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claration, ont, dans un protocole de la même date, enregistré leur accord, afin que ni les puissances qui ont pris part dans l'origine à la rédaction de la déclaration, ni celles qui y auront accédé ne puissent à l'avenir, relativement à l'application du droit maritime en temps de guerre, entrer en aucun arrangement qui ne repose à la fois sur les quatre principes objet de la déclaration.

87.

Hübner, dans son ouvrage sur la saisie des navires neutres, publié en 1759, s'était prononcé pour l'adoption du principe de « navire libre, marchandises libres », concurremment avec le maintien de la règle du Consulat de la Mer prescrivant que la marchandise neutre doit être exempte de capture, quoique trouvée à bord d'un navire enneini. Son argument en faveur du premier principe reposait sur deux propositions, savoir: que les navires neutres sont un territoire neutre1 sur lequel la propriété ennemie est sacrée, et que le commerce doit être pour les neutres aussi libre en temps de guerre qu'en temps de paix, attendu que les neutres ne sont pas parties à la lutte. Parlant dans le même sens, Klüber et Martens donnent, l'un et l'autre,

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1 Protocole no 24: « Sur la proposition de M. le comte Walewski, et reconnaissant qu'il est de l'intérêt commun de maintenir l'indivisibilité des quatre principes mentionnés à la déclaration signée en ce jour, MM. les plénipotentiaires conviennent que les puissances qui l'ont signée ou celles qui y auront accédé ne pourront entrer à l'avenir, sur l'application du droit maritime en temps de guerre, en aucun arrangement qui ne repose à la fois sur les quatre principes objet de la dite déclaration. Sur une observation faite par MM. les plénipotentiaires de la Russie, le Congrès reconnaît que la présente résolution, ne pouvant avoir d'effet rétroactif, ne saurait invalider les conventions antérieures. » Martens, N. R. Gén., T. XV, p. 768.

« Or les vaisseaux neutres sont sans contredit des lieux neutres; d'où il s'ensuit que quand ils seraient incontestablement chargés pour le compte de l'ennemi, les belligérants n'ont aucun droit de les inquiéter au sujet de leurs cargaisons, puisqu'il revient au même d'enlever des effets d'un navire neutre ou de les enlever sur un territoire neutre. » De la saisie des bâtiments neutres, ou du droit qu'ont les nations belligérantes d'arrêter les navires des peuples neutres. La Haye, 1759.

3 Droit des gens, Part. II, Tit. I, Ch. II, § 299.
* Précis du droit des gens, L. VIII, Ch. VII, § 346.

pour fondement au principe de « navires libres, marchandises libres» la territorialité des navires marchands sur la haute mer.<< Sur l'Océan», dit le premier de ces auteurs,<«< tout navire est considéré extra-territorial par rapport à toutes les nations étrangères. Un navire marchand doit être regardé comme une colonie flottante de l'État duquel il dépend. Par conséquent aucune puissance belligérante ne doit se permettre de visiter un navire neutre, ni de confisquer les marchandises ennemies qui sont à bord de ce navire, et, encore moins, de s'approprier le navire même, sous le prétexte que le chargement appartient à l'ennemi. C'est ce principe qui est exprimé par la maxime de droit: « le pavillon neutre couvre le chargement(die neutrale Flagge deckt die Warre); en d'autres termes, le navire neutre rend le chargement neutre. Il en est de même des marchandises chargées à bord d'un navire ennemi, qu'un belligérant n'a pas plus le droit de confisquer que s'il les trouvait sur le territoire continental d'un ennemi. » Martens, envisageant les choses au même point de vue, s'exprime ainsi : « Il n'y a point de doute qu'une puissance belligérante puisse confisquer les navires ennemis avec des chargements ennemis; mais, puisque la guerre n'autorise pas les hostilités dans un lieu neutre, il semblerait que le droit naturel nous défende de saisir les marchandises ennemies d'un caractère inoffensif trouvées à bord d'un navire neutre et, bien plus, de confisquer le navire; et comme la guerre ne nous autorise pas à nous approprier les marchandises des sujets d'un État avec lequel nous sommes en paix, quoiqu'elles se trouvent dans un pays ennemi, il nous est également défendu de confisquer un chargement neutre trouvé sur un navire ennemi; c'est pourquoi le droit naturel suffit pour établir le principe que le pavillon protège le chargement (frey Schiff, frey Gut), mais ne la confisque jamais (verfallenes Schiff macht nicht verfallenes Gut).» «Il faut admettre», ajoute Martens,«qu'une opinion contraire au premier de ces principes, savoir: que, selon le droit des gens, on doit avoir égard à la propriété

du chargement plutôt qu'à celle du navire, n'a pas besoin d'arguments spécieux pour la soutenir, et que la simple théorie ne suffira jamais pour mettre les gens d'accord sur un point relativement auquel leurs intérêts ne sont pas les mêmes.» Des deux auteurs qui précèdent Klüber est le plus logique dans ses conclusions, attendu qu'il refuse à un belligérant tout droit de visite et de recherche, qui serait une conséquence nécessaire de la reconnaissance à un navire neutre de tous les privilèges du territoire neutre. Martens, de son côté, ne réclame l'immunité accordée par le droit naturel en faveur du chargement à bord d'un navire neutre qu'à condition que ce chargement soit d'un caractère inoffensif; mais il ne faut pas oublier que l'inviolabilité du territoire neutre est quelque chose d'absolu et se communi. que à tout ce qui s'y trouve, que ce soit approprié ou non aux usages des belligérants. Martens admet aussi que le droit de visite est un droit naturel des belligérants, par la raison que le pavillon marchand neutre n'est pas une preuve suffisante que le navire n'est pas un bâtiment ennemi; mais l'attribution du droit de visite à un belligérant ne se concilie pas avec le caractère sacré du territoire neutre, d'autant plus que l'objet de la visite d'un navire marchand par un belligérant est d'inspecter les papiers de bord et de constater par examen si les armateurs du navire sont amis ou ennemis, indépendamment de la question de savoir si le navire navigue légitimement sous un pavillon neutre.

88.

Bynkershoek avait devancé la théorie territoriale de Hübner, lorsqu'il avait discuté le droit du belligérant de s'emparer de marchandises ennemies à bord d'un navire neutre ; et il avait démontré l'incompatibilité de cette doctrine avec le droit de visite attribué au belligérant. « Velim animadvertes eatenus licitum esse amicam navem sistere ut non ex fallaci forte aplustri, sed ex ipsis instrumentis1 in nave repertis constet navem amicam esse.Si id constet, dimit

Quæst. juris publici, L. I, Ch. XIV.

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tam ; si hostilem esse constiterit, occupabo. Quod si liceat, ut omni jure licet et perpetuo observatur, licebit quoque instrumenta, quæ ad merces pertinent,excutere, et inde discere an quæ hostium bona in navi lateant, et si lateant, quid in ea jure belli occupem. » Lampredi, qui écrivait postérieurement à l'apparition de l'ouvrage de Hübner, répudie, comme tout à fait insoutenable, la fiction du navire faisant partie du territoire d'un État. «< En effet », dit-il, « il n'est pas vrai de dire que des hommes qui naviguent sur la haute mer, c'est-à-dire qui se trouvent dans un lieu qui n'est soumis à la juridiction d'aucune nation, puissent être regardés comme se trouvant sur le territoire de la nation dont ils portent le pavillon, comme Hübner l'a prétendu erronément. Le pavillon, lorsqu'il est accompagné de papiers de bord, ne sert qu'à faire connaître à quelle nation appartiennent l'équipage et le navire, et qu'ils sont partis d'un certain port avec permission de naviguer sur mer et de hisser le pavillon qu'ils portent. Quant aux autres personnes qui peuvent être à bord, elles n'ont à observer d'autres lois que celles de la justice naturelle et de la police établie par l'autorité souveraine de la nation, aussi bien pour le maintien du bon ordre à bord, que pour la conduite à tenir à l'égard des navires qu'elles peuvent rencontrer sur la mer. Deux navires qui se rencontrent dans de telles circonstances ressemblent à deux voitures se rencontrant par hasard dans un lieu désert, qui n'est occupé par aucune nation. Il serait tout à fait absurde que le propriétaire de l'une de ces voitures prétendit que sa voiture est le territoire de son État, parce qu'il a hissé dessus le pavillon de cet État. La prétention d'une voiture de mer n'est pas moins ridicule, quand, après avoir hissé le pavillon d'une nation, le propriétaire de la voiture demande qu'on la regarde comme faisant partie du territoire de la nation, et que, comme telle, elle doit être inviolable. Les individus qui sont à bord d'un navire sur la

Du commerce des neutres en temps de guerre, traduit par J. Peuchet, Paris, an X (1862), p. 139, Part. I, § 10.

haute mer méritent sans aucun doute d'être respectés dans leur personne, et ils ne doivent être ni troublés ni arrêtés, non parce qu'ils sont sur un territoire, mais en raison du droit naturel, qui les constitue libres et indépendants de toute autre personne que leur souverain légitime. Quoiqu'il soit parfaitement vrai que la violence et l'injustice exercées sur la haute mer contre les sujets d'un État doivent entraîner leur souverain comme cela l'entraîne de fait - à demander réparation même par la force des armes, cependant le souverain n'agit pas ainsi parce que son territoire est violé, mais bien sous l'empire de l'obligation générale, qui lui est imposée, de défendre ses sujets contre toute violence, en quelque lieu que ce soit, et d'obtenir réparation des dommages qu'ils ont pu éprouver.

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89. Le principe de la territorialité a été habilement traité par un auteur anglais. « Il reste », dit M. Manning, «‹ à examiner une autre assertion, que font hautement valoir certains écrivains, qui ont prétendu que le pavillon neutre doit protéger les marchandises d'un belligérant. L'argument est basé sur ce fait qu'un belligérant n'a pas le droit de capturer la propriété de son ennemi, lorsqu'elle est sur un territoire neutre. On allègue qu'un navire est une partie du territoire de l'État auquel il appartient, et que les marchandises à bord d'un navire neutre sont par conséquent exemptes de saisie aussi bien que si elles étaient réellement dans le pays neutre même.

« Alléguer qu'un navire neutre est un territoire neutre, c'est une fiction si manifeste qu'il semble surprenant qu'on dût jamais s'y arrêter comme à une assertion soutenable, surtout lorsqu'on n'a qu'un seul argument à présenter à l'appui de cette territorialité des navires en mer. La juridiction de l'État auquel appartient un navire s'étend jusqu'à la connaissance des actes commis sur ce navire en mer, et l'on soutient que cette continuation de juridiction prouve qu'un navire en mer fait partie du territoire auquel il appar

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