Des dépens.

Anciennement, en France, il n'y avait point de condamnation de dépens en cour laie 2. La partie qui succombait était assez punie par des condamLa manière de procéder par le combat judiciaire nations d'amende envers le seigneur et ses pairs. faisait que, dans les crimes, la partie qui succombait, et qui perdait la vie et les biens, était punie autant qu'elle pouvait l'être; et, dans les autres cas du combat judiciaire, il y avait des amendes

quelquefois fixes, quelquefois dépendantes de la

volonté du seigneur, qui faisaient assez craindre les événements des procès. Il en était de même combat. Comme c'était le seigneur qui avait les dans les affaires qui ne se décidaient pas par le profits principaux, c'était lui aussi qui faisait les soit pour les mettre en état de procéder au jugeprincipales dépenses, soit pour assembler ses pairs,

ment. D'ailleurs les affaires finissant sur le lieu même, et toujours presque sur-le-champ, et sans ce nombre infini d'écritures qu'on vit depuis, il n'était pas nécessaire de donner des dépens aux parties.

C'est l'usage des appels qui doit naturellement introduire celui de donner des dépens. Aussi Dé

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fontaines dit-il que, lorsqu'on appelait par loi écrite, c'est-à-dire, quand on suivait les nouvelles lois de saint Louis, on donnait des dépens; mais que, dans l'usage ordinaire, qui ne permettait point d'appeler sans fausser, il n'y en avait point: on n'obtenait qu'une amende, et la possession d'an et jour de la chose contestée, si l'affaire était renvoyée au seigneur.

Mais, lorsque de nouvelles facilités d'appeler augmentèrent le nombre des appels 2; que, par le fréquent usage de ces appels d'un tribunal à un autre, les parties furent sans cesse transportées hors du lieu de leur séjour; quand l'art nouveau de la procédure multiplia et éternisa les procès; lorsque la science d'éluder les demandes les plus justes se fut raffinée; quand un plaideur sut fuir, uniquement pour se faire suivre; lorsque la demande fut ruineuse, et la défense tranquille; que les raisons se perdirent dans des volumes de paroles et d'écrits; que tout fut plein de suppôts de justice qui ne devaient point rendre la justice; que la mauvaise foi trouva des conseils là où elle ne trouva pas des appuis; il fallut bien arrêter les plaideurs par la crainte des dépens. Ils durent les payer pour la décision, et pour les moyens qu'ils avaient employés pour l'éluder. Charles le Bel fit là-dessus une ordonnance générale 3.

CHAPITRE XXXVI.

De la partie publique. Comme, par les lois saliques et ripuaires, et par les autres lois des peuples barbares, les peines des crimes étaient pécuniaires, il n'y avait point pour lors, comme aujourd'hui parmi nous, de partie publique qui fût chargée de la poursuite des crimes. En effet, tout se réduisait en réparations de dommages; toute poursuite était en quelque façon civile, et chaque particulier pouvait la faire. D'un autre côté, le droit romain avait des formes populaires pour la poursuite des crimes, qui ne pouvaient s'accorder avec le ministère d'une partie publique.

L'usage des combats judiciaires ne répugnait pas moins à cette idée; car qui aurait voulu être la partie publique, et se faire champion de tous. contre tous?

Je trouve, dans un recueil de formules que M. Muratori a insérées dans les lois des Lombards, qu'il y avait, dans la seconde race, un avoué de la partie

1 Chap. XXII, art. 8.

2 « A présent que l'on est si enclin à appeler, » dit Boutillier, Somme rurale, liv. I, tit. m, page 16.

3 En 1324

| publique 1. Mais si on lit le recueil entier de ces formules, on verra qu'il y avait une différence totale entre ces officiers et ce que nous appelons aujourd'hui la partie publique, nos procureurs généraux, nos procureurs du roi ou des seigneurs. Les premiers étaient plutôt les agents du public pour la manutention politique et domestique que pour la manutention civile. En effet, on ne voit point dans ces formules qu'ils fussent chargés de la poursuite des crimes, et des affaires qui concernaient les mineurs, les églises, ou l'état des per

sonnes.

J'ai dit que l'établissement d'une partie publique répugnait à l'usage du combat judiciaire. Je trouve pourtant dans une de ces formules un avoué de la partie publique qui a la liberté de combattre. M. Muratori l'a mise à la suite de la constitution d'Henri Ier 2, pour laquelle elle a été faite. Il est dit, dans cette constitution, que « si quelqu'un « tue son père, son frère, son neveu, ou quelque « autre de ses parents, il perdra leur succession, << qui passera aux autres parents; et que la sienne << propre appartiendra au fisc. » Or, c'est pour la poursuite de cette succession dévolue au fisc que l'avoué de la partie publique qui en soutenait les droits avait la liberté de combattre ce cas rentrait dans la règle générale.

Nous voyons dans ces formules l'avoué de la partie publique agir contre celui qui avait pris un voleur, et ne l'avait pas mené au comte 3; contre celui qui avait fait un soulèvement ou une assemblée contre le comte 4; contre celui qui avait sauvé la vie à un homme que le comte lui avait donné pour le faire mourir 5; contre l'avoué des églises à qui le comte avait ordonné de lui présenter un voleur, et qui n'avait point obéi 6; contre celui qui avait révélé le secret du roi aux étrangers 7; contre celui qui, à main armée, avait poursuivi l'envoyé de l'empereur ; contre celui qui avait méprisé les lettres de l'empereur 9, et il était poursuivi par l'avoué de l'empereur, ou par l'empereur lui-même; contre celui qui n'avait pas voulu recevoir la monnaie du prince 10; enfin cet avoué demandait les choses que la loi adjugeait au fisc ".

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Mais, dans la poursuite des crimes, on ne voit point d'avoué de la partie publique, même quand on emploie les duels 1; même quand il s'agit d'incendie 2; même lorsque le juge est tué sur son tri- | bunal 3; même lorsqu'il s'agit de l'état des personnes 4, de la liberté et de la servitude 5.

Ces formules sont faites non-seulement pour les lois des Lombards, mais pour les capitulaires ajoutés ainsi il ne faut pas douter que, sur cette matière, elles ne nous donnent la pratique de la seconde race.

Il est clair que ces avoués de la partie publique durent s'éteindre avec la seconde race, comme les envoyés du roi dans les provinces; par la raison qu'il n'y eut plus de loi générale, ni de fisc général, et par la raison qu'il n'y eut plus de comte dans les provinces pour tenir les plaids, et par conséquent plus de ces sortes d'officiers dont la principale fonction était de maintenir l'autorité du comte.

L'usage des combats, devenu plus fréquent dans la troisième race, ne permit pas d'établir une partie publique. Aussi Boutillier, dans sa Somme rurale, parlant des officiers de justice, ne cite-t-il que les baillis, hommes féodaux, et sergents. Voyez les Établissements 6, et Beaumanoir 7, sur la manière dont on faisait les poursuites dans ces temps-là.

Je trouve dans les lois de Jacques II, roi de Majorque, une création de l'emploi de procureur du roi, avec les fonctions qu'ont aujourd'hui les nôtres 9. Il est visible qu'ils ne vinrent qu'après que la forme judiciaire eut changé parmi nous.

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| saint Louis n'a jamais été fait pour servir de loi à tout le royaume, quoique cela soit dit dans la préface de ce code. Cette compilation est un code général qui statue sur toutes les affaires civiles, les dispositions des biens par testament ou entre vifs, les dots et les avantages des femmes, les profits et les prérogatives des fiefs, les affaires de police, etc. Or, dans un temps où chaque ville, bourg ou village, avait sa coutume, donner un corps général de lois civiles, c'était vouloir renverser, dans un moment, toutes les lois particulières sous lesquelles on vivait dans chaque lieu du royaume. Faire une coutume générale de toutes les coutumes particulières serait une chose inconsidérée, même dans ce temps-ci, où les princes ne trouvent partout que de l'obéissance. Car, s'il est vrai qu'il ne faut pas changer lorsque les inconvénients égalent les avantages, encore moins le faut-il lorsque les avantages sont petits, et les inconvénients immenses. Or, si l'on fait attention à l'état où était pour lors le royaume, où chacun s'enivrait de l'idée de sa souveraineté et de sa puissance, on voit bien qu'entreprendre de changer partout les lois et les usages reçus, c'était une chose qui ne pouvait venir dans l'esprit de ceux qui gouvernaient.

Ce que je viens de dire prouve encore que ce code des Établissements ne fut pas confirmé, en parlement, par les barons et gens de loi du royaume, comme il est dit dans un manuscrit de l'hôtel de ville d'Amiens, cité par M. Ducange1. On voit dans les autres manuscrits que ce code fut donné par saint Louis en l'année 1270, avant qu'il partît pour Tunis. Ce fait n'est pas plus vrai; car saint Louis est parti en 1269, comme l'a remarqué M. Ducange: d'où il conclut que ce code aurait été publié en son absence. Mais je dis que cela ne peut pas être. Comment saint Louis aurait-il pris le temps de son absence pour faire une chose qui aurait été une semence de troubles, et qui eût pu produire, non pas des changements, mais des révolutions? Une pareille entreprise avait besoin plus qu'une autre d'être suivie de près, et n'était point l'ouvrage d'une régence faible, et même composée de seigneurs qui avaient intérêt que la chose ne réussît pas. C'était Matthieu, abbé de Saint-Denis; Simon de Clermont, comte de Nesle; et, en cas de mort, Philippe, évêque d'Evreux; et Jean, comte de Ponthieu. On a vu ci-dessus que le comte de Ponthieu s'opposa dans sa seigneurie à l'exécution d'un nouvel ordre judiciaire.

1 Préface sur les Établissements.

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