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donner avis positif sur les lieux à toutes les personnes tentant pour la première fois d'entrer dans un port placé sous blocus, lors même que le blocus a été le sujet d'une notification diplomatique aux États neutres. Telle était la substance des instructions données aux croiseurs français. en 1827 et en 1830, lorsqu'ils établirent le blocus des ports de la Régence d'Alger. Tel était aussi le sens des instructions contenues dans la lettre que le comte Molé, le 20 octobre 1838, adressa au ministre de la marine de France pour la gouverne du commandant de l'escadre française qui bloquait alors les ports du Mexique.1 M. Molé, dans une dépêche du 17 mai 1838, à propos du blocus des ports de la République Argentine, a exposé très clairement les principes. d'après lesquels les tribunaux de prises français ont procédé: << Tout blocus, pour être valable envers les neutres, doit leur avoir été notifié et être effectif.

Un navire, se présentant devant un port bloqué avant d'avoir eu connaissance du blocus, doit d'abord être averti, et la notification doit en être faite par écrit et sur son rôle d'équipage. Mais cet avis ayant été donné et cette formalité ayant été remplie, s'il persiste à entrer dans le port, ou s'il vient à s'y présenter de nouveau, le commandant du blocus. a le droit de l'arrêter. » 2

Conformément aux règles qui précèdent, nous voyons les tribunaux de prises français décider, le 21 décembre 1847, dans l'affaire de la Louisa,' capturée dans les eaux du Rio de la Plata, qu'il ne suffisait pas que le blocus eût été notifié aux puissances étrangères; il était nécessaire que le navire lui-même eût reçu avis de l'existence et de l'étendue du blocus, et que cet avis eût été écrit sur le rôle d'équipage, avant que le navire pût être capturé et condamné comme prise de guerre pour violation de blocus. D'autre part, les

'Cette lettre est reproduite en entier par M. Ortolan, dans sa « Diplomatie de la mer. » T. II, p. 304.

* Pistoye et Duverdy, Traité des prises maritimes, T. I, p. 382. 3 Ibid., p. 382.

mêmes tribunaux, le 4 mars 1830, condamnèrent le navire la Caroline' comme bonne prise, par la raison qu'un blocus effectif des ports de la Régence d'Alger était établi depuis le mois de mai 1827 en vertu d'ordres transmis par le gouvernement français, que le commandant de la Caroline avait été averti de l'existence du blocus quelques jours avant la capture de son bâtiment, qu'une notification à cet effet avait été écrite sur le rôle d'équipage du navire, et que c'était après cette notification directe que le navire avait tenté de violer le blocus et d'entrer dans le port d'Oran. »

108. — Les jurisconsultes des États-Unis d'Amérique ont adopté la doctrine des cours anglaises de prises: qu'un avis par interprétation peut suffire pour donner connaissance d'un blocus Le chancelier Kent s'exprime ainsi : 2 « Il est absolument nécessaire que le neutre soit duement averti du blocus, pour qu'il puisse être passible des conséquences pénales d'une violation du blocus. Cette information peut lui être communiquée de deux manières, soit directement ou positivement par un avis formel de la puissance bloquante, soit indirectement ou implicitement par un avis transmis à son gouvernement ou par la notoriété du fait. Peu importe de quelle manière le neutre parvienne à avoir connaissance du blocus. Si le blocus existe réellement et qu'il en ait connaissance, il est tenu de ne pas le violer. Un avis adressé à un gouvernement étranger est un avis à tous les individus de la nation, auxquels il n'est pas permis d'en prétendre ignorance, attendu qu'il est du devoir du gouvernement neutre de communiquer cet ayis à son peuple. Dans le cas d'un blocus sans avis régulier, un avis de fait est généralement nécessaire. Entre un blocus notifié régulièrement et un blocus sans avis de ce genre il y a cette différence que, dans le premier cas, l'acte de mettre à la voile pour le lieu bloqué avec l'intention d'éluder le blocus ou

1 Pistoye et Duverdy, Prises maritimes, T. I, p. 381. • Commentaries on american law, T. I, p. 147.

d'entrer dans le port par hasard équivaut, dès le commencement du voyage, à une infraction de blocus; car le port doit être considéré comme fermé jusqu'à ce que le blocus ait été formellement révoqué ou levé de fait; tandis que, dans le second cas, celui d'un blocus de facto, l'ignorance de la part du neutre de la continuation du blocus peut être admise comme excuse pour avoir mis à la voile pour le lieu bloqué, qui pouvait être considéré comme une destination douteuse et provisoire. La question de l'avis est une question de preuve à résoudre au moyen des faits applicables à l'espèce. La notoriété d'un blocus est par elle-même un avis suffisant du blocus pour les navires mouillés dans le port bloqué. »

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109. La troisième question à examiner est celle de savoir quelle conduite rend un navire neutre passible de capture et de condamnation pour violation de blocus. L'article 2 de l'ordonnance des États-Généraux des ProvincesUnies, publiée le 26 juin 1630, duquel nous avons parlé déjà, prescrit : « Que les navires neutres et leurs chargements devront être confisqués, lorsqu'il sera constaté, par les papiers concernant leur cargaison ou d'autres documents, qu'ils ont été chargés dans les ports bloqués, ou qu'ils sont à destination de ces ports, quoiqu'ils en soient rencontrés à une telle distance qu'il leur serait possible de changer leur voyage et leur intention. Cette règle étant fondée sur le fait qu'ils se sont déjà embarqués dans une entreprise illicite, qu'ils ont commencé à mettre à exécution, bien qu'ils ne l'aient ni achevée ni menée à son dernier point d'accomplissement, on ne peut permettre d'y faire exception que quand les capitaines et les armateurs de ces navires peuvent duement démontrer qu'ils ont, de leur propre gré, renoncé à leur entreprise et à leur voyage illicite, avant qu'un navire de guerre soit venu en vue et leur ait donné la chasse. Les

1 Columbia.1 Ch. Rob. p. 130.

The Neptunus, 2 Ch. Rob. p. 110.

3 Robinson's Collectanea maritina, p. 165. Bynkerskoek, Quæst jur. pub. Liv. I, c. 11.

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tribunaux de prises anglais et américains procèdent aujourd'hui d'après les principes soutenus par les États-Généraux relativement aux navires qui avaient, dès le principe, mis à la voile avec l'intention de pénétrer dans un port que leurs capitaines savaient être sous blocus. « Il a été dit », a fait observer Lord Stowell, « que le navire n'était pas arrivé, que l'offense n'a pas été commise positivement, mais est demeurée purement intentionnelle. Sur ce point je suis nettement d'opinion que la mise à la voile avec l'intention d'éluder le blocus de Texel était un commencement d'exécution de cette intention, et que c'est un acte manifeste constituant l'offense. De ce moment le blocus est éludé frauduleusement. >> Commentant ce jugement et d'autres décisions des cours anglaises, l'éminent jurisconsulte américain, le grand juge Marshall, a déclaré que « ni le droit des gens ni le traité (entre les États-Unis et la Grande-Bretagne) n'admettent la condamnation du navire neutre pour intention de pénétrer dans un port bloqué quand cette intention ne se rattache à aucun fait. La mise à la voile d'un navire pour un port qu'il sait être bloqué a été dans quelques cas interprétée par les cours anglaises comme une tentative d'entrer dans ce port et par conséquent jugée comme une infraction au blocus à partir du départ du navire. Sans émettre une opinion sur ce point, on peut faire remarquer que dans de pareils cas le fait de mettre à la voile est joint à l'intention, et la sentence de condamnation est fondée sur une infraction réelle au blocus. Le même juge, dans une autre affaire, a décidé que « le départ de Tabago pour Curaçao, quand on savait ce dernier port bloqué, aurait exposé au risque d'enfreindre le blocus; mais la mise à la voile pour ce port sans cette connaissance n'aurait pas fait courir ce risque.

P. 231.

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The Columbia, 1 Ch. Rob. p. 155. Cf. Madeirosl v. Hil, 8 Bingham, 2 Fitzsimmons v. the Newport Insurance Company, 4 Cranch, p. 185. 3 Yeaton v. Try, 5 Cranch, p. 335. Cf. The Nereide, 9 Cranch, p. 446. Kent's Commentaries, T. I, p. 150.

La règle d'après laquelle se guident les cours anglaises et qui consiste à considérer l'acte de mettre à la voile pour un port bloqué comme équivalant en droit à une tentative d'y pénétrer, est péremptoire dans le cas d'un blocus qui a été notifié par le gouvernement belligérant aux gouvernements neutres, d'autant plus que dans le cas d'un blocus qui a été notifié publiquement les parties qui dépêchent le navire ne sont pas admises à présumer que le blocus ait été levé, si la révocation du blocus n'a pas été aussi notifiée publiquement.'

110. Les cours anglaises de prises ont appliqué une certaine jurisprudence d'équité à l'égard de navires expédiés d'un port très éloigné du port bloqué. Ainsi lord Stowell était d'opinion que les navires américains avaient droit au bénéfice d'une destination éventuelle, qui devait être déterminée et rendue définitive par les informations qu'ils devaient recevoir en Europe. « Il faut », dit-il, «< inférer, voire même admettre que la notification du blocus du Havre avait été reçue en Amérique. Les sujets de l'Amérique sont sans aucun doute astreints, aussi bien que les sujets des autres pays, à toutes les lois générales qui sont à observer en fait de blocus régulièrement imposé. En même temps, envisageant la grande distance où ils se trouvent placés et ne voulant pas mettre d'entraves aux justes commodités du commerce, la cour a décidé que, lors même que le blocus. d'un port en Europe eût été notifié en Amérique, les commerçants de ce pays pouvaient prendre conditionnellement le port bloqué pour destination, dans la supposition qu'avant l'arrivée du navire le blocus aurait pu être levé. Mais, relativement aux mesures de précaution à observer dans cet état d'incertitude, la cour a toujours compté que les renseignements devaient être recueillis dans un des ports anglais de la Manche. Il ne pourrait être permis que les navires se

1 The Vrow Johanna, 4 Ch. Rob. p. 109.

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