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d'un port ennemi ; dans ce cas le belligérant a le droit d'empêcher le transport des marchandises à leur destination, s'il peut nuire à son succès de les y laisser arriver, et dans certaines circonstances il est autorisé à les saisir et à les confisquer. Par contre, un négociant neutre a droit de transporter ses marchandises sur mer vers un port neutre, en lemps de guerre, sans être assujetti à aucune intervention de la part du belligérant, autre que celle qui peut être nécessaire pour l'assurer du caractère inoffensif du voyage du navire. Cependant, dans le but de se procurer cette assurance, le belligérant a le droit de visiter un navire marchand sur la haute mer, afin de constater quels peuvent en être le propriétaire et la destination; il a aussi le droit d'y faire des perquisitions, afin de vérifier la nature et la propriété du chargement. « Le droit de visite et de recherche à bord des navires marchands sur la haute mer », fait observer Lord Stowell dans l'affaire bien connue du Convoi suédois, « quels que soient les navires, quels que soient les chargements, quelles que soient les destinations, est un droit incontestable du navire légitimement commissionné d'une nation belligérante, parce que, tant que la visite et les perquisitions n'ont pas eu lieu, il n'est pas nettement démontré quels sont les navires ou les chargements ou les destinations; et c'est dans le but de vérifier ces divers points qu'existe la nécessité de ce droit de visite et de recherche. Ce droit est si clair en principe qu'on ne saurait le nier, pour peu qu'on admette le droit de capture maritime, parce que si l'on n'est pas libre de s'assurer par une enquête suffisante qu'il y a une propriété susceptible d'être légalement capturée, il est impossible de la capturer. Les personnes mêmes qui soutiennent la règle inadmissible que les navires libres font les marchandises libres, doivent admettre l'exercice de ce droit, ne fût-ce que pour s'assurer si les navires sont libres ou ne le sont pas. Le droit est également clair dans la pratique ; car la pratique est uniforme et universelle sur ce point. >>

'The Maria, 1. Ch. Robinson, p. 36.

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<< Nous ne pouvons », dit Vattel,' « empêcher le transport des marchandises de contrebande sans faire des perquisitions à bord des navires neutres que nous rencontrons en mer; nous avons donc le droit de faire ces perquisitions ». « Afin de fortifier le droit des nations belligérantes contre les fautes des neutres et de vérifier le caractère réel ou supposé de tous les navires sur la haute mer, le droit des gens les arme du pouvoir pratique de procéder à la visite et à des perquisitions. Tel est le langage du chancelier Kent; puis il ajoute « Les nations neutres ont souvent été disposées à contester ce droit et à résister à ce qu'on l'exerce. C'est ce qui a eu lieu notamment par rapport à la Confédération de la Baltique pendant la guerre d'Amérique, et par rapport à la Convention des puissances de la Baltique en 1801. Le droit de recherche fut nié, et le pavillon de l'État déclaré devoir remplacer toutes les preuves à l'aide de documents ou d'une autre nature, et exclure tout droit de recherche. Ces puissances s'armèrent pour défendre leurs prétentions de neutres, et l'Angleterre n'hésita pas à regarder cette conduite comme une tentative d'inaugurer de force un nouveau Code de droit maritime, incompatible avec ses droits de puissance belligérante, hostile à ses intérêts et de nature à aller jusqu'à détruire le droit de capture maritime. La tentative fut promptement déjouée et abandonnée, et depuis cette époque le droit de recherche a été considéré comme incontestable. » Wheaton partage cette opinion, lorsqu'il dit que le droit de visite et de recherche à bord des navires neutres en mer est un droit de belligérant essentiel à l'exercice du droit de capturer la contrebande de guerre appartenant à l'ennemi, ainsi que les navires qui commettent une infraction de blocus. Lors même que le droit de capturer la propriété de l'ennemi serait toujours strictement limité et

1 Droit des gens, L. III, Ch. 7, § 114; Martens, Précis, L. VIII, Ch. 7, § 321.

Commentaries on american law, T. I, p, 153.

3 Elements, pt. IV, c. 3, § 29, p. 587, éd. 1857,

que la règle « navires libres, marchandises libres », serait adoptée, le droit de recherche est essentiel pour décider si les navires eux-mêmes sont neutres, et pourvus, comme tels, des titres requis par le droit des gens et les traités; car, ainsi que le fait remarquer Bynkershoek,' « il est permis de détenir un navire neutre pour s'assurer, non pas seulement par le pavillon, qu'il peut prendre frauduleusement, mais par les documents du bord eux-mêmes, s'il est réellement neutre ». Il semble vraiment que la pratique des captures maritimes ne pourrait exister sans cela; aussi les jurisconsultes s'accordent-ils généralement à reconnaître l'existence de ce droit. 2

92.- On peut faire une distinction entre le droit d'abordage sur la haute mer en temps de guerre et le droit de visite et de recherche. A propos de la question générale du droit d'abordage sur la haute mer, on peut dire justement qu'un navire n'a pas de droit exclusif à l'usage de l'Océan au delà de l'étendue que le navire en occupe physiquement et qui est nécessaire pour ses manœuvres. C'est pourquoi les navires marchands ont l'habitude de s'approcher les uns des autres dans des limites conciliables avec la sûreté de la navigation, dans le but de constater le nom et le caractère des étrangers, ou de se procurer des renseignements ou des secours. Quant aux navires de guerre naviguant avec l'autorisation de leur gouvernement pour maintenir la police générale de la haute mer et pour arrêter les pirates et les autres malfaiteurs publics, il n'y a pas de raison pour qu'ils n'abordent pas un navire qu'ils découvrent en mer dans le but d'en vérifier le véritable caractère. Ce droit paraît indispensable pour l'exercice légitime et judicieux de leur autorité; et il ne serait pas juste d'en regarder l'usage comme l'indice d'un dessein d'insulter ou de léser ceux qu'ils abor

1 Quæstiones jur. publ., L. I, Ch. 14.

• Martens, Précis, L.VIII, Ch. 7, § 317 et 321; Lampredi, Du commerce des neutres, § 12.

dent, ou de les entraver dans leur commerce licite. Par contre il est également clair qu'un navire n'est pas tenu dans ces circonstances de se tenir en panne ou d'attendre l'approche d'un autre navire. Il a la pleine liberté de poursuivre son voyage dans la direction qu'il lui plaît et d'user de toutes les précautions nécessaires pour éviter toute entreprise sinistre ou toute attaque hostile qu'il soupçonne. Il a le droit de consulter sa propre sûreté; mais en même temps il doit prendre garde à ne pas violer les droits des autres. Il peut prendretou tes les précautions, dictées par la prudence ou par les craintes de ses officiers relativement au retardement, ou à l'accélération, et à la direction de son voyage; mais il n'est pas libre d'infliger de mauvais traitements à d'autres parties innocentes, à cause de simples conjectures de dangers. Ces principes semblent être le résultat naturel des devoirs et des droits communs des nations naviguant sur l'Océan en temps de paix. Cet état de choses entraîne avec soi des obligations et des responsabilités bien différentes de celles qui s'attachent à la guerre publique, avec laquelle il ne faut pas le confondre. '

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93. Il est évident que le droit d'abordage en temps de guerre est assujetti à des considérations différentes de celles qui régissent ce droit en temps de paix. Comme la résistance de la part d'un navire neutre au droit de visite et de recherche quand un croiseur belligérant légitimement commissionné tente de l'exercer, comporte, comme pénalité, la condamnation du navire et du chargement par un tribunal de prise, il faut admettre, dans l'intérêt des propriétaires du navire neutre et de son chargement, que le croiseur belligérant se conduise de manière à ne laisser dans l'esprit du capitaine et de l'équipage du navire neutre aucun doute sur le caractère légitime du croiseur, lorsqu'il s'approche dans le dessein de visiter le navire neutre. Dans ce

1 The Mariana Flora, 1, Wheaton, p. 43.

but la réglementation du droit de visite et de recherche a été fréquemment le sujet d'engagements conventionnels entre les puissances européennes. Lampredi a fait observer que comme c'était l'usage invétéré que les capitaines de navires, marchands ou armés, hissassent le pavillon qu'ils jugeaient le plus propre à tromper ou à surprendre les autres. navires, ou à leur permettre de les approcher d'assez près pour qu'ils ne pussent leur échapper, le capitaine d'un navire marchand neutre ne saurait avec raison être sommé d'arrêter sa marche à la simple vue d'un pavillon de belligérant arboré à bord d'un autre navire, d'autant plus qu'il pourrait s'exposer à être capturé par un pirate. Aussi le capitaine neutre a-t-il le droit de s'assurer de la justice de la prétention qu'un navire armé élève à visiter son navire et son chargement, avant d'être passible d'aucune peine pour avoir tenté de s'échapper.' D'autre part, c'est une maxime universellement reçue que quiconque prétend exercer un droit contre une personne doit commencer par prouver qu'il a des titres à ce droit. Or, comme il y a deux droits en présence, dont l'un ou l'autre ne pourrait être abandonné sans quelque danger, d'une part sans trop affaiblir l'action efficace du croiseur belligérant, et, de l'autre part, sans trop compromettre la sûreté du navire neutre, diverses puissances européennes ont cherché à plusieurs reprises à établir une entente entre elles relativement aux formalités à remplir par les croiseurs belligérants pour exercer le droit de visite et de recherche, de manière à mettre les capitaines de navires neutres à l'abri, autant que le permettait la nature du sujet, de tout péril qu'il y aurait pour eux à obéir aux sommations d'un croiseur belligérant. Lampredi considère que ce n'est plus une question de simple droit conventionnel, mais qu'on peut regarder comme un usage établi que le pavillon d'un croiseur belligérant doit, aussitôt après qu'il a été hissé pour prévenir un navire marchand 1 San Juan Bautista, 5, Ch. Rob, p. 34.

2 Du commerce des neutres, § 12.

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