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AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR.

Les idées d'ordre, de justice et de civilisation se réveil lent au nom de Montesquieu, nom invoqué depuis près d'un siècle dans toutes les discussions qui intéressent les rois, les peuples et l'humanité. Pour louer dignement ce génie sublime, il faudrait le suivre à travers les âges et les nations, 'démêler avec lui la vérité du mensonge, séparer la raison des préjugés; et, embrassant d'un regard l'étendue de ce globe où s'agitent tant de passions, saisir les rapports qui lient les hommes entre eux, qui les attachent à la terre, ou les unissent à la Divinité. Nous apercevons tout ce qu'une pareille tâche a de noble et de difficile, mais en même temps nous sentons combien elle serait au-dessus de nos forces; d'ailleurs elle a été remplie par plusieurs écrivains distingués, et qui n'ont rien laissé à faire à ceux qui viendront après eux. Aussi nous bornerons-nous à donner quelques détails sur cette nouvelle édition des ŒŒuvres complètes de Montesquieu.

Les Lettres persanes, qui commencèrent sa réputation littéraire, furent publiées en 17212. On a prétendu que Montesquieu avait été aidé dans cette composition ingénieuse et hardie par M. Barbot, président au parlement de Bordeaux, et par M. Bel, conseiller au même parlement: s'il fallait en croire quelques écrivains modernes, le premier lui aurait fourni les réflexions morales; et le second, les pensées badines3: il suffit d'énoncer une pareille opinion pour en faire sentir l'absurdité. Les Lettres persanes furent réimprimées sans aucune modification jusqu'en 1754, époque à laquelle, sentant approcher sa fin, l'auteur en donna une dernière édition, dont le texte fut revu avec soin, et dans laquelle plusieurs lettres furent ajoutées.

Cet ouvrage, léger en apparence, annonçait un homme profondément versé dans la science du gouvernement, et capable de saisir et d'animer, pour ainsi dire, les ressorts de la plus vaste machine politique : les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence achevèrent de faire connaître Montesquieu. Imprimées pour la première fois en 1734 4, elles subirent plusieurs

'D'Alembert, Maupertuis, M. Villemain, etc.

2 A Cologne, chez Pierre Marteau. L'abbé Duval, alors secrétaire de Montesquieu, se rendit dans cette ville pour surveiller l'impression des Lettres persanes; et, à dater de cette époque, il n'est pas d'année où elles n'aient reparu sous plusieurs formats.

3 Le président Barbot, qui passait son temps à Paris, a travaillé au Dictionnaire néologique avec l'abbé Desfontaines; M. Bel était secrétaire perpétuel de l'Académie de Bordeaux : il a donné sa maison à cette académie pour tenir ses séances, et lui a laissé sa bibliothèque.

4 Et non en 1733, comme le dit Maupertuis

MONTESQUIEU.

| changements importants que nous avons indiqués en reproduisant au bas des pages le texte primitif. L'auteur en publia une nouvelle édition en 1755, l'année même où il mourut c'est celle que nous avons suivie.

I

Montesquieu mit le sceau à sa gloire en donnant l'Esprit des Lois. Cependant il n'était pas réservé à la France de voir ce chef-d'œuvre éclore dans son sein: c'est à Genève qu'il fut d'abord publié. L'éloignement de l'auteur et la précipitation des imprimeurs nuisirent à l'exécution ty pographique de son livre. Il s'y glissa plusieurs incorrections dont les ennemis de Montesquieu ne manquèrent pas de profiter; mais la plupart de ces taches furent effacées dans une nouvelle édition2 à laquelle il donna des soins particuliers. Une de ses lettres nous apprend qu'il se rendit à Genève au commencement de l'année 1749, pendant qu'on réimprimait l'Esprit des Lois. Cette lettre, adressée à M. d'Argenson, alors directeur de la librairie, est ainsi conçue :

MONSEIGNEUR,

A Genève, le 17 février 1749.

J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 31 du mois dernier, par laquelle vous m'ordonnez de vous envoyer les cartons du traité de l'Esprit des Lois. Si je n'y ai pas répondu plus tôt, c'est que j'ai trouvé quelques difficultés pour exécuter cet ordre. On a d'abord exigé de moi que je m'engageasse positivement qu'il ne serait fait de ces cartons aucun usage qui pourrait préjudicier à l'auteur ou à l'imprimeur. J'ai eu cette facilité, dans la persuasion que vous voudrez bien, Monseigneur, ne pas me désavouer. Ensuite on a prétendu que ces cartons étaient dans les maculatures, qu'on en avait brûlé beaucoup, et qu'il serait difficile d'en ramasser l'assortiment. Enfin, on m'a fourni ceux que vous trouverez ci-joints. Il y en a un ou deux qui sont maltraités; mais on m'a assuré qu'il n'existe point d'autres feuilles de ceux-là. Je ne crois pas, Monseigneur, que vous trouviez que ces cartons répondent à l'idée qu'on a pu vous donner, à deux ou trois changements près, qui sont de quelque considération, les autres ne sont que des corrections purement gram

Chez Barillot et fils, en deux volumes in-4°. Cette première édition ne porte ni date, ni nom d'auteur; mais la correspondance familière de Montesquieu nous apprend qu'elle fut commencée en 1747, terminée en 1748, et que Jacob Vernet, minis tre du culte protestant, fut chargé d'en revoir les épreuves. 2 Elle parut en 1749, à Genève, chez Barillot et fils, sans nom d'auteur.

a

maticales. Je suis bien flatté, monseigneur, d'avoir pu réussir dans une chose qui vous est agréable; et je ne desirerai jamais rien avec plus d'empressement que les occasions de vous marquer le respect infini avec lequel j'ai l'honneur d'être,

Monseigneur,

Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
DE MONTESQUIEU.

L'édition de 1749, une des meilleures qui aient été faites de l'Esprit des Lois, servit de type à toutes celles publiées du vivant de Montesquieu, et elles furent nombreuses; car, vers le milieu de 1750, on en comptait déjà vingt-deux en Europe'. Traduit et réimprimé dans toutes les langues, ce livre admirable reparut en 1758. L'auteur était mort depuis trois ans, et avait laissé plusieurs corrections et additions manuscrites qui furent recueillies dans cette nouvelle édition: nous la reproduisons ici, après toutefois l'avoir collationnée sur les textes primitifs 2.

On conçoit aisément que le succès prodigieux de l'Esprit des Lois ait soulevé contre Montesquieu cette foule d'hommes à vues étroites, qui s'irritent toutes les fois qu'une âme généreuse combat les préjugés, défend les droits de l'humanité, et proclame l'influence de la vertu sur le bonheur des peuples. Presque en même temps que ce chef-d'œuvre, on vit paraître une nuée de brochures dictées par la jalousie et la haine, et où la calomnie ne fut pas épargnée. Le premier qui donna le signal, se cachant sous le voile de l'anonyme, osa accuser Montesquieu d'athéisme et de spinosisme, lui qui dans l'Esprit des Lois n'avait pas perdu une seule occasion de rendre hommage à la sublimité de la religion chrétienne. Il eut la faiblesse de se montrer sensible à cette injure, et, suivant l'expression énergique de Voltaire, « les trois doigts qui avaient écrit l'Esprit des Lois s'abaissèrent jusqu'à écraser par la force de la raison, et à coups d'épigrammes, la guêpe convulsionnaire qui bourdonnait à ses oreilles quatre fois par mois. >>

Plusieurs autres écrits anonymes furent dirigés dans le même temps contre Montesquieu. Cependant il ne faut pas confondre avec ses obscurs détracteurs un écrit remarquable sous plus d'un rapport, quoiqu'il ne soit pas toujours exempt de mauvaise foi et de partialité. Il s'agit ici de l'ouvrage du fermier général Dupin. On croit que deux jésuites, les PP. Plesse et Berthier 3, ont travaillé à son livre, qui offre dans quelques-unes de ses parties, une érudition peu commune. Comme il est devenu d'une extrême rareté; comme, d'ailleurs, tous ceux qui en ont parlé l'ont fait d'une manière inexacte ou incomplète, nous consignerons dans cet avertissement les détails que nous avons recueillis sur ce sujet.

1 Voyez les Lettres familières, no 45.

2 Cette collation nous a mis à même de faire plusieurs corrections importantes.

3 J. J. Rousseau, dans ses Confessions, ne nomme que le P. Berthier. Il le trouva un jour chez M. Dupin, travaillant avec lui de toute sa force à la réfutation de Montesquieu. Voyez le livre VII des Confessions; et remarquez que ce fait ne peut pas

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M. Dupin était homme de mérite, mais incapable de saisir l'esprit du livre de Montesquieu; et sa critique fut désapprouvée par ses amis, qui l'engagèrent à ne la point publier. Il la fit imprimer chez lui, à ses frais, et en donna les premiers exemplaires à ceux mêmes qui lui conseillaient de la supprimer1. Mais à peine l'édition était-elle achevée qu'il l'anéantit; toutefois il se repentit bientôt d'avoir pris ce parti violent. Plusieurs sarcasmes, lancés contre les traitants dans les Lettres persanes et l'Esprit des Lois, l'avaient blessé trop profondément pour qu'il n'essayât pas au moins de les repousser. Il remit son ouvrage sous presse, après en avoir fait disparaître quelques plaisanteries de mauvais goût, et quelques observations présentées avec un ton de supériorité ou de légèreté peu convenable. Il donna plus de développement aux parties

qui en étaient susceptibles, et joignit à cette seconde édition2 une préface beaucoup plus sage, plus mesurée que la première, et que l'on attribue à madame Dupin; ou plutôt à J. J. Rousseau, son secrétaire.

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Un homme qui a consacré aux lettres une partie de son temps et de sa fortune, a porté sur cet ouvrage un jugement qui nous a paru mériter d'être conservé. Le voici : J'ai parlé bien mal des Réflexions de M. Dupin; mais quand j'en ai parlé ainsi, je ne les avais ni lues ni parcourues tel est l'effet d'un préjugé qui m'avait été transmis il y a trente ans, et contre lequel je ne m'étais point mis en garde. Cependant, m'étant avisé de lire ce livre, que je ne regardais que comme une pièce rare et ridicule, je me suis convaincu de deux vérités : la première, qu'il s'en faut beaucoup qu'il soit mauvais en totalité; et l'autre, que l'auteur a donné une grande preuve de sagesse en le supprimant. Mais pourquoi a-t-il déféré aux avis de ses amis qui le lui conseillaient? c'est qu'il a senti que l'enthousiasme qui portait à faire trouver l'Esprit des Lois divin était trop vif, et qu'un homme qui le combattrait avec autant de force que M. Dupin, se ferait jeter la pierre par toute l'Europe. Effectivement, il critiquait l'ouvrage de Montesquieu avec trop d'amertume et trop peu de ménagement; mais au fond la plupart de ses critiques sont trèsjustes et bien raisonnées, clairement et purement écrites. Il a raison dans tout ce qu'il reproche au président sur la nature des gouvernements, sur l'influence des climats, sur les mœurs et par conséquent sur les lois, enfin sur la constitution de l'Angleterre. Mais quand il parle de finance et de commerce, il paraît trop se souvenir qu'il est fermier général. Au total, il y a d'excellentes choses dans cette critique; et puisque j'en possède un exemplaire presque unique 3, je le conserverai précieusement. »

appartenir aux années 1743-1744, sous lesquelles il a été classé, puisque l'Esprit des Lois ne fut publié qu'en 1748.

Elle parut d'abord en deux volumes in-8°, sous le titre sui vant: Réflexions sur quelques parties d'un livre intitulé: De l'Esprit des Lois, à Paris, chez Benjamin Serpentin, 1749.

2 Elle a pour titre : Observations sur un livre intitulé: De l'Esprit des Lois, divisées en trois parties, et se compose de trois volumes in-8°; mais elle ne porte ni date, ni nom d'auteur, ni nom d'imprimeur. On croit qu'elle parut en 1753.

3 Cet exemplaire presque unique a été longtemps entre nos mains, et nous en avons extrait tout ce qui nous a paru digne d'être offert au public.

On a dit que M. Dupin avait retiré la seconde édition de son livre à la sollicitation de madame de Pompadour, qui s'intéressait à l'auteur de l'Esprit des Lois. La correspondance familière de Montesquieu prouve, au contraire, qu'il ne vit rien dans cet écrit qui méritât une réponse, et qu'il se crut assez vengé par l'indignation qu'en témoignait le public. Pour nous, qui avons lu attentivement l'ouvrage de M. Dupin, nous pensons qu'il faut chercher ailleurs la cause de sa suppression; et que le gouvernement, justement alarmé de la maladresse avec laquelle certaines questions délicates y étaient traitées, dut engager l'auteur à le supprimer une seconde fois. En terminant ce que nous avions à dire d'un ouvrage sur lequel on n'avait jusqu'ici que des renseignements fort incertains, nous ferons remarquer que Voltaire, ainsi qu'il l'avoue lui-même, y a puisé ses principales objections.

quemment à des dissertations étrangères à son sujet, et oùr l'esprit brille trop souvent aux dépens du jugement. De semblables digressions auraient surchargé le texte : il était donc inutile de les recueillir; d'ailleurs on peut les voir dans toutes les éditions de Voltaire.

Enfin la Harpe nous a laissé plusieurs remarques pleines de justesse et de goût, d'autant plus précieuses qu'elles sont le résultat d'une longue méditation et d'une connaissance approfondie des ouvrages de Montesquieu. On sait que cet habile critique, ayant entrepris de commenter l'Esprit des Lois et de combattre quelques-uns de ses principes, brûla son travail dès qu'il fut en état de l'apprécier. Nous ne pouvons résister au désir de transcrire ici un aveu aussi honorable pour celui qui le fait que pour celui qui en est l'objet : « Dans un temps, dit la Harpe, où je ne doutais de rien, non plus que bien d'autres, j'avais essayé de réfuter quelques-uns des principes de l'Esprit des Lois; et cette réfutation remplit cinq ou six séances du Lycée avec un tel succès, que je fus sollicité de toutes parts de l'imprimer sur-le-champ. J'aurais dû dire alors, comme cet ancien philosophe1 applaudi par la multitude : Auraisje par hasard laissé échapper quelques sottises? Heureusement je ne publiai pas les miennes, quoique je ne m'en défendisse pas. Lorsque je les relus en 1794, je jetai sur

En 1764, Crevier publia un volume sur l'Esprit des Lois, contenant plusieurs observations et quelques rectifications dont nous avons profité. On lui saurait plus de gré de son travail, s'il s'était toujours renfermé dans les bornes que doit s'imposer un critique judicieux, et s'il n'avait jamais oublié cette sage circonspection que recommande Quintilien à ceux qui recherchent le périlleux honneur de juger les grands écrivains 1. Mais il s'est trop appesanti sur quelques légères inadvertances qui devaient nécessaire-le-champ le manuscrit au feu, sans en conserver une ment échapper à Montesquieu dans un ouvrage de si longue haleine, et où il a cité souvent de mémoire. Crevier a osé même le taxer d'ignorance, et l'accuser d'avoir voulu tendre des piéges à ses lecteurs et leur jeter de la poudre aux yeux. Un langage aussi inconvenant n'a pas besoin de commentaire. Nous nous contenterons de dire qu'il ne devait pas reprocher à Montesquieu d'avoir renvoyé ses lecteurs à la Vie de Denys, sous prétexte que cette Vie n'existait pas, puisqu'elle se trouve réunie à celle de Dion, comme Plutarque a eu soin de le faire remarquer.

Voltaire, qui s'est mis au rang des commentateurs de Montesquieu, se borne pour l'ordinaire à reproduire quelques-unes des réflexions faites avant lui, et auxquelles il sait donner une nouvelle vie par le tour original de sa pensée et par les agréments de son style. Ses observations out été publiées en 1778, sous le titre de Commentaire. En général, il y fait preuve d'impartialité; mais les saillies de son imagination l'emportent quelquefois au delà des bornes de la vérité 2: et s'il a dit que Montesquieu, après avoir retrouvé les titres du genre humain, les lui avait rendus, il a dit aussi que l'Esprit des Lois n'était qu'un Recueil d'épigrammes; et alors l'auteur n'était plus pour lui que l'ingénieux Montesquieu. Du reste il s'abandonne fré

1 Modeste tamen et circumspecto judicio de tantis viris pronuntiandum est, ne (quod plerisque accidit) damnent que non intelligunt. Ac si necesse est in alterutram errare partem, omnia eorum legentibus placere, quam multa displicere maluerim. (Lib. X, cap. I.)

* On doit avouer que Voltaire combat Montesquieu comme il Favait lu, très-étourdiment. Ces objets de méditation étaient trop étrangers à l'excessive vivacité de son esprit. Saisir fortement par l'imagination les objets qu'elle ne doit montrer que d'un côté, c'est ce qui est du poëte; les embrasser sous toutes les faces, c'est ce qui est du philosophe; et Voltaire était trop exclusivement l'un pour être l'autre, (LA H.)

phrase, et je rendis grâce à Dieu. » Un aussi bel exemple aurait dû trouver des imitateurs; mais au milieu de la stérilité qui afflige la littérature française, nos grands écrivains sont condamnés à voir longtemps encore leur texte embarrassé, quelquefois même étouffé sous l'amas des idées vraies ou fausses et souvent incohérentes et ridicules que la lecture de leurs chefs-d'œuvre aura fait éclore.

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3

Nous glisserons légèrement sur une foule d'écrits en prose et en vers dans lesquels l'auteur de l'Esprit des Lois fut attaqué avec la dernière indécence, et dont le temps seul devait faire justice: car Montesquieu méprisait trop ses ennemis pour repousser leurs injures. Et d'ail leurs qu'eût-il répondu à un abbé Bonnaire qui se croyait bien méchant, parce qu'il avait dit, à propos du livre XIV de l'Esprit des Lois, « que le climat était un enfant gâté, mais que son père lui arrachait le nez en voulant le moucher trop fort? » Que dire à un abbé Laporte, qui, après avoir torturé son génie pour en tirer quelques niaiseries, s'imaginait couvrir de ridicule Montesquieu en comparant une femme des pays chauds à « une laitue que le trop de chaleur empêche de pommer et fait monter en graine? »

D

1 Phocion.

2 Parce qu'il a plu à Saint-Foixde se demander si Montesquieu ne s'était pas persuadé que nos ancêtres eussent les mains faites comme des pattes de crocodile, devait-on s'attendre à retrouver cette sottise dans une édition récente?

3 Un de ces poëmes improvisés commence ainsi :
Vous connaissez l'Esprit des Lois :

Que pensez-vous de cet ouvrage ?

Ce n'est qu'un confus assemblage

De républiques et de rois.

Voilà pourtant ce qu'on appelait alors l'analyse poétique de l'Esprit des Lois!

Cependant nous ne terminerons point cet avertissement, déjà trop long peut-être, sans dire quelques mots d'un écrit moderne intitulé: Commentaire sur l'Esprit des Lois, et qu'on a cru pouvoir rattacher à quelques éditions récentes. Ce prétendu commentaire n'est proprement qu'un nouveau système fondé sur d'autres idées, sur d'autres principes que ceux adoptés par Montesquieu '. L'auteur prend soin lui-même de nous avertir qu'il a refait les principales classifications de l'Esprit des Lois « pour tâcher « d'éclaircir davantage les idées de Montesquieu, et parce « qu'il serait trop long et trop pénible de discuter ses trois espèces de gouvernement en partant des bases qu'il a « posées, et qui n'offrent rien d'assez solide ni d'assez pré

* On peut appliquer à M. D. de T. ce que Montesquieu disait de Voltaire : « Il refait mon livre, puis il approuve ou critique

ce qu'il a fait ».

<< cis. » Il ajoute qu'il « sera plus facile d'en apprécier la « valeur en adoptant une nouvelle division des gouverne<< ments en nationaux et spéciaux. » Enfin, il est forcé d'avouer quelque part qu'il ne s'éloigne des idées de Montesquieu que pour mieux les réfuter. On ne sera donc pas étonné de ne voir au bas des pages aucun fragment d'un ouvrage qui n'a d'autre point de contact avec l'Esprit des Lois que l'ordre des matières, et qui n'aurait jamais dû trouver place à la suite de Montesquieu.

En résumé, notre édition présente : 1° plus de correction dans le texte qu'aucune des précédentes; 2° un commentaire variorum tiré de Dupin, Crevier, Voltaire, Mably, Servan, la Harpe, etc.; 3° une notice sur la vie de Montesquieu par M. C. A. Walckenaër; 4° une table générale et analytique des matières.

PARELLE.

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