Images de page
PDF
ePub

constitue un blocus effectif. Un des objets qu'avait en vue la neutralité armée de 1780, c'était d'établir une règle, plus précise que celle qui avait prévalu jusque là, pour déterminer quand un port était réellement sous blocus, de manière que l'obligation de s'abstenir de faire du commerce avec ce port pût être imposée aux commerçants neutres.' Afin d'atteindre ce but, l'Impératrice de Russie communiqua aux diverses puissances européennes une déclaration des principes de la neu tralité armée, comprenant quatre propositions, dont la qua trième était conçue en ces termes : « que pour déterminer ce qui caractérise un port bloqué, on n'accorde cette dénomination qu'à celui où il y a, par la disposition de la puissance qui l'attaque avec des vaisseaux arrêtés et suffisamment proches, un danger évident d'entrer. » La GrandeBretagne, dans sa convention avec la Russie du 17 janvier 1801, accéda à cette définition d'un port bloqué, avec laquelle s'accordent d'ailleurs les principes généralement affirmés dans notre siècle par les puissances européennes. Ainsi, au commencement de la guerre avec la Russie en 1854, on peut dire que la France et l'Angleterre ont proclamé le même principe que celui de la neutralité armée, quand elles ont déclaré leur intention de « maintenir le droit des belligérants d'empêcher les neutres de violer les blocus effectifs. établis avec des forces suffisantes contre les ports, les havres ou les côtes des ennemis. » Lors de la conclusion de la paix avec la Russie, l'exercice du droit de blocus par les belligérants fut soumis à l'examen des puissances assemblées à Paris au Congrès de 1856, et il fut convenu de faire disparaître toute incertitude entre elles en déclarant leur manière d'envisager le droit maritime à ce sujet et en invitant toutes les autres nations à accéder à une déclaration commune. La proposition, qui fut adoptée à cet effet par le Congrès, était ainsi conçue: « Les blocus, pour être obligatoires, doivent être

Déclaration du 28 février 1780. Martens, Recueil, T. III, p. 158.
Martens, Recucil, T. VII, p. 260.

effectifs, c'est-à-dire maintenus par une force suffisante pour interdire réellement l'accès du littoral de l'ennemi. »1

3

103.- Étant admis qu'aujourd'hui un accord est établi entre les puissances de l'Europe, à l'exception de l'Espagne, * relativement aux blocus obligatoires, et qu'à l'avenir les cours européennes de prises, quand on argue de l'existence d'un blocus, ont le devoir de s'assurer si ce blocus est maintenu d'une manière qui satisfasse à la déclaration du Congrès de Paris, il importe d'examiner la signification qu'on doit exactement attribuer aux mots : « suffisante pour interdire réellement l'accès du littoral de l'ennemi », et de rechercher s'il existe quelques décisions judiciaires propres à nous guider pour arriver à une interprétation précise de ces termes. Une question analogue a été soumise à l'examen de la haute Cour de l'Amirauté d'Angleterre dans le cas de la Franciska (25 janvier 1855), où le docteur Lushington, juge de la haute Cour, était requis de déterminer si le blocus imposé au port de Riga était un blocus effectif. Ce juge, d'un savoir éminent, après avoir fait observer que toutes les définitions données du blocus sont et doivent être, d'après la nature de l'opération, vagues et incertaines, ajoute : « Le maintien d'un blocus doit toujours être une question de degré : du degré de danger auquel s'exposent les navires qui entrent dans un port bloqué ou qui en sortent. Rien n'est plus éloigné de mon intention, ni n'est assurément plus opposé à mes notions du droit des gens, qu'un relâchement de la règle: qu'un blocus doit être maintenu par des forces suffisantes; mais il est parfaitement clair qu'aucune force ne peut barrer l'entrée avec une certitude absolue;

Martens, N. R. Gén., XV, p. 792. Un texte anglais du traité a été présenté aux deux Chambres du Parlement anglais en 1856.

L'Espagne jusqu'à présent n'a pas accédé à la déclaration de

Paris.

a The Franciska. Spinks, Ecclesiastical and Admiralty Reports, II, p. 128.

qu'il est possible que des navires entrent ou sortent pendant la nuit, des brouillards, des vents violents ou une absence accidentelle. Aussi je crois que dans tous les cas l'enquête a eu pour but de constater si les forces bloquantes étaient capables de maintenir le blocus, et si elles étaient présentes, et, les choses étant ainsi, on a présumé l'accomplissement du devoir. Je pense pouvoir affirmer en toute sûreté que dans aucun cas où les forces bloquantes étaient sur les lieux ou à proximité on n'a considéré le blocus comme nul, parce que des navires sont entrés dans le port ou en sont sortis sans que cette entrée ou cette sortie ait eu lieu du consentement de l'escadre bloquante. »

La circonstance qu'un ou deux navires aient réussi à échapper à la vigilance d'une escadre de blocus n'a jamais été considérée comme suffisante pour repousser la présomption légale dérivant du fait qu'une escadre capable, sous le rapport du nombre, de commander toutes les approches d'un port ait stationné dans ses parages; et l'absence accidentelle d'une escadre de blocus de sa marche de croisière par suite de gros temps n'a jamais été jugée comme entraînant une interruption légale d'un blocus effectif. Lord Stowell a émis l'avis que lorsqu'une escadre est éloignée par des accidents de temps, lesquels doivent avoir été prévus par le belligérant qui impose le blocus, il n'y a pas raison de supposer que cette circonstance crée un changement de système, puisqu'on ne pourrait s'attendre à ce qu'un blocus durât plusieurs mois sans être exposé à de semblables interruptions temporaires.' Mais quand une escadre de blocus est repoussée au loin par des forces supérieures, les événements peuvent prendre un nouveau cours, de nature à changer la position des forces employées au blocus et à produire un concours différent de présomptions en faveur de la liberté ordinaire des spéculations commerciales. Dans

1 The Columbia, 1 Ch. Rob., p. 136.

ce cas le commerçant neutre n'est pas obligé de prévoir ou de conjecturer que le blocus sera repris.

1

Ainsi, si une escadre bloquante est envoyée en expédition dans un autre endroit et ne laisse, en partant, que des forces peu considérables pour continuer le blocus et en donner l'indice aux navires qui pourraient s'approcher, cette mesure est considérée comme insuffisante pour maintenir le blocus; car le devoir de la puissance bloquante est d'entretenir sur les lieux des forces suffisantes par elles-mêmes pour faire respecter le blocus. Les Lords de la Cour d'appel, dans le cas d'une soi-disant violation du blocus de l'île de la Martinique, ont décidé que l'omission de maintenir dans les différentes stations un nombre de navires se communiquant les uns avec les autres, de manière à intercepter tous les bâtiments qui auraient tenté d'entrer dans les ports de l'île était une négligence de nature à faire croire nécessairement aux navires neutres qu'on pouvait entrer dans ces ports sans courir aucun risque. On ne pouvait supposer que l'apparition périodique d'un navire de guerre dans ces parages fût la continuation d'un blocus, qui avait été précédemment maintenu par un certain nombre de navires et avec une telle rigueur que pendant sa durée aucun bâtiment n'avait été capable d'entrer dans l'île. D'autre part, sir W. Grant a émis l'opinion que dans des circonstances particulières un seul navire peut suffire pour maintenir le blocus d'un port et coopérer en même temps avec d'autres navires au blocus d'un autre port voisin; et, de plus, que l'absence temporaire de leur stationnement des navires employés à un blocus, pendant qu'ils sont occupés à faire la chasse à des bâtiments suspects, n'est pas une interruption du blocus. *

3

[merged small][ocr errors][merged small]

1

considération est celle de savoir ce qu'il faut pour établir la connaissance d'un blocus de la part du capitaine d'un navire qui tente d'entrer dans un port bloqué ou d'en sortir. Il est clair que, comme toutes les questions de droit international présument de la bonne foi, la connaissance du fait d'un blocus, de quelque façon qu'elle ait été acquise, enlève à un capitaine neutre tout prétexte pour prétendre recevoir une notification directe de l'escadre de blocus, lors même que le navire serait parti du port où il avait embarqué son chargement, sans avoir connaissance du blocus. Ainsi par l'article XVIII du traité de commerce conclu entre la Grande-Bretagne et les États-Unis d'Amérique le 19 novembre 1794, il était stipulé que: «Attendu qu'il arrive souvent que des navires font voile pour un port ou une place appartenant à un ennemi sans savoir que cette place est assiégée, bloquée ou investie, il est convenu que tout navire se trouvant dans de pareilles circonstances pourra être renvoyé de ce port ou de cette place, mais qu'il ne pourra pas être arrêté, et que son chargement, s'il n'est pas de contrebande, ne pourra pas être confisqué, à moins qu'il n'ait reçu préalablement avis du blocus. » Lord Stowell fut appelé à interpréter ce traité, en jugeant le cas d'un navire américain capturé dans un voyage de Hambourg à Amsterdam, ce dernier port étant sous blocus. Il paraît que ce navire était parti d'Amérique avec des intentions inoffensives de la part de ses armateurs; car à ce moment on ignorait en Amérique qu'Amsterdam fût investi. On soutenait donc, au nom des armateurs, qu'aux termes du traité avec la Grande-Bretagne, le navire ne pouvait être confisqué pour violation du blocus qu'à moins qu'il n'eût tenté d'entrer dans le port d'Amsterdam après avoir reçu avis que ce port était sous blocus. « On a dit », fit observer Lord Stowell au cours de son jugement, « que d'après le traité amé

The Franciska, Spinks, Eccl. and Admiralty Reports, II, p. 113.
Martens, Recueil, V. p. 676.

Tw. - II

15

« PrécédentContinuer »